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Infarctus du myocarde : toujours l’ennemi public n°1

Les maladies cardio-vasculaires et particulièrement l’infarctus du myocarde restent la première cause de la mortalité en Belgique. D’où l’importance de cette nouvelle campagne, lancée dans le cadre de la Semaine du Coeur : « Infarctus, prenez la vie à cour ».

Ces dernières années, le traitement de l’infarctus du myocarde a été marqué par de profonds changements et de réels progrès qui permettent, notamment, de pratiquer une nouvelle chirurgie, moins invasive. Et pourtant… Un arrêt cardiaque brutal en dehors de l’hôpital frappe chaque année 15 000 personnes en Belgique et provoque 7 500 décès. Malgré les avancées technologiques, malgré les nombreux programmes de sensibilisation, la mortalité (en légère diminution, sans être significative) reste donc très élevée. Pourquoi ?

Toutes les études convergent pour dire que notre mode de vie joue un rôle primordial dans le déclenchement des maladies cardio-vasculaires. Avec l’hérédité, bien sûr. Aujourd’hui, il est largement admis que la majorité de ces maladies sont évitables simplement en modifiant nos habitudes. Or c’est ici que le bât blesse, car changer son mode de vie relève apparemment de la mission impossible. Selon une enquête menée par la Ligue cardiologique belge en juillet 2011, une majorité des Belges connaît les facteurs de risque liés à l’infarctus du myocarde, mais « oublie » d’en tenir compte.

Rappelons-les. La première coupable ? L’obésité. En progression épidémique, elle favorise l’apparition du diabète de type II, provoqué par l’épuisement du pancréas. La sédentarité est un facteur de risque très important. « Quatre millions de Belges ne bougent pas suffisamment, indique le Dr Freddy Van de Casseye, directeur général de la Ligue cardiologique belge. Or 30 minutes de marche par jour ont un effet protecteur cardio-vasculaire suffisant. » Dans la ligne de mire, on pointera aussi l’hypertension, une alimentation trop grasse, pauvre en fruits et légumes, le stress et le tabagisme. Ce dernier, malgré les campagnes de prévention, ne diminue pas et serait même en augmentation chez les adolescents.

Check-up régulier

« Il est important de ne pas se focaliser sur un seul facteur, car ils ont tous un effet multiplicateur, note le Dr Van de Casseye. Insister sur la bonne connaissance des facteurs de risque, rappeler leur danger, est le premier message que nous souhaitons faire passer lors de la Semaine du Coeur. » L’ensemble de ces facteurs aboutit à l’athéromatose ou l’artériosclérose, en langage commun à une atteinte des artères qui, au fil du temps, se rétrécissent, deviennent rigides et finissent par se boucher. Si le phénomène se produit au niveau d’une artère cérébrale, il conduit à un accident vasculaire cérébral. S’il atteint l’une des artères coronaires qui irriguent le coeur, il provoque une angine de poitrine ou un infarctus. Sa progression est lente, évolutive et, surtout, insidieuse : la personne qui présente plusieurs facteurs de risque prépare le terrain en silence, sans ressentir de douleurs et sans souffrir.

A partir de 40 ans, un simple check-up, sans avoir recours à des examens sophistiqués, devrait donc être effectué. Tous les facteurs de risque sont modifiables et, avec un peu de discipline et de volonté, on peut inverser la vapeur. Certes, des facteurs de risque non modifiables, à savoir héréditaires, existent. Si, dans la famille, des parents proches ont été victimes de maladies cardio-vasculaires, il faut être suivi régulièrement, en effectuant des examens simples : prise de sang, prise de tension et mesure du tour de taille.

