© iStock

Migraine: « Parfois, vous avez tellement mal que vous vous arrachez les cheveux »

Trui Engels

« Sortez du placard! » C’est un appel à tous les patients atteints de migrants lancé à l’occasion de la Semaine de la Migraine. Les patients qui souffrent de migraines ne sont pas des petites natures ou des paresseux, mais souffrent d’une maladie chronique. « Ce n’est pas un choix. »

Tout est de la faute de l’écrivain Honoré de Balzac. Dans son livre La physiologie du mariage » (1824-1829), il affirme : « Aussi la migraine est-elle, à notre avis, la reine des maladies, l’arme la plus puissante et la plus terrible employée par les femmes contre leur mari. » Ce sont des mots qui sans nul doute contribué à la triste réputation de migraine comme « trouble psychosomatique ». La maladie se manifeste effectivement plus souvent chez les femmes que chez les hommes, mais pour les patients concernés, la migraine est tout sauf une comédie.

Âgée de 28 ans, Chloë lutte contre la migraine depuis dix ans, et décrit une crise comme suit : « D’abord, une petite tache noire apparaît dans mon champ de vision qui grandit jusqu’à ce que je perde tout à fait la vision d’un côté, ensuite je me mets à bâiller, le moindre relent me rend nauséeuse, je ne peux plus supporter la lumière et je dois me coucher. Ensuite, j’ai des maux de tête étranges et palpitants. Quand je ne prends pas de médicaments ou qu’ils ne prennent pas, la douleur est tellement pénible que j’ai envie de m’arracher les cheveux. »

Guillaume (53 ans), paralysé pratiquement une fois par semaine par la migraine depuis l’enfance, se reconnaît dans l’histoire de Chloë. « À la longue, on lutte contre le mal par une douleur supplémentaire en se tirant les cheveux par exemple. Je me suis déjà frappé la tête pour sentir autre chose que cette guerre dans la tête, comparable à une épouvantable rage de dents, mais dans la tête. Même une question simple comme ‘puis-je faire quelque chose pour toi’ est infernale ! Quand j’étais enfant, je vomissais aussi : d’abord tout le contenu de mon estomac, puis de ma bile et puis jusqu’à presque me déboîter les os maxillaires. »

Comme pour Chloë, les crises de Guillaume s’accompagnent d’une phase prodromique ou phase d’avertissement dont les symptômes sont l’irritabilité, les bâillements, la somnolence et la mauvaise humeur. Comme le patient ne souffre pas encore de mal de tête, l’entourage se montre souvent peu compréhensif.

Un Belge sur cinq souffre de migraine au cours de sa vie. En Belgique, la migraine représente un million de jours d’absence par an. C’est la deuxième maladie neurologique en termes de fréquence, mais en même temps la maladie la moins soutenue financièrement par la société. Les patients paient une grande partie des frais de médicaments et les compagnies d’assurances ne la reconnaissent pas comme maladie. Certaines personnes ont une ou deux crises par an, d’autres plusieurs par mois, ce qui évidemment fait monter les coûts.

« Je dois m’excuser »

Outre la migraine ophtalmique, les nausées, le sentiment d’avoir la tête pressée par un étau et l’impact social et émotionnel, un Belge sur trois se sent coupable de sa maladie, révèle une enquête de l’entreprise pharmaceutique GSK réalisée auprès de mille patients. Comme ils sont souvent obligés d’annuler des activités à cause de leur migraine, que ce soit au niveau privé ou professionnel, ils se sentent honteux ou coupables. En même temps, les patients atteints de migraine adaptent leur comportement à leur maladie et parfois ils s’isolent socialement, ce qui à son tour contribue à leur rôle de « coupables ».

Ce n’est pas pour rien si la culpabilité est le thème de la sixième édition de la campagne de la sensibilisation « Semaine de la migraine » qui se déroule du 14 au 19 mai. Le slogan « La migraine, on lui colle vite des préjugés » et une série d’images révélatrices doivent inciter les patients migraineux et leur entourage au dialogue et leur faire prendre conscience du problème.

« Les gens se montrent souvent compréhensifs lors de la première ou de la deuxième crise », explique Chloë. « Mais au fil du temps, la compréhension diminue, et parfois il y a un peu de rancune. Les personnes proches de moi, telles que mon partenaire et mes parents, y ont souvent assisté et savent entre-temps que je ne peux pas sortir de mon lit. Mais énormément de gens sous-estiment la migraine. Il y a beaucoup d’ignorance. On utilise aussi le mot à tort ou à travers pour de simples maux de tête. Cela me dérange, la migraine ce n’est pas ‘simplement un peu de mal de tête’. »

Guillaume ne se sent pas coupable. « Je me sens plutôt victime. Je n’ai jamais demandé ça, donc pourquoi me sentir coupable ? Si d’autres ont des préjugés, c’est leur problème. J’ai déjà raté tellement de choses dans ma vie, des soirées avec des amis, des concerts, et des excursions. En plus, je souffre de migraine de week-end, ce qui fait que les collègues n’en sont presque pas incommodés. »

