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6 conseils pour clouer le bec à son interlocuteur lors d’un débat

Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste Web

La crise du Brexit et les difficultés pour répartir les postes au sein de l’UE le prouvent, les débats jouent un rôle essentiel dans les jeux de gouvernance, mais peuvent parfois s’éterniser. Afin de mettre un terme aux discussions sempiternelles, pourquoi ne pas user de la science pour influencer les opinions les plus obstinées.

« L’art de persuader consiste autant en celui d’agréer qu’en celui de convaincre« , nous disait le philosophe et théologien Blaise Pascal en 1658. « L’important n’est pas de convaincre, mais de donner à réfléchir« , ajoutait l’écrivain Bernard Werber. La rhétorique telle qu’inventée par la Grèce Antique est d’abord l’art de l’éloquence, et se préoccupe principalement de persuader. Aujourd’hui, ce sont les nombreux conflits, la crise des migrants, le président américain Donald Trump ou encore le Brexit qui animent cette rhétorique – ainsi que l’existence des réseaux sociaux qui amplifient le phénomène.

Nous connaissons tous ces personnes qui prétendent tout connaître des événements mondiaux – elles en parlent avec la plus grande confiance et conviction – mais qui pourtant ne les comprennent pratiquement pas. C’est bien là tout le problème : nous confondons « familiarité superficielle » avec des concepts généraux et « connaissance approfondie ». Sans oublier que nos connaissances sont également sélectives : il est parfois plus aisé de retenir les faits qui confortent nos convictions.

Quand il s’agit de discuter de politique, il n’est pas rare d’avoir le sentiment de parler à un mur. Des recherches psychologiques offrent pourtant des moyens de mener des discussions plus fructueuses, et peut-être (enfin) de gagner le débat. The Guardian s’est attardé sur six méthodes.

Demander le « comment » plutôt que le « pourquoi »

De nombreuses personnes expriment des arguments basés sur de fausses prémisses, sur une compréhension minimale d’une problématique parce qu’ils ont l’illusion de maîtriser le sujet dans son intégralité. C’est ce qu’on appelle « l’illusion de profondeur explicative ». Une technique simple mais efficace pour déconstruire l’argument de son interlocuteur est alors de lui demander davantage de détails. En révélant à l’autre le manque de substance de son argumentation, vous l’encouragez à adopter une attitude plus modérée et humble.

Demander simplement « pourquoi » quelqu’un soutient tel ou tel avis n’apportera rien à la discussion. Votre interlocuteur trouvera toujours une justification à sa façon de penser. Par contre, en lui demandant « comment » quelque chose fonctionne, dans les détails, vous obtiendrez l’effet voulu. Ainsi, si vous vous adressez à un climatosceptique, vous pouvez lui demander quelles sont ses théories alternatives qui expliqueraient le réchauffement climatique et comment celles-ci fonctionnent.

Combler les lacunes de votre interlocuteur avec un récit convaincant

Un récit bien construit a souvent plus de pouvoir de persuasion qu’on ne le pense. Surtout dans le cas de fake news ou de théories du complot. Ainsi, pour démystifier un mensonge particulier, incorporez dans votre argumentation un récit convaincant et cohérent qui va combler les lacunes laissées par l’interprétation et la compréhension de l’autre.

Ainsi, pour les fake news, il est souvent utile de discuter des sources de désinformation, afin que votre interlocuteur puisse comprendre pourquoi et comment il a été induit en erreur. Une histoire concrète aura souvent plus d’impact que simplement énoncer des preuves scientifiques.

Si vous vous adressez par exemple à une personne qui croit que le monde médical cherche à dissimuler les dangers liés aux vaccins, vous aurez plus de chance de le convaincre du contraire en évoquant le scandale scientifique d’Andrew Wakefield. Le chercheur a en effet établi un faux lien entre le vaccin contre la rougeole et l’autisme, en examinant seulement 12 enfants. Une fraude scientifique avérée à des fins financières.

Dissocier le problème des croyances

Chacune de nos idéologies est profondément ancrée dans une problématique plus générale et complexe. S’attaquer à un problème peut donc menacer de défaire toutes les croyances de notre interlocuteur, qui cherchera alors à défendre bec et ongles son propre point de vue, quitte à nier les preuves accablantes.

Plutôt que de chercher à modifier toute l’idéologie d’une personne au cours d’un débat – chose d’ailleurs impossible à faire – il sera plus efficace de dissocier le problème de ses croyances, de recadrer le problème ou d’expliquer comment les véritables faits peuvent toujours être intégrés à sa vision du monde.

Par exemple, un fervent défenseur du capitalisme, climatosceptique de surcroît, pourrait être plus facilement réceptif à la problématique de la hausse des températures si on lui explique que le développement des énergies vertes et renouvelables pourrait aussi générer une croissance économique.

Faire appel à un autre trait de la personnalité

Si votre interlocuteur refuse toujours de vous écouter, vous pouvez aussi faire appel à un autre trait de sa personnalité. Une personne ne se définit pas uniquement par son côté capitaliste, ou climatosceptique, ou pro-Brexit. Il est aussi un parent, il a une profession particulière, il a certainement d’autres valeurs… C’est ce qu’on appellera « identités multiples ». Et ces différentes identités peuvent être activées, ou pas, en fonction des circonstances.

Il est inutile de parler de politique si vous invitez votre interlocuteur à réfléchir d’abord en fonction de son soutien à un parti ou un mouvement particulier. Amenez-le plutôt à réfléchir d’abord à ses autres valeurs non politiques. Il sera alors plus objectif, et cessera de se mettre des oeillères.

Adopter un point de vue extérieur

Une autre stratégie utilisée pour convaincre votre interlocuteur est de lui demander d’imaginer la situation selon le point de vue de quelqu’un d’autre. Cette stratégie permettrait d’augmenter sa distance psychologique par rapport à la problématique, mais aussi de détourner son attention de lui-même et de la tourner vers l’autre. Votre interlocuteur prend alors conscience que le plaidoyer intègre divers points de vue et sera peut-être plus réceptif à l’avis que vous avez du sujet.

Rester calme

Une règle importante lorsque vous débattez d’un sujet est de rester calme en toutes circonstances et de respecter votre interlocuteur. Ce n’est pas parce que vous n’êtes pas de son avis que vous ne devez pas essayer de comprendre pourquoi il pense de telle ou telle manière. Votre interlocuteur sera plus objectif et rationnel dans ses arguments s’il est traité avec respect. L’agression pourrait, au contraire, le braquer et le fermer à toutes autres formes de discussion.

L’objectif d’un débat n’est pas d’imposer votre idéologie ou votre supériorité, mais bien de changer les esprits. Vous aurez plus de succès en étant gentil et votre crédibilité n’en sera que plus grande. Cela vous aidera également à éviter les attaques personnelles.

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