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Mon enfant se drogue… Que faire ?

Le Vif

Pour les parents, pas question de rester passifs. Mais tempêter, interdire ou punir ne fait que creuser le fossé entre eux et leur enfant. Alors, que faire pour qu’il cesse de se droguer ?

Quand un jeune « consomme », il est rare qu’il en informe ouvertement sa famille. Et comme il n’existe pas de signes infaillibles révélateurs de l’usage de drogue, la surprise peut être complète. Résultat : chez les parents, le mégot de joint exhumé de la corbeille à papier de leur enfant ou l’appel angoissé du professeur qui l’a pris(e) en flagrant délit de fumette suscite généralement un mélange de consternation et de colère. « C’est tout à fait normal, et vous n’avez pas à cacher vos sentiments à votre enfant, affirme Helga De Ridder, psychologue au centre de soins ambulatoires en addictologie De Spiegel, à Asse et Halle. Mais avant d’entamer le dialogue, mieux vaut laisser retomber la pression. »

Un joint ou une ligne ?

Et profiter de cette pause nécessaire pour demander conseil. Par exemple à Infor-Drogues, qui en a vu et entendu bien d’autres depuis ses débuts en 1971. « Lorsque des parents découvrent que leur enfant se drogue, ils ont tendance à attaquer bille en tête, en reprenant le discours, largement répercuté par les médias, de la nocivité du produit, remarque Antoine Boucher, porte-parole de l’asbl. Sans se rendre compte que, pour beaucoup de jeunes, cette nocivité est un incitant. ‘Si je me mets en danger, c’est que je suis quelqu’un de fort. Ça m’aide à devenir ce que j’ai envie d’être, à faire tomber les barrières entre moi et les autres, à me montrer à eux tel que je suis vraiment.’ Souvent, la consommation de drogue soulève des enjeux identitaires et relationnels. »

C’est pourquoi, contrairement aux apparences, il n’y a pas de différence fondamentale entre un joint et une ligne de coke. « Certains parents se rassurent en constatant que leur enfant prend ‘seulement’ du cannabis et pas de l’héroïne ou de la cocaïne, souligne Helga De Ridder. Or, nous savons par expérience que le risque d’addiction dépend moins du produit que de la motivation. Le jeune recourt-il à la drogue pour donner une connotation particulière à certains événements, ou bien l’aide-t-elle à calmer son anxiété ou à se sentir mieux dans sa peau ? Quel effet en attend-il, quel problème concret tente-t-il de résoudre en consommant ? Plus ce problème est fondamental, plus le risque de passer d’un usage expérimental à un usage problématique augmente. »

En égal

Côté parents, le but ultime du dialogue est évidemment d’amener le jeune à envisager des alternatives saines à la consommation de drogue. « Mais ils doivent résister à la tentation d’aborder leur enfant avec des solutions toutes faites, insiste Antoine Boucher. À ce stade de l’évolution du jeune, leur rôle est d’abord de lui poser des questions, pas de lui imposer des réponses. C’est très difficile, parce qu’à leurs yeux, il ou elle est encore le petit garçon ou la petite fille à qui ils apprenaient à faire attention aux voitures. Ils ont envie de lui dire combien il les déçoit, et qu’en consommant de la drogue, il leur montre qu’il n’est qu’un sale gosse, sans aucune maturité. Mais en adoptant cette attitude, ils ne peuvent que le conforter dans ses ‘mauvaises habitudes’. Car son mal-être et ses difficultés identitaires viennent en partie de leur incapacité à le traiter en égal. Malgré tout leur amour pour lui, ils le maintiennent dans une position d’infériorité, dont il tente de sortir, entre autres, par la consommation de drogue, mais aussi par la violence ou les conduites extrêmes. »