Symptômes typiques

Longtemps asymptomatique, l’infarctus survient brutalement, au moment où l’on ne s’y attend pas. Le patient ressent des signaux d’alarme typiques : une douleur thoracique rétrosternale et constrictive qui donne l’impression d’être pris dans un étau et une douleur dans le bras gauche. Parfois, mais pas toujours, cette douleur irradie vers l’épaule, le cou, le menton, la mâchoire et les dents. Elle dure plus de 20 minutes et s’accompagne d’une transpiration abondante et d’un sentiment d’angoisse et de peur.

A partir de ce moment-là, l’horloge se met en route. Il reste idéalement moins de deux heures pour déboucher l’artère. Privé d’oxygène, le coeur ne pourra pas fonctionner normalement. Au-delà de deux heures, le risque de mortalité ou, éventuellement, de graves séquelles, est grand. « Le problème est donc celui d’une course contre la montre, car ces premières 20 minutes sont vitales, souligne le Dr Van de Casseye. Il faut réagir très vite. C’est le deuxième message sur lequel nous insisterons. En principe, les Belges connaissent cette douleur, mais elle est banalisée. Trop souvent on fait appel à son médecin traitant et on n’a pas toujours le réflexe d’appeler le 112 pour qu’un médecin urgentiste établisse le diagnostic, effectue un électrocardiogramme et dirige le patient d’urgence vers un centre de cardiologie interventionnelle, équipée d’un laboratoire de cathétérisation (appelé « cath-lab »). C’est dans cette phase-là qu’on perd encore trop de temps. Or, si on agit vite, les chances de survie sans séquelles sont très grandes. » Parmi les 7 500 décès, 5 000 personnes meurent car elles arrivent à l’hôpital trop tard. L’infarctus peut être fatal, mais n’est pas une fatalité.

Selon une idée reçue, la maladie cardiaque est une maladie d’homme. Bien entendu, c’est faux. Jusqu’à l’âge de 50 ans, la femme est certes protégée par ses hormones. Dans cette tranche d’âge, on comptabilise en effet plus de décès d’hommes que de femmes. Cela dit, dans la période de la post-ménopause, la femme rattrape l’homme. Au-delà de 60 ans, les femmes font autant d’infarctus que les hommes et leur taux de mortalité est supérieur. D’après les chiffres de l’étude Monica-Bellux (1), l’infarctus est fatal chez 49 % des hommes (34 % en dehors de l’hôpital et 15 % à l’hôpital) et chez 55 % des femmes (35 % hors hôpital et 20 % à l’hôpital). Après 70 ans, la femme est plus souvent victime d’accident vasculaire cérébral, tandis que l’homme fait plutôt un infarctus.

Injustice

Les maladies cardio-vasculaires tuent donc davantage de femmes que d’hommes, mais elles les touchent en moyenne dix ans plus tard. Pourquoi cette « injustice » ? Tout simplement parce qu’on a tendance à sous-estimer l’infarctus au féminin dont les symptômes sont différents de ceux de l’homme et trompeurs. La patiente peut ressentir des nausées, des vomissements, des malaises, de la fatigue ou de la faiblesse, des douleurs dans le haut du dos, à la mâchoire ou dans le cou. Elle peut aussi évoquer le souffle court, des sentiments d’angoisse et une perte d’appétit.

Bref, des « bobos » généralistes et largement répandus que l’on met facilement sur le compte du stress et du surmenage. Plus « courageuse » que l’homme, la femme se plaint moins et diminue l’impact de la douleur. Conclusion ? Toutes les études mettent en évidence le fait qu’elle arrive aux urgences plus tard que l’homme et est prise en charge, en moyenne, avec une heure de retard. Les raisons de ce retard sont simples. La femme ignore que l’infarctus est aussi une maladie féminine et elle ne connaît pas les signes annonciateurs. De son côté, le médecin est confronté à un diagnostic difficile à établir et à interpréter.

