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L’optimisme, ça s’apprend !

Voir constamment la vie en rose, ce n’est pas donné à chacun. Mais, avec un minimum d’entraînement, il est possible d’au moins arrêter de broyer du noir. Envie d’un petit stage ? On l’a suivi pour vous, les sceptiques !

La convocation stipulait bien d’apporter ses tartines. Ce fut d’ailleurs, lors de l’accueil matinal des stagiaires, l’une des premières recommandations de Catherine Schwennicke, la formatrice : « Alors, tout le monde a pensé à son pique-nique ? Libre à chacun, sinon, de se faire un petit jeûne dans le parc ! » Quoi ? Un petit jeune ? A midi ? Dans les fourrés ? Regards incrédules des présent(e)s : si l’assemblée compte bien une majorité de femmes (14 sur les 16 inscrits), certes dans la force de l’âge, aucune, visiblement, ne présente les traits redoutables de la cougar : assises en cercle dans le salon de cette ancienne maison de Watermael-Boitsfort – le QG de la Ligue des Optimistes -, les participantes ont l’air plus intimidées que prédatrices… La formulation innocente, quoique ambiguë, de l’hôtesse se voulait juste pédagogique. Ici, petites et grandes frustrations se traitent d’un haussement d’épaules. Auriez-vous oublié vos sandwiches, les filles, qu’il serait bien bête d’en faire tout un plat… De même que la pluie sur les toits, les bouchons sur la route, le retard de quelques-uns, tout ça n’a pas réellement d’importance…
Stimuler le préfrontal

Dire zut aux vicissitudes, raboter ses exigences, être activement curieux des manières dont fonctionne autrui, tout en restant soi-même et en gardant, « en poche, une paire de lunettes « optimistes » »… Pour les enrôlés à cette séance de gestion de soi, mise sur pied par Prefrontality – un institut bruxellois axé sur « l’évolution progressive des modes de pensée individuels et collectifs au service d’un développement d’une société à visage humain » -, c’est une première. Une kiné, une décoratrice, une consultante en changement intérieur, une dame « simplement ouverte d’esprit », un chimiste dont l’épouse lui reproche de « ne voir que le négatif » et quelques autres, tous sont avides d’en savoir un peu plus sur les façons d’injecter du rose dans la vie. Personne n’a promis que ce serait facile. « On ne naît pas égaux devant l’optimisme, prévient l’animatrice. Certains ont reçu, dès le départ, une disposition à « être au monde » plutôt joyeuse. D’autres, pas. » Si quelques-uns, ce matin, semblent avoir hérité du gêne grognon, l’enthousiasme et l’humour de Catherine Schwennicke, jeans et baskets, ont tôt fait de les dérider. Appuyée contre un piano à queue, dos au jardin, la coach parle d’une voix aussi enchantée que le gazouillis des oiseaux pénétrant dans la pièce… Même Marie-Louise, qui semble la plus atteinte, n’aurait presque plus envie de répondre « On fait aller », ou « Comme un lundi », aux saluts énervants de sa voisine de palier.

Après le café-thé-biscuits bio, il est urgent de passer aux choses sérieuses. Premier objectif : attaquer de front les « antivaleurs », tous ces bazars plombants qui constituent, chez la plupart d’entre nous, le frein majeur à l’optimisme. « C’est tout ce qu’on n’aime pas, résume la formatrice. Les embouteillages, un sale temps, le manque d’argent, un frigo vide, le désordre, une douleur chronique… La liste est infinie. Mais qui a réellement prise sur le trafic ou la météo ? Personne. Or il existe des gens que tout cela n’atteint pas, qui continuent parfaitement à fonctionner, et avec le sourire. Pourquoi ? » Silence. Pourquoi, oui, bonne question. « C’est qu’ils savent modifier leur état d’esprit, poursuit la coach. Changer de lunettes, si vous voulez. Basculer d’un territoire cérébral à un autre, pour recruter leur préfrontal »… Mais kékséksa, le préfrontal ? On va s’épargner, ici, le détail des subtilités de l’approche neurocognitive et comportementale (ANC). Cette nouvelle discipline, à la charnière de la psychologie et des neurosciences, fournit une grille de lecture particulière des actions humaines. C’est elle qui, ici, devrait éclairer le cerveau des stagiaires sur le fonctionnement du leur… En gros, notre matière grise est scindée en quatre territoires (le reptilien, le paléolimbique, l’automatique et le préfrontal) qui s’occupent chacun de nous faire (ré)agir en diverses circonstances. Le cerveau automatique apporte des réponses rapides, précises, fiables dans toutes les tâches routinières, mais se trouve assez dépourvu face à l’inconnu et au changement. Le préfrontal (situé juste derrière le front) est en revanche parfaitement adapté aux innovations. Souple, nuancé, distancé, c’est le king pour gérer les situations complexes. La plupart du temps, le passage d’un mode mental à l’autre se fait spontanément, selon les nécessités du moment. Mais pas toujours. Et il semble bien que devant l’agacement qu’apportent les antivaleurs, souvent, ça coince…

