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Terrassé par un simple rhume ?

Les morts subites de sportifs de haut niveau sont généralement expliquées par une anomalie cardiaque. Mais une autre cause, moins connue, explique une autre bonne partie des cas : les virus impliqués dans les refroidissements.

D’après Stéphane Heymans, cardiologue belge, les infections virales du muscle du coeur représentent la deuxième cause la plus importante de mort subite d’origine cardiaque, juste après les anomalies génétiques. Stéphane Heymans les a bien étudiées, lui qui exerce au Nederlands Hartinstituut ICIN et enseigne au Medisch Universitair Centrum de Maastricht, aux Pays-Bas (1), où il dirige un centre d’expertise de l’insuffisance cardiaque inexpliquée et de la mort subite (2). Plus de 800 personnes lui ont déjà été adressées, provenant de l’ensemble des Pays-Bas, et présentant principalement des infections du coeur (myocardites) ou des problèmes apparentés. Il a également étudié des cas inexpliqués de mort subite.

Un muscle cardiaque lésé

Ses recherches l’ont conduit à des virus responsables de « rhume », qui ne se rencontrent pas seulement dans le nez ou les voies respiratoires mais pénètrent profondément dans l’organisme, et y déclenchent parfois des douleurs musculaires, des maux de tête et autres symptômes. Certains virus, dont celui d’Epstein-Barr, le virus humain de type herpès 6, le parvovirus B19, le virus Coxsackie et le cytomégalovirus affichent une préférence particulière pour le muscle cardiaque.

Nous ne disposons pas de chiffres exacts car ces infections passent souvent inaperçues, mais Stéphane Heymans estime qu’une myocardite virale touche chaque année entre 1000 et 2000 Belges. La majorité des cas (environ 70 à 80 %) guérit sans séquelles ; les autres évoluent jusqu’au stade de l’infection chronique, qui lèse le muscle cardiaque et y entraîne la formation de tissu cicatriciel. D’après Stéphane Heymans, il faut très probablement y voir l’explication de nombreux cas de mort subite touchant des personnes apparemment en très bonne santé même si, pense-t-il, des facteurs héréditaires jouent également un rôle essentiel.

Le cardiologue compare cette problématique avec celles des « boutons de fièvre », cet herpès labial dont souffrent régulièrement certaines personnes et pas d’autres, même contaminées par le virus de l’Herpes simplex. D’après lui, les prédispositions héréditaires peuvent s’exprimer de différentes manières, notamment par une moins bonne défense contre les virus, une réaction inflammatoire exagérée, ou une formation trop importante de tissu cicatriciel. Il n’est pas sûr que nous arriverons un jour à savoir avec précision quels gènes contribuent à cette sensibilité, mais cela pourrait nous aider à mieux préciser le risque de mort subite.

Bien plus que la seule génétique

Parmi ses 800 jeunes insuffisants cardiaques, Stéphane Heymans a repéré une soixantaine de cas où une infection virale a joué un rôle essentiel dans l’apparition de l’insuffisance ou dans la survenue d’une mort subite. Le pourcentage s’élève donc à environ 7,5 %, ce qui est beaucoup moins que les 20 à 30 % actuellement évoqués dans la littérature médicale.

Chez les soldats américains, les infections virales et les myocardites seraient aussi fréquentes que les anomalies génétiques comme cause de mort subite, à une fréquence de 30 % environ. Pour Stéphane Heymans, cela signifie déjà que, sur le plan de la prévention, il ne faut pas penser qu’aux anomalies génétiques qui entraînent des troubles du rythme, ni croire qu’un simple contrôle par électrocardiogramme suffit.

Une prévention possible ?

La meilleure manière de prendre en charge les myocardites virales et leurs éventuelles conséquences n’est pas encore bien établie, mais le cardiologue estime que certains points méritent en tout cas d’être pris en considération. Ainsi, par exemple, certains se rétablissent mal après un rhume et se sentent longtemps fatigués par le moindre petit effort. De tels symptômes peuvent être liés à un moins bon fonctionnement de la pompe cardiaque, conséquence de lésions myocardiques provoquées par une infection virale.

Ces lésions peuvent être détectées par la recherche de molécules inflammatoires spécifiques dans le sang ou par un scanner cardiaque, qui mettra peut-être en évidence du tissu cicatriciel. Les virus qui infectent le myocarde ne peuvent pas être détectés par une analyse sanguine, mais par de petits prélèvements locaux (biopsies). Une méthode qui peut impressionner, mais qui est pratiquée régulièrement aux Pays-Bas et en Allemagne. C’est d’ailleurs la seule capable d’affirmer s’il y a bien eu infection ou pas au niveau du coeur. Elle constitue donc un élément crucial pour la décision d’administrer des anticorps ou des médicaments antiviraux pour combattre l’infection.

Si la fonction cardiaque s’améliore souvent par la suite, le tissu cicatriciel, pour sa part, ne disparaît pas. Lorsqu’il est présent en grande quantité, il peut contraindre le sportif de haut niveau à mettre fin à sa carrière ou, plus généralement, à diminuer l’intensité de l’activité sportive.

Quid du sport ?

Sachant cela, peut-on encore pratiquer un sport lorsqu’on est fortement enrhumé ? Les avis divergent fortement. Les sportifs pensent souvent qu’il faut transpirer une bonne fois, en imaginant que l’élévation de la température corporelle aide à combattre l’infection. Les médecins sont beaucoup plus prudents sur ce point : ils craignent que l’effort ne contribue en fait à disséminer plus rapidement le virus dans l’ensemble du corps.

En réalité, rien n’est encore clair. On sait en tout cas que l’activité physique modérée améliore l’immunité, notamment par l’augmentation du nombre de cellules de défense présentes dans le sang. Mais nous ne savons pas si cela aide à combattre la multiplication du virus au cours d’une infection aiguë. Stéphane Heymans ne voit pas de raison d’interdire le sport au cours d’un simple rhume, du moins en l’absence de la fatigue typique qui peut faire penser à une infection du myocarde. Un muscle cardiaque infecté est plus sensible aux troubles fatals du rythme, et il vaut alors mieux se reposer le temps nécessaire, jusqu’à la disparition des symptômes. Pour autant, le cardiologue n’entend pas interdire, par exemple, de se rendre à son travail à vélo.

Le sport peut être repris normalement une fois la guérison obtenue. Stéphane Heymans considère que les médecins trop stricts, qui conseillent d’éviter le sport pendant plusieurs mois, exagèrent : « La majorité des myocardites guérissent en quelques jours. Si vous vous sentez bien ensuite, il n’y a aucune raison de vous interdire la pratique sportive. Par contre, si vous ressentez une fatigue anormale, il vaut mieux consulter un médecin pour un check-up complémentaire. Surtout si vous avez présenté un accès de faiblesse au cours de l’entraînement, ce qui constitue un signal d’alarme. »

Références : www.bodytalk.be

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