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Mon ado fume du cannabis : que faire?

Vous soupçonnez que votre ado fume régulièrement des joints. Faut-il s’inquiéter, interdire, banaliser ? Comment réagir en tant que parents ?

C’est une évidence : vos enfants seront vraisemblablement exposés tôt ou tard au cannabis… et il n’est pas exclu qu’ils essaient. D’après Joris Van Damme, expert dans ce domaine auprès du centre d’expertise flamand sur l’alcool et les drogues (VAD), il ne faut toutefois pas non plus s’imaginer que la majorité de nos ados fument de l’herbe ou que le phénomène prend de l’ampleur : le pourcentage de consommateurs reste remarquablement stable dans ce groupe depuis plusieurs années.  » Un sondage récent parmi des jeunes de 12 à 18 ans montre que 11 % avaient fumé un joint de temps en temps au cours des douze mois qui ont précédé ; cette proportion tourne autour de 10-14 % depuis une dizaine d’années déjà. La part des des consommateurs plus réguliers (au moins un joint par semaine) reste également inchangée à environ 2 %, et celle des ados qui ont consommé du cannabis au moins une fois dans leur vie est même en diminution. On ne peut donc pas dire que ce soit la norme.  »

Il faut éviter le cannabis en présence d’une vulnérabilité psychologique. » Joris Van Damme, expert auprès du VAD

Des parents inquiets

Mais d’où vient donc cette impression que le cannabis est omniprésent et que sa consommation se normalise ?  » Du fait que le sujet est devenu moins tabou grâce notamment à la télévision, tout simplement, affirme Tom Evenepoel, coordinateur du service d’information De DrugLijn. Ce n’est toutefois pas parce qu’on en parle plus que le phénomène progresse.  »

Il a eu l’occasion d’observer personnellement cette évolution chez les parents qui contactent son service.  » Dans les années 1990, ils nous demandaient surtout ce qu’était précisément le cannabis, comment il se présentait… Certains parents ne savaient même pas s’il se fumait, s’avalait ou s’injectait ; d’autres étaient paniqués parce que leur enfant en consommait ! Les parents d’aujourd’hui sont également inquiets, bien sûr, mais ils sont davantage capables de replacer les choses dans leur contexte. Ils appartiennent à une autre génération, et ont parfois eux-mêmes été exposés au cannabis ou ont connu des gens qui en consommaient. Mieux informés, leurs réactions sont donc moins marquées que dans le passé.  »

Joris Van Damme
Joris Van Damme

À ne pas sous-estimer

Cette plus grande familiarisation avec le phénomène présente toutefois aussi certains inconvénients, estime Tom Evenepoel :  » Certains parents sous-estiment le problème ou le minimisent, affirmant qu’il ne s’agit ‘que’ d’une drogue ‘douce’. Or, cette distinction entre drogue ‘dure’ et drogue ‘douce’ est en réalité très relative : nous préférons d’ailleurs parler d’usage doux ou dur, car c’est la manière dont on consomme qui fait toute la différence. Même l’excès de drogues ‘douces’ va causer des problèmes.  »

Il ne faut en effet pas oublier que le cannabis reste une drogue et que toute consommation comporte des risques, d’autant plus chez les jeunes dont le corps – et en particulier le cerveau – est encore en plein développement.  » Le cerveau des adolescents est plus sensible aux addictions, souligne Tom Evenepoel. Ils réagissent d’une façon plus impulsive, voient davantage les choses en noir et blanc ; en devenant adultes, ils apprendront à mieux gérer les frustrations et les revers. À 14 ans, une mauvaise note ou un chagrin d’amour, c’est parfois la fin du monde… et à l’inverse, fumer du cannabis peut donner l’impression d’être au 7e ciel ! Cette drogue n’induit pas de graves effets physiques ou de risque aigu d’overdose, mais consommée en excès, elle peut néanmoins provoquer un sentiment d’indifférence globable et un manque de motivation généralisé. Je suis parfois confronté à des parents inquiets parce que leur fils ou fille de 20 ans fume du cannabis depuis des années, a arrêté ses études, ne prend aucune responsabilité – bref, se comporte encore comme un ado, tout cela parce que sa consommation entrave son évolution vers l’âge adulte.  »