Trois types de traitements

S’il n’est pas possible d’atteindre très rapidement un hôpital équipé d’un « cath-lab », le médecin peut recourir à la thrombolyse, consistant en l’injection d’un produit qui va dissoudre le caillot de sang. Si nécessaire, le patient sera redirigé ensuite vers un autre hôpital. Il s’agit d’une solution de secours et pas d’une technique de premier choix. Ce rôle est rempli par l’angioplastie, pratiquée sous anesthésie locale. C’est une technique simple pour déboucher les artères et aussi la plus efficace. Le médecin introduit un cathéter dans l’artère fémorale ou radiale (au niveau du poignet) puis injecte un produit de contraste pour visualiser l’endroit de la sténose (ou de rétrécissement). Dès que celui-ci est repéré, on insère un ballonnet pour dilater la zone rétrécie, suivi d’un stent. Ce mini-ressort évite que l’artère se rebouche et reste en place.

Selon le dernier rapport du Centre fédéral d’expertise des soins de santé (2), environ 3 500 infarctus sont traités en Belgique par l’angioplastie. Dans certains cas, lorsque plusieurs artères sont atteintes, on pratique le pontage, ou l’opération à coeur ouvert, plus invasive. Le chirurgien réalise un « pont » avec une artère (prélevée au niveau du thorax) ou une veine (prélevée sur une jambe), puis le place entre deux artères pour court-circuiter la zone rétrécie.

La phase post-infarctus

« Une fois la phase aiguë résolue, ça ne veut pas dire qu’on oublie tout, rappelle le Dr Van de Casseye. Commence alors la phase post-infarctus, appelée aussi phase de prévention secondaire qui permettra de préparer l’avenir, d’avoir une qualité de vie normale et d’éviter la récidive. Car il y a une vie après l’infarctus. C’est notre troisième message. » La phase post- infarctus est effectuée sous contrôle dans un centre de revalidation, le plus souvent rattaché à un hôpital. Elle est remboursée par l’Inami.

Tous les facteurs de risque, le cholestérol, le diabète, la tension et le stress sont passés à la loupe. Le patient se voit proposer une réadaptation à l’effort, à raison de 3 séances hebdomadaires. Elle est progressive et tient compte de l’étendue des lésions et de l’état des coronaires restées fonctionnelles. La convalescence peut aussi s’accompagner de consultations chez un psychologue, un kinésithérapeute, un ergothérapeute ou une diététicienne. Le but est d’apprendre à apprivoiser la maladie et à modifier, une fois pour toutes, les facteurs de risque.

Si le patient, par paresse ou par négligence, s’obstine à zapper les séances de réadaptation, il court le risque, six mois plus tard, d’être victime d’un second infarctus qui peut être mortel. « Or seulement un tiers des patients suit de manière régulière la revalidation, déplore le Dr Van de Casseye. C’est ça qui est désolant. » La Ligue cardiologique belge redoublera donc d’efforts pour changer le regard de la société sur l’arrêt cardiaque, considéré souvent comme… « une belle mort » ! Un nouveau site Internet, plus émotionnel et moins technique, sera opérationnel à partir de la Semaine du Coeur. La Ligue poursuivra assidûment sa mission d’information, de sensibilisation et d’éducation. Elle mettra aussi tout en £uvre pour multiplier la création de nouvelles associations de patients coronaires (70 Coronary Clubs existent à ce jour). Le soutien mutuel et la stimulation réciproque après les séances de revalidation permettent, après tout, d’obtenir la meilleure prise en charge de la maladie. Du concret, tout simplement. l

(1) Infarctus du myocarde chez l’homme et chez la femme, 35-74 ans, Etude Premiers infarctus, 1985-2003.

(2) KCE Reports VOL14B : Variations des pratiques médicales hospitalières en cas d’infarctus aigu du myocarde en Belgique, 24/06/2005.

Ligue cardiologique belge : www.liguecardiologique.be

Le 29 septembre, la Journée mondiale du coeur (World Heart Day) sera placée sous le signe de la prévention cardio-vasculaire chez soi, dans les habitudes quotidiennes.

BARBARA WITKOWSKA

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