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Pourquoi les personnes riches sont-elles sans coeur ?

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

Accumuler des richesses affecte notre psychisme et diminue notre capacité à interpréter les émotions des autres. Cela rend-il pour autant les riches dénués de sentiments ?

Selon Chris Ryan, l’auteur de « Civilized to Death : the price of progress » (Civilisé à mort : le prix du progrès), interrogé par la BBC, les riches auraient tendance à s’éloigner des gens en raison de leur différence de revenus.

« Il ne s’agit pas uniquement du montant de votre richesse, mais surtout de la différence de revenus avec les personnes qui vous entourent », explique le chercheur.

Les différences de revenus ont un impact profond sur notre subconscient. Notre capacité à interpréter une émotion sur le visage de quelqu’un diminue avec l’opulence dans laquelle on vit. « Les gens sont moins susceptibles de s’arrêter pour laisser une vieille dame traverser, si leur voiture a coûté cher. Les voitures plus modestes s’arrêtent plus souvent », affirme-t-il.

Les humains ont commencé à expérimenter les grandes disparités de richesse avec l’avènement de l’agriculture, car c’était la première fois que l’on accumulait des ressources. « Lorsque vous commencez à accumuler des richesses, vous commencez immédiatement à voir apparaitre une hiérarchie politique ». Quelqu’un doit en effet se charger de décider comment répartir les récoltes, quelqu’un doit organiser les semailles et le travail dans les champs. Il faut également organiser les récoltes et le stockage de la nourriture. « Toutes ces choses sont entrées dans la vie des humains au même moment avec l’avènement de l’agriculture ».

Généralement avec l’argent superflu, on achète des choses qui nous distinguent des autres. Ce qui est paradoxal. En effet, la pire chose que l’on peut expérimenter en tant qu’humain est de se faire éjecter d’un groupe. « Lorsque votre appartenance à un groupe est révoquée et que vous êtes exclu, c’est humainement très douloureux parce que c’est lié à notre survie », explique Chris Ryan.

C’est donc ironique de constater qu’avec notre surplus de revenus, nous achetons de l’intimité et de quoi nous différencier.

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« Nous achetons une plus grande maison, avec un plus grand jardin et un plus grand mur. Nous achetons une plus grande voiture, avec des vitres teintées et de l’air conditionné. Nous séjournons dans des hôtels cinq étoiles où nous ne verrons et n’aurons à parler à personne. C’est contre nature. »

Ce sont pourtant les valeurs véhiculées par nos sociétés occidentales que nous essayons d’atteindre. « Pourtant, lorsque nous regardons les personnes qui ont accumulé beaucoup de richesses, nous ne trouvons pas qu’elles ont l’air plus heureuses », constate Ryan. En effet, la corrélation entre richesse et bonheur se stabilise très vite, quelque part autour des 70.000 dollars par an (63.000 euros) par personne aux États-Unis.

On sait aujourd’hui que le plus puissant prédicateur de longévité et de santé (physique et mentale) est le taux d’intégration dans une communauté de personnes aimantes et solidaires. C’est un facteur plus important que le tabagisme, l’obésité, l’activité physique et les régimes alimentaires. Tous ces facteurs sont faibles si on les compare au sentiment de pouvoir compter sur les personnes qui vous entourent.

L’oeuf ou la poule

Il ne s’agit pas de dire que les gens immoraux et insensibles sont forcément plus doués pour accumuler de l’argent. C’est plutôt le fait d’accumuler de l’argent ou d’avoir baigné dedans à cause de sa famille, qui peut rendre insensible et faire perdre le sens de la compassion.

En effet, vivre dans l’opulence et seul est tellement contre nature, psychologiquement déséquilibré et difficile que ces personnes développent des tissus cicatriciels pour se protéger de la douleur d’être entourées de personnes qu’elles voudraient aider.

IL existe pourtant des exceptions, selon Ryan. « Je regarde l’argent de la même manière que l’alcool. Un peu de vin avec un repas, c’est fantastique. Quinze bouteilles de vin en mangeant, ce n’est pas une bonne soirée. Il existe des choses qui en petites quantités sont fortifiantes, et en grande quantité deviennent toxiques. Accumuler de l’argent fait partie de ces choses ».

Les personnes riches qui font exception sont donc celles qui parviennent à minimiser les effets psychologiques de l’argent en en contrôlant l’accès, en le distribuant autour d’eux et en en donnant aux personnes qui en ont réellement besoin. En faisant ça, ils récoltent les effets psychologiques bénéfiques de la générosité.

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