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Pourquoi il est indispensable de désencombrer sa vie numérique

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Lorsque nous sommes  » surchargés « , nous pointons souvent un emploi du temps bien rempli ou un désordre physique (quasi) permanent. Et si les innombrables fichiers numériques qui entourent notre vie en ligne étaient aussi coupables ?

E-mails non lus, photos (parfois) superflues, onglets de navigation ouverts mais inactifs, application en cours mais inutilisées, notifications auxquelles on ne prête même plus attention… Nous sommes constamment envahis par de petits « objets » numériques. Des « détails » qui peuvent paraitre insignifiants, voire accessoires, mais qui, souvent inconsciemment, nous encombrent au quotidien. Avec l’augmentation de la capacité de stockage sur les appareils électroniques et les plateformes de stockage en ligne de type Google Drive, il peut sembler facile de conserver ces milliers de données, qu’elles prennent la forme de documents, de média ou encore de messages. Sans danger ?

Cette pratique a un nom : la « thésaurisation numérique » (« digital hoarding » en anglais). Elle consiste accumuler des données numériques de manière excessive, que ce soit au travail ou dans sa vie personnelle, et de se montrer réticent à leur suppression, même si elles ne représentent ni utilité ni valeur. Selon de nouvelles recherches sur le sujet, cela peut nous faire sentir aussi stressés et dépassés que l’encombrement ou le désordre physiques. Sans parler des problèmes de cybersécurité que cela peut générer, ou la difficulté de trouver la photo ou le mail dont on a besoin, ajoute la BBC.

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Accumulation compulsive

Le terme « digital hoarding », utilisé pour la première fois en 2015, a été défini comme « l’accumulation de fichiers numériques jusqu’à la perte de perspective, qui finit par entrainer stress et désorganisation ». Les chercheurs estiment que cela pourrait être un nouveau sous-type de ce qu’on appelle « l’accumulation compulsive », qui consiste à accumuler des objets en dépit de leur valeur ou de leur utilité. Nick Neave (Northumbria University), qui dirige un groupe de recherche sur le sujet, dit avoir remarqué des schémas similaires entre les deux types de comportements. « Lorsque vous demandez à de vrais accumulateurs ‘Pourquoi avez-vous tant de mal à vous débarrasser de certaines choses’, une des premières choses qu’ils disent est : ‘Eh bien, ça pourrait être utile à l’avenir’. C’est exactement le même genre de propos que les gens tiennent à propos de leurs e-mails au bureau ».

Dans une de leurs études, Neave et son équipe ont interrogé 45 personnes sur leur manière de traiter leurs fichiers numériques. Les raisons invoquées pour ne pas s’en séparer variaient : pure paresse, éventuelle future utilité, anxiété à l’idée d’effacer quelque chose pour de bon, conserver des preuves contre quelqu’un… Sur base d’un questionnaire d’évaluation rempli par 203 personnes qui utilisent un ordinateur dans le cadre de leur travail, les chercheurs ont mis le doigt sur un problème en particulier : la boite de réception contient environ 100 messages non lus et 330 messages lus. Si les raisons évoquées pour conserver ces mails sont souvent de bon sens, il n’empêche que ces messages s’ajoutent au stockage de centaines de mails que vous ne consulterez probablement plus jamais.

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Quand faut-il s’inquiéter ?

La recherche ne peut à ce stade pas encore dire si telle ou telle accumulation représente davantage un problème qu’une autre. Comment peut-on savoir si on a un problème d’accumulation numérique ? Avez-vous récemment lutté pour retrouver un fichier sur votre téléphone (photo, adresse mail, message important…) ? Darshana Sedera (Monash University) et Sachithra Lokuge ont publié en 2018 un article sur le sujet. Interrogeant 846 personnes, ils ont constaté un lien entre l’accumulation numérique et le niveau de stress signalé par les participants. Selon Sedera, ce trouble peut compliquer la prise de décision et faire ressurgir des problèmes émotionnels comme la tristesse et l’anxiété.

Cela peut-il différer en fonction de la quantité d’informations stockées ? Selon Jo Ann Oravec (University of Wisconsin-Whitewater), il faut plutôt se demander si nous avons un sentiment de « contrôle empirique » sur ces données. Si ce n’est pas le cas, c’est de l’amassage pur et simple. Mais si nous commençons tous à accumuler de plus en plus de choses, un plus grand nombre d’entre nous vont perdre ce contrôle. Et le niveau de débordement ressenti sera différent chez chacun. « Si les personnes en arrivent au point où elles sont submergées par les données qu’elles ont, qu’elles ne peuvent pas trouver ce qu’elles cherchent, que des choses se perdent… ça peut indiquer qu’il y a un problème ». De plus, « le sentiment que quelque chose est récupérable si on le stocke quelque part procure un faux sentiment de sécurité », ajoute Oravec. Elle conseille d’assumer davantage la responsabilité de nos biens numériques, en considérant le tri et l’archivage comme des tâches nécessaires et ainsi reprendre le contrôle de notre fouillis numérique, un dossier à la fois.

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