Laisser la porte ouverte

L’âge de 15-16 ans est généralement un moment-charnière pour une première expérience du cannabis : c’est le stade où les amis gagnent de plus en plus en importance et où on ne dit plus tout à ses parents, et certainement pas qu’on a fumé son premier joint ou qu’on aimerait bien essayer ! C’est généralement en catimini que les jeunes le consomment, entre amis ou lorsqu’ils sortent. Les parents ne le découvrent souvent que plus tard et par le plus grand des hasards. Et même s’ils ont déjà des soupçons, ils ne savent pas toujours bien comment réagir.  » Surtout, résistez à la tentation d’aller fouiner dans leur chambre ou leur cartable à la recherche de preuves, avertit Tom Evenepoel. N’essayez pas de prendre votre enfant sur le fait ou de le menacer d’un test d’urines : cela ne servirait qu’à miner la confiance réciproque. Évitez aussi de critiquer ses amis et leur ‘mauvaise influence’ sous peine de lui donner l’impression d’être rejeté et de lui fermer (psychologiquement) la porte, alors qu’il faut justement faire l’inverse.  »

La meilleure approche est en effet d’ouvrir le dialogue.  » De nombreux parents sont réticents à aborder la question de peur d’ouvrir la boîte de Pandore. Pourtant, il est capital de ne pas attendre que la situation dégénère : un simple soupçon est déjà une raison suffisante pour en discuter. S’il s’avère que votre ado consomme effectivement du cannabis, efforcez-vous d’évaluer combien, où et quand, mais aussi de comprendre ses motivations. Pourquoi fume-t-il des joints ? Quel est son ressenti ? Même si vous désapprouvez fortement ce choix, donnez-lui le signal que vous êtes toujours là pour lui.  »

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Osez, pour en parler

– Partez de votre propre ressenti, en expliquant par exemple à votre enfant ce que cela vous fait qu’il ou elle consomme du cannabis ou en exprimant vos inquiétudes. Parlez à la première personne :  » J’aimerais que tu te tiennes à ce que nous avons convenu  » passe généralement mieux que  » Tu ne fais jamais ce que je te demande « .

– Mettez des mots sur ce que vous voyez.  » Je constate que tu passes de plus en plus de temps seul dans ta chambre, que tes résultats scolaires se dégradent, que tu ne veux plus aller faire du sport…  » est beaucoup plus difficile à nier que des questions sur la consommation de cannabis.

– Ne vous focalisez pas sur la consommation de cannabis, mais sur la situation dans son ensemble. Gardez aussi à l’esprit ce qui va bien et montrez à votre enfant que vous l’appréciez.

– Laisser ouverte la porte du dialogue ne signifie évidemment pas que vous devez accepter que votre enfant fume des joints. Expliquez-lui ce que vous en pensez et quelles sont pour vous les limites à ne pas dépasser. Les parents ont parfois l’impression que leurs enfants écoutent tout le monde sauf eux, mais ne vous y trompez pas : ils tiennent compte de votre position bien plus qu’il n’y paraît.

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Quid du lien entre cannabis et psychose ?

On entend parfois dire que, chez les jeunes, la consommation de cannabis peut provoquer une psychose.  » Des recherches scientifiques ont en effet démontré qu’il existe un lien clair entre les deux, mais cela reste une problématique complexe et bien des incertitudes subsistent, nuance Joris Van Damme. Lequel est à l’origine de l’autre ? Il est possible qu’un ado mal dans ses baskets se tourne plus rapidement vers le cannabis, non pas par curiosité ou par plaisir, mais pour se sentir mieux. Lorsqu’une psychose se développe, on peut donc se demander si le cannabis en est la cause ou s’il a simplement ‘activé’ une prédisposition préexistante. En tout état de cause, nous conseillons évidemment de l’éviter en présence d’une vulnérabilité psychologique.  »

Informations, conseils et aide pour les parents

Infor-drogues (https://infordrogues.be) est là pour répondre à toutes vos questions par téléphone au 02 227 52 52 (en semaine de 8 à 22 h, le samedi de 10 à 14h) ou directement en ligne sur la plateforme.

Vous trouverez également sur le site plusieurs publications destinées aux parents.

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