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La mammographie démystifiée

Alors que la campagne Octobre rose, largement médiatisée dans le monde et en Belgique, bat son plein, une nouvelle étude scientifique s’interroge sur les réels bénéfices du dépistage des cancers du sein. Décryptage.

Publiée fin septembre sur le site Internet de la revue BMC Cancer, l’étude de l’épidémiologiste français Bernard Junod (validée par des spécialistes américains et européens) fait grand bruit. Que dit-elle ? L’ « explosion » des cancers du sein en France (en 2011, 2,5 fois plus qu’en 1980) serait due à des « surdiagnostics, effets pervers du dépistage de masse ». Le surdiagnostic concerne de réelles tumeurs (cellules anormales à l’examen) mais qui spontanément n’auraient jamais une incidence sur la santé de la patiente. Il faut savoir qu’une mammographie, bien que soumise toujours à une double lecture, est extrêmement difficile à lire. Le plus souvent, il s’agit plutôt d’une interprétation qui peut entraîner, forcément, des approximations abusives. La polémique s’annonce orageuse, d’autant plus que Rachel Campergue publie un livre sur le sujet, intitulé No Mammo ?, fruit d’une enquête de trois ans. Dans ce « pavé » de 500 pages, très bien documenté, qui se lit comme un roman, la kinésithérapeute française dénonce les campagnes de sensibilisation-marketing et le pinkwashing (la tendance de nombreuses firmes à utiliser la cause du cancer du sein pour booster la vente de leurs produits), donne la parole aux experts indépendants et s’insurge contre le paternalisme dans la relation médecin-patiente. « J’ai réalisé cette enquête en réaction contre l’intolérance d’une gynécologue qui m’ai traitée d’inconsciente lorsque j’ai refusé une mammographie de dépistage à l’âge de 42 ans, explique Rachel Campergue, jointe au téléphone par Le Vif/L’Express. Cela dit, soyons clairs. Je ne suis pas contre le dépistage. Je suis contre la façon dont nous sommes incitées à nous faire dépister et je trouve choquant que la campagne de sensibilisation, soutenue par les politiques et les magazines, ressemble à une opération de marketing. La mammographie de dépistage n’est pas un baril de lessive. Elle engendre des bienfaits et des dommages. Le dépistage doit devenir une décision personnelle et le but de mon livre est d’apporter une réponse claire et objective à ce sujet. »

Quelle est la situation en Belgique ? Les derniers chiffres fiables remontent à 2008, avec 9 697 de nouveaux cas et 2 326 décès. L’évolution est relativement stable et on ne peut pas parler d’une « explosion ». Cela dit, la communication pose un réel problème. Le Dr Didier Vander Steichel, directeur médical et scientifique de la Fondation contre le cancer, ne mâche pas ses mots : « La saga du dépistage est un exemple désastreux de la mauvaise communication du corps médical. » Et qui a fini par créer un amalgame abyssal entre prévention et dépistage. Or la mammographie n’est pas un « vaccin ». Elle constate mais ne prévient pas. « Le dépistage n’a pas pour but d’éviter un cancer du sein, poursuit le Dr Vander Steichel. Sa seule raison d’être consiste à augmenter les chances de guérison ou de permettre un traitement moins agressif grâce à une prise en charge plus précoce de la maladie. Si cette condition n’est pas remplie, le dépistage n’a que des inconvénients, à savoir des risques liés aux irradiations et des risques d’examens faussement positifs ou faussement négatifs. Je conseille aux femmes entre 50 et 69 ans une mammographie de dépistage tous les deux ans. Avant 50 ans et après 70 ans, tranche d’âge où la mortalité est la plus élevée, il faut mener une réflexion cas par cas. »

No Mammo ? Enquête sur le dépistage du cancer du sein, par Rachel Campergue, 512 pages, aux éditions Max Milo.

BARBARA WITKOWSKA

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