La Finlande, eldorado de l’éducation?

Le Vif

Quelles sont les recettes du modèle éducatif finlandais? En mage du Wise, le sommet mondial de l’éducation de Doha, L’Express a interrogé Pasi Sahlberg, dirigeant du centre de mobilité et de coopération internationale du ministère de l’Education finlandais.

Par Libie Cousteau, de L’Express.fr

Enseignant à Helsinki, dirigeant du centre de mobilité et de coopération internationale du ministère de l’Education, Pasi Sahlberg a participé aux réformes des politiques éducatives finlandaises. Présent au Wise ( World innovation summit for education) à Doha, il a donné une conférence mardi 30 octobre. L’Express a rencontré cet expert d’un pays considéré dans le monde entier comme un modèle eu égard à ses résultats. Autonomie des professeurs et des écoles, coopération, soutien intensif aux élèves en difficulté : tels sont entre autres les ingrédients de cette réussite.

Depuis de nombreuses années, la Finlande caracole en tête des classements internationaux dont le fameux Pisa, où la France accuse de très mauvais résultats. Quel est votre secret?

Il n’y a pas de secret ni aucune recette. Ceux qui s’extasient sur notre système oublient souvent que cela nous a pris plusieurs dizaines d’années pour en arriver là. Le mouvement initié dans les années soixante-dix a été suivi avec une constance exemplaire par plusieurs gouvernements successifs. L’objectif était : offrir à chaque enfant la possibilité d’intégrer une bonne école.

Facile à dire, mais à faire…

En effet, les débuts ont été très laborieux. Il y avait une grande inégalité sur le territoire, et de nombreux parents inscrivaient leur enfants dans des écoles privés. Celles-ci ont aujourd’hui disparues. Pour revenir à la qualité de nos résultats, elle s’explique en partie par les moyens que nous consacrons aux élèves en difficulté. 30% des élèves finlandais bénéficient d’un soutien tout au long de leur scolarité. Dans chaque école, des assistants ou des professeurs formés à cet effet leurs sont dédiés. Les difficultés sont dépistées très tôt, souvent même avant l’entrée à l’école primaire, à travers des tests spécifiques. Dès lors, des programmes individuels sont adaptés pour permettre à l’enfant de ne pas décrocher.

Comment et quand identifiez-vous ces difficultés?

Dès l’age de 5 ans, la sécurité sociale fait passer aux enfants des tests afin d’évaluer leur capacités physiques et cognitives. Cela nous donne quelques indications. Lorsqu’ils arrivent à l’école primaire, les enseignants disposent déjà d’un certain nombre d’informations. Mais ce sont eux qui complètent les évaluations. Ce qui fait la différence avec d’autres pays, c’est que cette forme de dépistage se fait très tôt afin d’agir le plus vite possible.

Concrètement comment cela se passe-t-il?

Chaque professeur dispose d’au moins un assistant dédié à ces élèves plus ou moins en difficulté. L’assistant s’en occupe pendant les heures de classe et ensuite, les professeurs eux-même, souvent, prennent le relais. Tous nos professeurs ont suivi une formation pour cela.

Cela ne leur fait-il pas une charge de travail importante?

Certes, mais ils sont formés pour et disposés à le faire. D’après une étude récente, les professeurs finlandais sont très satisfaits de leur métier. Ils sont plus heureux que bien d’autres professions. L’explication? L’impact, disent-ils, qu’ils observent sur leurs élèves grâce à l’énorme autonomie dont ils disposent.

Justement, votre système, décentralisé et libéral n’est-il pas source d’inégalités sur le territoire?

Absolument pas. Cela nous permet de fournir une réponse adaptée et efficace. Mais les professeurs ne sont pas livrés à eux-mêmes. Ils sont encadrés par des directeurs d’établissement qui sont leur responsable hiérarchique.

Comment vérifiez-vous que les enfants ont bien intégré les connaissances alors que vous donnez peu de notes?

Il n’y a pas que les connaissances! De notre point de vue, il est tout autant important de vérifier s’ils ont été capables d’apprendre à apprendre. Nous sommes très vigilants sur l’évaluation de cette notion que nous appelons  » learning to learn « . Que faire avec ses connaissances? comment les utiliser? C’est aussi ce que mesure l’étude Pisa et c’est pour cela que nous y avons de bons résultats depuis vingt ans.

Vu de l’extérieur, votre système semble presque parfait. Des profs heureux, des élèves qui réussissent …Que pouvez-vous encore améliorer?

Non, ne dites pas cela. Nous sommes loin d’être parfaits. A cause de cette réputation obtenue grâce à nos résultats aux études Pisa, le système éducatif est devenu très difficile à faire évoluer. Personne ne veut plus rien changer. Or, nous sommes confrontés aujourd’hui à de nouveaux défis. Il nous faut par exemple trouver comment inciter les garçons à lire car ils passent la plupart de leur temps libre sur l’ordinateur. Contrairement aux filles qui continuent à aimer la lecture. Ce sont elles, d’ailleurs, qui nous permettent de nous maintenir à un bon niveau dans l’étude Pisa. Autre défi, récupérer les 5% d’élèves qui arrêtent leur scolarité à l’âge de seize ans. Enfin, aujourd’hui, les écoles finlandaises accueillent de nombreux enfants d’immigrés. Elles doivent apprendre à bien les intégrer.

Que deviennent les bons élèves finlandais après avoir terminé le lycée?

60% font des études supérieurs. Les meilleurs aspirent à devenir… des professeurs.


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