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Slow sexe : ne plus courir derrière l’orgasme

Le Vif

Dans la mouvance du Slow Food qui vise à contrer la dynamique du fast-food et à encourager plutôt des choix écologiques et conscients de ce que l’on mange, on parle maintenant de « Slow Sex » ou comment découvrir une sexualité empreinte de lenteur qui exalte la qualité des rapports et non la performance.

Au début d’une rencontre amoureuse, le désir est en général au rendez-vous, spontanément : l’attirance et le peps de la nouveauté rendent les contacts faciles et les différences entre les sexes sont moins flagrantes. Mais, sur la longueur, nombre de couples s’épuisent par manque d’imagination et de créativité. Les habitudes prises, les chemins empruntés vers le plaisir tendent à se répéter comme on prend chaque fois l’autoroute pour arriver plus vite à destination. Et pourtant ce sont les petites routes qui rendent le voyage intéressant, et le changement d’itinéraire, comme le fait de s’arrêter pour profiter, de prendre le temps de sentir, d’observer, de mettre tous ses sens en éveil pour déguster l’instant.

Il est important (plus encore pour les femmes ?) de prendre les voies de traverse qui invitent à passer d’un mode de rencontre sexuelle axé sur le but et la performance à une qualité de présence, une intériorité partagée, une conscience plus affinée de ce que l’on ressent par tout le corps. La manière de se toucher, de s’approcher, de se faire exister l’un l’autre révèle alors une autre dimension de l’amour. Diana Richardson, sexothérapeute américaine, s’appuyant sur des connaissances qui ont leurs racines dans les sagesses orientales, en fait l’éloge dans son livre « Slow Sex, faire l’amour en conscience ». Elle préconise d’arrêter la course à l’orgasme.

Plus de sensualité

Le toucher peut être plus affectif, relevant du sentiment et exprimant la douceur du coeur, ou alors sexuel orienté vers l’acte proprement dit ou encore il peut se perdre dans l’immensité des possibilités sensuelles. Le thérapeute de couple suisse Stephen Vasey, auteur de « Laissez faire l’amour » qui recommande également cette pratique explique : « La sensualité est un lieu où l’on peut s’installer et s’attarder, suffisant en soi, très demandé par la plupart des femmes, escamoté par un grand nombre d’hommes. Et qui peut déboucher sur une pénétration mais, attention pas obligatoirement. Sont concernées les zones érogènes du corps, les zones génitales mais aussi toute la surface (des deux mètres carrés !) de la peau. »

Quant à la pénétration elle peut prendre deux directions : être le résultat bien connu de l’excitation ou alors permettre une découverte plus singulière, celle moins fréquentée de la relaxation. Pour sentir et prendre le temps de se rencontrer de cette manière, il vaut donc mieux quitter l’objectif de la jouissance à tout prix. Mais pour les hommes, surtout, il est valorisant d’amener l’autre vers l’acmé du plaisir et ils ne comprennent pas toujours bien qu’il puisse y avoir une autre voie. Pourtant cette attente – exprimée ou pas – est pour ainsi dire contre-productive : elle met de la pression, ce qui peut bloquer les partenaires – l’un comme l’autre – qui se sentent obligés d’aboutir, aux prises avec une croyance de performance, la satisfaction étant en priorité liée à l’orgasme.

Présence et ressenti

La femme a spécifiquement besoin de se sentir rencontrée affectivement et sensuellement, pourtant nombre de couples passent à côté de cette composante essentielle. Le but du coït est affiché sans nuances et le goût ne s’éveille alors plus toujours suffisamment, la sexualité s’étiole peu à peu et parfois un désert prend place.

Selon Stephen Vasey, fantasmer crée de l’excitation, certes, et c’est utile aussi mais si on abuse de ce mode de stimulation, on part alors dans un imaginaire qui est déconnecté du – ou de la – partenaire. Il s’agit plutôt de penser moins et ne pas se focaliser sur la recherche de l’excitation, par la voie du fantasme non plus. Mais en se concentrant davantage sur le ressenti, nous restons présents, ici et maintenant, attentifs et plus engagés dans la rencontre. Il précise : « Sentir c’est comme dire oui au corps, cela soutient l’émergence de plein de sensations et nous met en contact avec tout ce que l’autre touche en nous ; ne pas sentir c’est comme mettre une chape sur les pousses de notre jardin. »

Exprimer ses besoins

Être plus conscient de ce que l’on ressent amène une intensité et une subtilité dans les échanges. Mais certains inconforts peuvent survenir aussi, et des remontées de sensations ou d’émotions plus difficiles – ou des timidités moins agréables – peuvent encombrer l’espace entre les partenaires. Il est indispensable de pouvoir les exprimer et de ne pas attendre que l’autre les devine. Comme l’écrit Diana Richardson : « Parfois il est difficile de reconnaître nos besoins et de les laisser s’exprimer, mais si vous ne dites pas à votre partenaire ce qui vous convient et ce qui ne vous convient pas, vous risquez, après, de vous sentir malheureux. Le fait que nos besoins ne soient pas satisfaits est une cause majeure de notre mal-être et de nos émotions négatives. En exprimant clairement nos besoins dans l’acte sexuel, nous pouvons éliminer au moins une source de mal-être et de mécontentement. Les vieux ressentis inexprimés sont stockés dans votre corps sous forme de tension, et quand vous vous purifiez de ces tensions, vous vous transformez comme la chenille qui devient papillon. » Bien sûr, les besoins peuvent aussi se trouver du côté d’une sexualité plus rapide, découvrir d’autres facettes ne signifie pas qu’il faille exclure d’autres modes !

Laisser faire l’amour

Pouvoir accueillir ses sensations et laisser faire ce qu’elles indiquent dans la spontanéité du moment sans être obnubilé par le résultat implique un lâcher-prise qui n’est pas toujours facile à vivre. Les techniques de méditation actuelles comme la pleine conscience par exemple sont des guides en la matière. Cette démarche demande aussi de pouvoir accepter de recevoir. Et également de traverser la peur qui peut se présenter à la porte, ou quelquefois un vide de prime abord qui ressemble à la page blanche d’un écrivain. Laisser faire, c’est entrer dans un état de confiance et d’abandon à la situation que quelque chose viendra : une émotion, un sentiment, une sensation, un plaisir, voire un orgasme même si on ne contrôle pas ce qui vient.

Ralentir, ne rien faire, sentir et être confiant, se laisser toucher et être prêt à accueillir ce qui surgit… des perceptions insoupçonnées jusqu’alors peuvent ainsi émerger. Il faut du temps pour cela, quitte à se donner des rendez-vous. « Quand j’écoute les femmes, leurs besoins et leurs revendications au fil des consultations, précise Stephen Vasey, je suis persuadé qu’elles ont un rôle à jouer, qu’elles peuvent participer à promouvoir le laisser faire, à développer l’approche de type féminin – c’est leur essence même. Le blâme et la critique ne servent pas cette cause bien évidemment, il faut revoir la méthode ». Tout l’art étant de parler de soi sans que ce soit un reproche adressé à l’autre !

C’est une tout autre approche de la rencontre érotique qui est proposée, elle peut paraître saugrenue, ne quasiment rien faire si ce n’est être pleinement présent ! Tout va toujours plus vite dans notre monde mais le corps, lui, a d’autres rythmes et d’autres lois à nous imposer si nous voulons le connaître dans ce qu’il a de plus sensible à nous offrir dans la relation amoureuse.

Par Florence Loos

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