« Le plus pénible, ce sont en effet le travail et les engagements qu’on ne peut respecter » poursuit Chloë. « Annuler les activités sociales m’ennuie, mais au moins je ne dérange personne avec mes problèmes. Le travail, c’est différent. J’ai longtemps donné des cours de danse et j’ai souvent dû annuler des cours. Je donne cours en enseignement primaire, du coup quelqu’un doit reprendre les tâches quand ça ne va vraiment plus. Généralement, j’essaie simplement d’affronter le mal et de terminer la journée. »

Une grande majorité des patients qui souffrent de crises de migraine toutes les semaines indiquent que la maladie pèse sur la qualité de vie. Les personnes qui ont des enfants ont l’impression de faillir à leur devoir de parents. Près de 60% disent ne pas pouvoir passer autant de temps avec leurs enfants qu’ils le souhaitent. La moitié d’entre eux sortent moins avec des amis que ce qu’ils voudraient. Et 3 sur 5 craignent d’avoir une crise quand ils sont avec leurs amis. Finalement, 40% d’entre eux estiment que les crises de migraines hebdomadaires ont un impact sur les possibilités de carrière. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) place même la migraine en sixième position de maladies qui ont l’impact le plus chronique sur la vie des patients, avant le diabète et les névroses d’angoisses.

Comme la migraine est imprévisible, elle peut se manifester aux moments les plus intempestifs. Un jour, Chloë a dû manquer sa propre fête de bienvenue après son retour d’un stage à l’étranger. De temps en temps elle a une crise dans l’avion : « Quand je monte dans l’avion, je sais que je vais vomir aux toilettes. Ce sont des moments qu’on n’est pas près d’oublier. »

Les patients migraineux ne font pas étalage de leur maladie parce qu’ils se heurtent encore à trop d’obstacles pour parler de leur situation à d’autres. La moitié des patients indiquent préférer n’en parler à d’autres uniquement s’ils ne peuvent faire autrement. Les parents qui souffrent chaque semaine de migraine essaient de le cacher à leurs enfants. »

Chloë: « J’ai l’intention d’en parler à mon fils. Je dois déjà cacher ma maladie au monde extérieur. Je n’ai pas envie de le faire à la maison aussi. Je n’ai pas honte de ma maladie, mais je ne peux pas déranger les gens. Quand j’ai débuté à mon boulot, je trouvais néanmoins nécessaire d’expliquer la migraine à mes collègues. J’ai également donné une brochure sur la migraine à ma direction pour lui indiquer que je n’y peux vraiment rien. D’ailleurs, croyez-moi, quand j’arrive au boulot avec une crise de migraine, c’est impossible à cacher. Il suffit de regarder mes yeux. »

Guillaume: « J’explique à mon entourage ce qu’est la migraine, mais je préfère ne pas trop en parler. Je veux simplement mener une vie normale et pas toujours devoir m’expliquer. Quand je n’ai pas de crise, je me sens bien et je veux en profiter pleinement. Je ne veux pas être réduit à ma maladie. »

« Petite nature »

Si l’incompréhension est parfois grande, c’est justement parce que la maladie est si peu évoquée. Des déclarations du type « on ne reste pas à la maison pour un peu de mal à la tête » sont probablement la remarque la plus lancée aux patients migraineux. Leur douleur n’est pas toujours prise au sérieux ou ils sont traités de petite nature. Du coup, il est beaucoup plus difficile de compter sur de la compréhension, car « généralement ce qu’on ne voit pas, n’existe pas ».

Aussi 34% des patients migraineux aimeraient-ils que leur entourage montre plus de compréhension. Guillaume: « Je conseille à tous ceux qui vivent avec un patient migraineux ou qui en ont un parmi leurs amis de lire le livre « Motel Migraine ». Migraineuse et journaliste, Karen Span témoigne de l’incompréhension, l’impatience et le cynisme auxquels elle est confrontée. Mais je ne pense pas que les amis aient besoin de beaucoup d’explications quand ils me voient gémir de mal. »

Ce que beaucoup de gens ne savent pas c’est que beaucoup de conseils de l’entourage ne sont pas toujours bien acceptés par les patients migraineux. « Je sais que l’intention est bonne, mais je ne suis pas toujours ravi quand les gens me submergent de toutes sortes de conseils et de remèdes censés me débarrasser de la migraine », raconte Guillaume. « Généralement, ils font ça au moment où j’ai une énième crise : ‘Fais un peu plus de sport, ralentis un peu au boulot, prends ce complément, etc.’ Comme si c’était aussi simple ? J’ai vraiment tout essayé. Acuponcture, ostéopathie, antiépileptiques, thé de gingembre et ainsi de suite. La migraine ne se guérit pas, et les crises sont totalement arbitraires. »

Chloë approuve: « Je suis uniquement les conseils de mon neurologue, et j’essaie de m’y tenir le mieux possible, comme une alimentation équilibrée et un sommeil régulier. Le reste, je le classe à la verticale. Les gens qui n’ont pas de migraine ne peuvent pas donner de conseils. En outre, les remèdes miracles n’existent pas », conclut Chloë.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire