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L’iSelf, ou quand l’iPhone devient une véritable extension de soi

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Un chercheur américain a analysé la relation que nous entretenons avec nos objets connectés. Dans son étude, le doctorant avance que « privé de son mobile, la personne souffrant de « nomophobie » a l’impression d’avoir perdu une part d’elle-même, et cela « peut avoir un impact négatif sur ses performances mentales ».

Russell Clayton, doctorant à l’université du Missouri, s’est penché sur le sentiment de manque, voire de panique, qui s’empare de certaines personnes lorsqu’elles sont séparées de leurs smartphones. Dans son étude intitulée « The Impact of iPhone Separation on Cognition, Emotion and Physiology » (« L’impact de la séparation d’avec son mobile sur la cognition, l’émotion et la physiologie »), publiée début janvier et repérée par le site du Monde, il aborde en long et en large cette nouvelle phobie, baptisée « nomophobie », contraction de l’expression anglaise « no mobile phobia ».

Le doctorant avance que « privé de son mobile, la personne souffrant de « nomophobie » a l’impression d’avoir perdu une part d’elle-même, et cela « peut avoir un impact négatif sur ses performances mentales ». Il en conclut que le téléphone portable est devenu actuellement « une extension de nous-mêmes », à la manière du sonar de certains animaux, si bien qu’on peut parler d' »iSelf », de « soi connecté ».

Russell Clayton renvoi pour ce faire à « The Extended Self Theory » (Belk, 1988/2013), une étude qui en 1988 s’appuyait sur une analyse de 1951 (McClelland) qui suggérait déjà que des objets externes à notre propre corps pouvaient être considérés comme en faisant partie lorsque nous pouvons exercer un certain contrôle sur eux, tout comme nous contrôlons nos bras ou nos jambes. En 2008, une autre étude avait introduit la notion de « negotiable body » (« corps négociable ») selon laquelle, dans certaines conditions, le cerveau intègre des éléments externes au corps, les traitant comme des parties intégrantes de ce dernier. Le chercheur de cette étude, Clark, se réfère aussi à l’étude de 1951, en prenant comme exemple un charpentier et son marteau. Dès que le charpentier contrôle totalement l’utilisation de son outil, il le voit comme une extension de son bras qui lui permet de réaliser son travail. Dans cette situation, plus un individu s’attache à un objet, plus ce dernier devient partie intégrante de lui-même. Ce qui renvoie à la notion d’ « iSelf », les chercheurs avancent ainsi l’hypothèse qu’être séparé de son smartphone conduit, d’une certains manière, à une dépossession ou une diminution de son être.

Augmentation de l’anxiété et du rythme cardiaque

Le site Science Daily relate les expériences réalisées par Clayton sur des étudiants. Prétextant le besoin d’essayer un nouveau tensiomètre sans fil, son équipe a mesuré la pression sanguine et la tension artérielle de 208 étudiants en journalisme invités à dresser une liste des 50 Etats américains. A mi-parcours, il leur a annoncé qu’il était préférable de se séparer de leurs téléphones portables « pour ne pas créer d’interférences avec le matériel médical », et a demandé aux étudiants de recommencer le test de zéro. A chaque fois que les participants ont été déconnectés, les chercheurs ont constaté une augmentation significative de l’anxiété, du rythme cardiaque, des niveaux de pression artérielle et une diminution significative de la performance aux tests : les étudiants se sentaient psychologiquement diminués.

Cette angoisse avait déjà été identifiée en 2013 dans un sondage de la société anglaise d’enquêtes en ligne YouGov, qui travaillait sur le sujet depuis cinq ans, ajoute encore Le Monde. Plus d’un Britannique sur deux (53 %) avait avoué se sentir « anxieux » sans son portable ou quand celui-ci était éteint. 55 % des personnes interrogées avaient prétexté avoir besoin de garder le contact avec leur famille ou leurs amis. 10 % affirmaient avoir besoin d’être joignables à tout moment à cause de leur travail.

Dans ce contexte, l’acronyme FoMo (pour Fear of Missing Out) est apparu en 2014 pour exprimer la peur de rater des actualités ou des évènements en ligne. En réaction, le terme JoMo (pour Joy of Missing out), a été créé afin de motiver les accros 100% connectés à se défaire le temps d’une journée ou des vacances de leurs appareils. Suivant cette tendance, des cures de détox numérique ont de plus en plus de succès.

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