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Ce qu’on sait grâce à Stephen Hawking: ces quatre notions ont changé notre vision de l’univers

Pieter Van Nuffel
Pieter Van Nuffel Journalist DataNews

Stephen Hawking (1942-2018), le physicien le plus connu de sa génération, laisse à l’humanité plusieurs notions novatrices sur la naissance de l’univers.

1. Notre univers résulte d’une singularité

Des étoiles, qui sont deux fois plus lourdes que notre soleil, sont vouées à un sombre destin lorsqu’elles seront en fin de vie: elles imploseront à cause de leur propre pesanteur et deviendront un trou noir.

Ce qu'on sait grâce à Stephen Hawking: ces quatre notions ont changé notre vision de l'univers
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Les équations de champ d’Einstein, qui résument mathématiquement la théorie générale de la relativité, décrivent comment une masse noire déforme l’espace-temps. Dans le cas d’un trou noir, l’espace-temps est si fortement déformé que quasiment rien ne peut encore s’en échapper, même pas la lumière. Lorsque le mathématicien britannique Roger Penrose appliqua les équations de champ d’Einstein au trou noir, il en arriva à une ‘singularité’ comme solution: une masse infiniment grande aspirée en un point infiniment petit.

En s’inspirant du travail de Penrose, Stephen Hawking se demanda s’il ne pouvait pas appliquer le même raisonnement à la naissance de l’univers. Si l’implosion d’un trou noir en une singularité était inversée, on obtiendrait en effet un phénomène ressemblant fortement au… Big Bang. Cette idée allait du reste constituer le sujet de la thèse d’Hawking.

Les équations de champ d’Einstein avaient précédemment déjà été appliquées à l’univers notamment par le Russe Friedmann et le Belge Lemaître, afin de décrire précisément un univers expansif. En 1970, le jeune Hawking fut cependant le premier à démontrer qu’une singularité pouvait être la seule condition initiale possible de l’univers. En d’autres mots, notre univers est né d’un point à la densité infinie. Hawking déclara alors que ce n’était pas simplement une particularité mathématique, mais un aspect fondamental de la naissance de l’univers.

Et ce, même si Hawking nuança par la suite quelque peu son point de vue. En 1988, il écrivit dans son bestseller A brief History of Time que le monde scientifique était convaincu que l’univers est né d’une singularité, mais que lui avait entre-temps changé d’avis. Ce changement est dû au fait qu’il était parti de la théorie générale de la relativité d’Einstein pour démontrer la singularité, mais qu’il était possible que la théorie de la gravitation ne puisse s’appliquer durant la première fraction d’une seconde après le Big Bang. Pour décrire la situation de l’univers durant ce claquement de doigt de 10-43 secondes, on a besoin d’une théorie qui rassemble la théorie générale de la relativité et la mécanique quantique. Hawking en personne incita à développer ce genre de ‘Theory of Everything’ (théorie du tout). Malgré les efforts intellectuels consentis des années durant par des théoriciens de cordes, on n’a pas (encore) vraiment réussi à découvrir ce ‘Graal de la physique’. La théorie de la gravité d’Einstein semble très difficilement conciliable avec la théorie quantique.

2. Les systèmes stellaires sont issus de fluctuations quantiques

En l’absence d’une ‘Theory of Everything’, on ne sait donc pas avec certitude ce qui s’est passé lors de cette phase précoce qui dura 10-43 secondes. Ce qui vint ensuite, c’est de l’histoire: l’univers se mit à gonfler de manière exponentielle. Cette théorie de ‘l’inflation cosmique’, qui fut mise sur les fonts baptismaux par Alan Guth en 1981, parut non seulement résoudre toutes sortes de problème cosmologiques, mais elle fut entre-temps aussi confirmée par des mesures du rayonnement de fond cosmique au moyen de satellites.

Le rayonnement thermique émis peu de temps après le Big Bang (données WMAP)
Le rayonnement thermique émis peu de temps après le Big Bang (données WMAP) © .

Ce rayonnement de fond cosmique peut être considéré comme une sorte de photo précoce de notre univers. Les irrégularités visibles expliquent la façon dont la matière s’est agglutinée pour former les systèmes stellaires qui occupent aujourd’hui l’univers. Hawking fut l’un des premiers à en prendre conscience.

La théorie quantique nous apprend que de petites particules peuvent brièvement sortir du néant, puis disparaître. Si ces fluctuations quantiques sont incroyablement gonflées par l’inflation, elles peuvent se muer en structures visibles aujourd’hui dans l’univers. Hawking, Guth, Starobinsky et Mukhanov notamment ont pu le démontrer de manière indépendante sur base de calculs. « Nous sommes le résultat de fluctuations quantiques dans l’univers précoce », comme l’a expliqué Hawking.

3. Le Big Bang n’a pas eu de début

Comme l’inflation gonfle, puis gomme tout, on ne sait pas ce qui s’est passé avant sur le plan de l’univers. En 1983, Hawking élabora, conjointement avec Jim Hartle, un nouveau modèle dans le but de décrire l’univers à ses tout débuts. Dans ce ‘modèle Hartle-Hawking’, l’espace est complètement séparé du temps. Le concept de la ‘naissance’ de l’univers y est complètement insignifiant, parce que le temps n’existe pas avant le Big Bang.

Hawking aimait expliquer cela au moyen d’une métaphore. « On peut considérer le temps comme une ligne qui démarre au Pôle Sud. Au point le plus méridional de cette ligne s’appliquent encore les lois normales de la physique, mais au sud du Pôle Sud, il n’y a plus rien. De la même manière, il n’y avait rien avant le Big Bang », disait-il au début de ce mois encore dans une interview accordée à l’astronome Neil deGrasse Tyson.

4. Les trous noirs peuvent s’évaporer

Hawking alterna ses travaux sur le Big Bang et les trous noirs. Pour décrire les deux phénomènes, il utilisait souvent des mathématiques similaires, où il faisait tant appel à la théorie de la gravitation d’Einstein qu’à la mécanique quantique. C’est ainsi que les ‘fluctuations quantiques’ précédemment citées formèrent aussi la base de la découverte du rayonnement d’Hawking en 1975.

Si deux particules virtuelles apparaissent brièvement à cause d’une telle fluctuation quantique au bord d’un trou noir, il est possible qu’une des particules reçoive suffisamment d’énergie pour s’échapper du trou noir. Hawking en conclut que les trous noirs peuvent émettre un rayonnement, un processus qui, en théorie, peut se poursuivre jusqu’à ce que le trou noir ait épuisé toute son énergie et s’évapore complètement. Les trous noirs n’étaient donc pas aussi noirs qu’on le croyait au début des années 70.

Le fait que cette découverte soit sa principale percée scientifique, est aussi dû à la façon dont il a combiné la mécanique quantique, la thermodynamique et la théorie de la relativité. Ces trois domaines sont d’ailleurs repris dans la formule qui décrit la température (ou l’entropie) d’un trou noir. Un jour, Hawking expliqua que c’est cette formule qui devait figurer sur sa pierre tombale.

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