Pour plus de clarté, place à un premier exercice pratique. Mission : noter quelques-uns de ces « trucs pas cool qui menacent de saper constamment notre moral ». Facile, car « on en a tous tout un stock », affirme Catherine Schwennicke. Voyons… Jouer chaque semaine sans gagner au lotto ? Réaliser que la planète ne sera jamais globalement végétarienne ? Aline, elle, supporte de moins en moins le bégaiement de son fils. Alain souffre de l’absence d’une moulure le long d’une marche d’escalier, à son domicile (!)… Mais c’est Liliane qui est invitée à partager ce qui ne la rend pas gaie : « Voilà. Je tire toujours la tronche devant quelqu’un qui ne m’aime pas », avance-t-elle. Même si le cas de Liliane ne parle pas à tout le monde, chacun doit à présent s’en emparer, et tenter d’y relever malgré tout du positif. « Il faut stimuler le préfrontal, la partie de votre cerveau qui est créative », encourage la coach.

Diane Thibaut, une autre thérapeute maison, se lance : « Moi, ça ne me dérange pas si des gens ne m’aiment pas. Ça laisse du coup plus de temps pour les autres, les sympas ! » Un bon point pour Diane. « Si vous restez bloqué au raisonnement automatique, poursuit Catherine Schwennicke, tout paraît grave. Et tant que vous considérerez que c’est grave, vous n’arriverez pas à voir d’autres aspects au problème. » Jean-Baptiste émet un doute : « OK, mais dans la vraie vie, quand « ça » part en vrille… ? »

Justement, voilà pourquoi l’entraînement « à froid » s’avère nécessaire, lorsque le pessimiste/futur optimiste n’éprouve pas cet état de tension qui gâche tout. Aussi, quand tout va bien, n’hésitez pas à vous emparer d’un petit souci. Malaxez-le tranquillos dans votre tête – par exemple, en voiture, imaginez qu’un accident vous y bloquera les trois prochaines heures. Trouvez-lui de bonnes raisons d’exister (les « avantages », mettons, à poireauter au volant), et convainquez-vous que ce désagrément ne vous atteint pas. Bref, passez en « mode préfrontal ». « Vous verrez, c’est très apaisant. Mais attention, avertit la spécialiste. Surtout, ne pas faire l’exercice à chaud : ce serait comme vouloir changer de cheval au galop. » Conclusion : ce n’est pas la situation (ou la personne) embêtante qui n’existe plus, c’est le regard qu’on lui porte qui se trouve modifié. « Voyez comme nous sommes souvent très « préfrontal » avec nos amis, poursuit la coach. On leur dit d’être cool, de dédramatiser. Si on arrive à leur proposer cette bascule, rien n’empêche de l’appliquer aussi à soi-même. »

Il suffirait d’aller puiser dans un réservoir d’expressions clés, qui, toutes, permettent de re-la-ti-vi-ser au moment critique. Les organisateurs du stage en possèdent une liste infinie : qu’en penserais-je dans dix ans ? Est-ce si grave ? Qu’ai-je à gagner à vouloir toujours avoir raison ? Et après ? La nuit porte conseil. Ne jugeons pas sans savoir. On est tous l’abruti/le ringard/le laxiste de quelqu’un. J’arrête de faire le gamin, etc. « Et ça marche pour toutes les situations ? » s’enquiert un participant. Apparemment. L’équipe de Prefrontality est d’ailleurs parfois invitée, par des écoles, à coacher des élèves en décrochage. La question immuable « Madame, et si j’arrêtais d’étudier ? » y entraîne un automatique « Et pourquoi pas ? » La formatrice explique ensuite aux élèves ahuris qu’abandonner, c’est aussi, après tout, une expérience intéressante… On l’aura compris : il est possible de mieux accepter ce qui est, lorsqu’on arrive à relever des avantages à des trucs moches, même très moches. L’exercice en lien avec ce drôle de constat s’appelle le « pack aventure », et c’est Jean-Baptiste qui s’y colle, lui qui ne supporte pas, chez les autres, le manque de rigueur. Catherine Schwennicke propose donc à tous de chercher, avec et pour l’intéressé, « les avantages du bâclé et de l’à-peu-près, ainsi que les inconvénients au perfectionnisme ». Curieusement, il en jaillit des quatre coins de la salle : le travail va plus vite ! on évite des tensions entre collègues ! on gagne du temps pour autre chose !… Jean-Baptiste sourit, déjà convaincu. On parie que, demain, ses employés ne le reconnaîtront plus, tant il sera devenu fan du « rouf-rouf ».

Prefrontality organise toutes sortes de stages axés sur la sérénité : confiance, estime et connaissance de soi, gestion des émotions et des troubles du sommeil, examens sans stress, trouver sa voie scolaire ou professionnelle, optimisme, ados, méditation, etc. Infos au 0477 68 59 05 ou www.prefrontality.be

VALÉRIE COLIN

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