Un laboratoire a mis au point une technique étonnante pour, à l'origine, mettre l'huile d'olive à l'abri des contrefaçons : un marqueur génétique. Ce marqueur est composé en trois parties. La principale, c'est un petit bout d'ADN. Une séquence unique, créée et adaptée à chaque produit. Elle permettra à un laboratoire de détecter si la marchandise est authentique, ou non. Ce composé biologique est ensuite entouré de petits aimants composés d'oxyde de fer. Ainsi, le biologiste pourra séparer plus facilement l'ADN du reste du produit. Le tout est entouré d'une bille de silice. Le marqueur serait malgré tout inoffensif pour la santé. Il a également pour avantage de ne pas altérer la qualité du produit. Et il est si petit, qu'on ne le remarque même pas. Si cette invention est intéressante, c'est aussi pour ses coûts réduits. Pour chaque litre d'huile, il faudrait débourser 0,02 centime de dollars. Il faut dire que les quantités nécessaires, qui se mesurent en millionièmes de millimètres, sont ridicules. © Arte

La manipulation génétique des espèces s’active, la controverse aussi

Le Vif

Des techniques scientifiques capables d’éradiquer une espèce entière ou d’empêcher des moustiques de transmettre une maladie se multiplient, soulevant inquiétudes et questions éthiques sur les risques de changer la nature parfois de manière irréversible.

Ce secteur en développement ultra-rapide, qui consiste à bouleverser la biologie des êtres vivants en modifiant leur ADN, fait de plus en plus débat, sur ses promesses pour la santé humaine autant que sur ses conséquences sur la faune et la flore.

L’élément le plus controversé est sans doute le « forçage génétique », soit une modification de l’ADN transmissible entre générations. Ce qui a pour effet, à terme, d’altérer l’identité génétique d’une espèce entière.

Parmi les projets envisagés: l’introduction sur des îles de souris OGM ne produisant que des mâles, assurant ainsi l’extinction de ces rongeurs, ont indiqué des scientifiques au congrès de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), plus grande réunion des défenseurs de l’environnement qui se déroule du 1er au 10 septembre à Honolulu, à Hawaï.

Autre idée, pour sauver des oiseaux de l’archipel hawaïen menacés par le paludisme aviaire: libérer des moustiques ne pouvant être porteurs de cette maladie.

Le moustique Oxitec, développé par Intrexon, n’est pas un forçage génétique mais il a pour effet de réduire la population de ces insectes. Les mâles ont en effet été modifiés pour que leur progéniture n’atteigne pas l’âge adulte.

Moins de pesticides

Les partisans de la modification génétique transmissible –également appelée système d’entraînement des gènes– mettent en avant le fait qu’elle permettrait de se passer de pesticides polluants, et qu’elle fournirait le meilleur moyen de lutter contre les espèces invasives.

Mais ses pourfendeurs en craignent les conséquences et l’impact probablement irréversible sur les créatures et les écosystèmes.

Kevin Esvelt, professeur assistant au prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT), fait partie des premiers scientifiques à proposer d’utiliser l’édition génétique, ou CRISPR, pour modifier des espèces. Mais il est aussi l’un des plus prudents au sujet de son utilisation.

« En tant que scientifique ayant travaillé dessus, je suis particulièrement préoccupé parce que nous, les scientifiques, sommes au bout du compte moralement responsables de toutes les conséquences de notre travail », a-t-il affirmé lors d’une table-ronde à l’UICN.

« Il devrait être interdit à quiconque de fabriquer en laboratoire un gène transmissible ou une quelconque technologie visant à altérer l’environnement commun sans avoir préalablement et publiquement fait part de son projet », a-t-il préconisé. « Si quelque chose tourne mal dans le laboratoire, cela peut affecter les gens à l’extérieur du laboratoire ».

Il a déploré le fait que les populations « n’ont pas la possibilité de s’exprimer sur une décision qui peut avoir un effet sur elles », et que la réglementation actuelle « n’est vraiment pas assez stricte ».

A ses côtés, d’autres intervenants ont plaidé pour une action rapide lorsqu’il s’agit de sauver des espèces en péril.

« L’une des choses les plus effrayantes à travailler dans la conservation à Hawaï est qu’il n’y a pas de solution pour sauver ces oiseaux de la malaria », a confié Chris Farmer, directeur du programme American Bird Conservancy de Hawaï.

Trente-huit espèces d’oiseaux forestiers de l’archipel américain ont disparu, en grande partie à cause de la malaria aviaire, et 21 des 32 espèces restantes sont menacées, selon les experts.

En n’explorant pas ces nouvelles technologies, « nous choisissons de laisser ces espèces s’éteindre », a prévenu M. Farmer.

Gènes génocidaires

Pour Floyd Reed, un scientifique de l’université de Hawaï travaillant sur un projet pour modifier le moustique Culex véhiculant la malaria aviaire, le forçage génétique peut avoir plusieurs visages.

Certains pouvant en théorie changer l’ADN d’une espèce entière à partir de quelques individus « devraient être considérés avec une prudence extrême ».

« Et il y a d’autres sortes de modifications génétiques de populations qui sont plus sûres, géographiquement limitées par elles-mêmes et réversibles », a-t-il assuré.

Les membres de l’UICN ont adopté une disposition visant « à ne pas soutenir ou promouvoir une étude scientifique, y compris des essais sur le terrain, portant sur le forçage génétique à des fins de conservation ou d’autres objectifs » jusqu’à la finalisation d’ici 2020 d’une évaluation rapide.

Mais cette disposition est non-contraignante.

La primatologue Jane Goodall et des dizaines de protecteurs de l’environnement et de scientifiques ont signé cette semaine une lettre ouverte dans laquelle ils s’inquiètent de la modification génétique transmissible dans les domaines militaire, agricole et de la conservation.

Cette lettre appelle à l’arrêt de tous les projets en la matière « étant donné les dangers évidents de libérer des gènes irrémédiablement génocidaires dans la nature ».

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