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Moins contrôlées, les pilules amaigrissantes sont-elles dangereuses pour la santé?

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Les règles instaurées par l’Union européenne sur les pilules destinées à perdre du poids permettent aux entreprises d’éviter les essais cliniques trop rigoureux et réservés aux médicaments.

Cette semaine, l’enquête « Implant files » de l’ICIJ dénonçait notamment la facilité avec laquelle des fabricants peuvent obtenir le droit de commercialiser des dispositifs médicaux en Europe, en obtenant un « marquage CE » auprès d’un organisme certificateur privé de leur choix et rémunéré par leurs soins. Si la majeure partie de l’enquête concerne les implants en tout genre (pompes à insuline, pacemakers, prothèses mammaires, valves cardiaques…), The Guardian met également en lumière le manque de contrôle d’un autre type de produit, lui aussi qualifié de « dispositif médical » : la pilule amaigrissante.

Pas un médicament

L’article qualifie ces anomalies de « surprenantes ». Pour les millions de personnes qui les achètent, ce ne sont rien d’autre que des petits cachets destinés, peut-être, à perdre quelques kilos sur la balance. Mais peuvent-ils être considérés comme des médicaments ? Pour le régulateur européen, la réponse est non. Classées comme « dispositif médical », ces pilules ne doivent donc pas être soumises aux tests rigoureux destinés à la gamme pharmaceutique. Un processus qui les rend plus facilement accessibles aux clients… mais avec moins de contrôle sur le contenu et les effets du produit.

Moins contrôlées, les pilules amaigrissantes sont-elles dangereuses pour la santé?
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Selon les règles en vigueur dans l’Union européenne, peut être considéré comme dispositif médical tout produit utilisé pour le diagnostic, la prévention ou le traitement d’une maladie, et qui n’utilise pas uniquement « des moyens pharmacologiques, immunologiques ou métaboliques » pour atteindre son but. Certains experts estiment que les pilules amaigrissantes obtiennent donc une sorte d’autorisation et d’agrément de sécurité tacites. Une qualification encore différente des compléments alimentaires qui sont eux définis comme « sources concentrées de nutriments (ou autres substances) ayant un effet nutritionnel ».

Parmi les « aides diététiques » commercialisées avec le marquage CE, on retrouve des comprimés qui contiennent des fibres alimentaires qui promettent d’enfler dans l’estomac, chez certains produits « jusqu’à 200 fois sa taille originale ». Ces pilules sont de grande audience, bénéficient de publicité régulière à la télévision et se trouvent facilement dans les rayons des pharmacies et même de certains supermarchés.

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Intervention a posteriori

Les détracteurs du système affirment que les fabricants sont en mesure d’obtenir les certificats de sécurité sans effectuer le type d’essais qui seraient pourtant nécessaires si les produits étaient classés comme « médicaments ». Ils seraient également en mesure de revendiquer des choses qui ne leur seraient pas autorisées s’ils étaient classés comme « compléments alimentaires ». Selon le Dr Matt Capehorn, directeur clinique au Rotherham Institute for Obesity, cité par The Guardian, si l’approbation d’un médicament implique des tests sur des centaines voire des milliers de personnes, il peut n’y en avoir que dix pour un dispositif médical. « Si l’une de ces entreprises a confiance en ses produits, pourquoi ne les soumettent-ils pas à un vaste essai comparatif pour prouver leur efficacité », se demande-t-il.

La définition européenne d’un « dispositif médical » ne changera pas dans le cadre des nouvelles règles qui entreront en vigueur en 2020. Si un dispositif médical est jugé dangereux, les autorités nationales de santé en Europe ne peuvent intervenir qu’a posteriori, quand il est déjà sur le marché. Cela suppose un système efficace de signalements en cas de défaillances de certains de ces produits, ce qui est loin d’être le cas.

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