Objectif atteint

Le moment est donc venu de changer la relation. « Au lieu de jouer la carte de l’interdiction, voire de la punition, écoutez ce qu’il a à dire, souligne Antoine Boucher. Ayez une véritable conversation avec lui : dans les familles d’aujourd’hui, on parle beaucoup, mais pas assez de l’essentiel. Je sais que ça fait peur à beaucoup de parents, parce qu’ils sont persuadés que leur enfant va rejeter la faute sur eux. Mais c’est une accusation qu’il faut savoir entendre, même si elle est en partie injuste. L’important est de surprendre votre enfant, de lui montrer que vous n’êtes pas le parent qu’il croyait : vous admettez qu’il a grandi et, même s’il se drogue, il est votre égal, et vous êtes là pour lui. Il n’est pas parfait, mais vous non plus, et vous ne voulez plus penser à sa place, mais seulement être à ses côtés. Ça, ça va le secouer parce que c’est révolutionnaire. S’il consomme pour prouver qu’il est adulte, il va percevoir, plus ou moins consciemment, que sa démarche n’a plus de sens, puisque son objectif est déjà atteint. »

Et si on en parlait avant ?

Beaucoup de parents hésitent à parler des drogues avec leurs enfants parce qu’ils craignent de leur ‘donner envie’. « Or, c’est exactement le contraire, insiste Antoine Boucher. Dans les familles où ce sujet est tabou, les jeunes ont beaucoup plus envie d’essayer. Un discours préalable est donc une bonne chose. Pas un discours redondant du genre ‘C’est dangereux, n’y touchez pas’, mais un discours intelligent, qui pousse les jeunes à se demander : ‘Qu’est-ce qui pourrait m’amener à avoir envie de consommer ?’ Parce que, s’ils n’anticipent pas de telles situations, le jour où ils seront confrontés à une offre de drogue, ils risquent de réagir ‘comme tout le monde’, c’est-à-dire mal… »

Au cas par cas

Ce n’est pas un scénario miracle, et même les jeunes qu’il séduit ne cessent pas de consommer du jour au lendemain. « Souvent, ils continuent pendant un an ou deux, précise Antoine Boucher. Mais ils ne s’enferment plus dans leur chambre, ils acceptent de faire certaines activités avec leurs parents, ils se réintéressent à leurs études… En fait, il n’y a pas de recette : c’est du cas par cas. Mais il ne faut pas rester dans le non-dit : exiger d’un jeune qu’il cesse de consommer sans essayer de comprendre ce qui l’y a poussé, c’est comme de supprimer un médicament avant que la maladie ne soit sous contrôle. »

Ce qui ne signifie évidemment pas qu’il faille absoudre les jeunes consommateurs de toute responsabilité ni les protéger coûte que coûte des conséquences de leurs actes. « Certains parents s’obstinent par exemple à payer toutes les dettes de leur enfant, remarque la psychologue Katty Debremaeker, attachée au centre de traitement résidentiel de De Spiegel à Kessel-Lo. Pourquoi se remettrait-il en question puisque tous les inconvénients de sa consommation lui sont épargnés ? Épaulez-le, mais sans le dédouaner. Au lieu de payer ses dettes, contribuez à l’établissement d’un plan d’apurement. Ou alors payez-les, mais en lui imposant un délai de remboursement ! »

Sur mesure

Rien n’oblige d’ailleurs les parents à affronter cette épreuve seuls. Permanences téléphoniques, services de consultations, centres de soins ambulatoires en addictologie et, si nécessaire, centres de traitement résidentiels leur permettent de se faire aider par des soignants spécialisés – psychologues, psychothérapeutes, médecins addictologues, infirmiers, travailleurs sociaux, etc. « Mais le soutien des parents reste indispensable, souligne Katty Debremaeker. Ils connaissent leur enfant mieux que personne et peuvent nous parler de ses forces et de ses faiblesses, de ce qui est susceptible de l’influencer et de ce qui le laisse de marbre, des alternatives à la consommation de drogue qui pourraient lui être proposées, etc. Autant d’informations qui nous aident à élaborer une thérapie sur mesure ! »

Informations : Infor-Drogues, permanence téléphonique dans l’anonymat 02/227.52.52, www.infordrogues.be.

Par An Swerts & Marie-Françoise Dispa

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