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Toy Like Me, la poupée handicapée qui fait débat

Stagiaire Le Vif

Une campagne lancée sur Twitter a incité Makies, une entreprise de jouets britannique à lancer sa gamme de poupées handicapées  » Toy Like Me  » (un jouet comme moi). Elles visent à favoriser l’identification des enfants invalides à leurs jouets. Pourtant, tant dans la forme que dans le fond, ce projet est loin de faire l’unanimité.

Promenez-vous quelques minutes dans les rayons de jouets et vous saisirez rapidement le problème: pas une poupée ou un super-héros malade, avec des béquilles ou simplement portant des lunettes. Simplement une horde de têtes blondes et de monstres à la musculature impressionnante. Aucun jouet ne représente une personne handicapée alors que plus de 150 millions d’enfants dans le monde sont concernés.

Ce phénomène a fait réagir certaines mères d’enfants atteints d’un handicap sur Twitter. De ce constat est née la campagne « Toy Like Me » (un jouet comme moi), une gamme de poupées handicapées lancée par Makies. Certaines portent des lunettes ou un appareil auditif, d’autres se déplacent avec une canne ou ont une tache de naissance sur le visage. Pour les poupées sourdes ou malentendantes, les bras et doigts malléables permettent de pratiquer le langage des signes.

L’objectif premier serait, selon les créateurs, d’augmenter la représentation des handicapés parmi les jouets, mais pas seulement. En instaurant ce genre de représentations dans les habitudes d’un enfant dès son plus jeune âge, ils espèrent ainsi les emmener vers une meilleure acceptation de la différence et plus de tolérance.

« Toy Like Me » souhaite poursuivre le mouvement et inciter les multinationales du secteur à lancer leurs propres produits. Les instigateurs de la campagne ont notamment reçu une réponse positive de la firme allemande Playmobil qui a proposé de monter un projet en collaboration avec les mères.

Toy Like Me, la poupée handicapée qui fait débat
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Une poupée controversée

Mais si cette poupée fait autant fureur sur internet, c’est également, car elle a ses détracteurs. Et ils sont nombreux. Certains évoquent une stratégie marketing de l’entreprise pour se donner bonne conscience à l’heure où les personnes handicapées souffrent d’un véritable problème d’insertion dans la société (au niveau professionnel et social). Il faut dire que les poupons sont vendus au prix de 95 euros, soit largement au-dessus du coût moyen pour ce genre de jouets. De quoi permettre à certains de remettre en cause l’intérêt social au profit de l’intérêt économique de la manoeuvre.

D’autres doutent de la capacité de l’enfant à forcément s’identifier à son jouet. Alors qu’il rêve de toujours plus de grandeur et de pouvoirs, ce personnage qu’il voit comme plus « faible » l’enfermerait dans son problème. L’identification au jouet se ferait lorsqu’il permet à l’enfant de rêver sinon l’objet devient une cause de souffrance.

Geneviève Djénati, psychologue et psychothérapeute, explique que les enfants, filles comme garçons, se sentiraient plus proches du personnage du super héros. « Comme il voit qu’il n’a pas les mêmes capacités que les adultes, il rêve de devenir un super héros pour être aussi fort qu’eux et, surtout, aussi fort que papa et maman, ses premiers modèles. La figure héroïque incarne ainsi une sorte d’idéal qui l’aide à supporter les frustrations et lui donne envie de grandir », explique-t-elle.

Ces personnages aux capacités situées bien au-delà de la moyenne aideraient les jeunes à gagner en confiance et à grandir. L’enfant devient plus facilement autonome pour entrer dans l’étape suivante de sa vie, l’adolescence.

D’après Michel Fize, sociologue, c’est davantage lors de cette période de la puberté que l’enfant est capable de différencier le bien du mal et de comprendre que l’être humain comporte les deux. L’adolescence est la période où il est « rassurant de penser qu’il n’y a pas d’un côté le bien et le beau et, de l’autre, le mal et le laid, mais que nous portons les deux en nous ». Or cette tranche ne rentre pas vraiment dans le public visé par cette nouvelle poupée.

Des antécédents pas favorables

Deux jouets du même genre avaient provoqué des vagues de réactions considérables. En 2012, la poupée Gil « handicapée mentale » était lancée en Suède accompagnée du slogan « Traitez la comme une vraie débile! ». Quelques semaines plus tard, les Américains commercialisaient leur « poupée trisomique ». Deux véritables succès sur les réseaux sociaux, mais qui avaient trouvé nettement moins d’échos sur les étagères des magasins.

En attendant, certains internautes ont mis en lumière un autre problème. Une gamme de jouets est avant tout créée pour être vendue. Elle représente un effet de mode (positif ou non) et donc la société dans laquelle elle est née. Si les personnes avec un handicap ne figurent pas parmi les jouets, c’est aussi, car les valides les ont isolés. Il serait alors difficile selon eux d’inculquer des valeurs et une façon de penser plus tolérantes à un enfant lorsque même son modèle parental ne l’applique pas toujours. Le travail de sensibilisation est à faire ailleurs.

Par Camille Ledun

>>> Voir également >>> Vidéo: Lammily poupée aux proportions normales face à Barbie, la réaction des enfants

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