Une souris de laboratoire. Photo d'illustration. © Thinkstock

Les scientifiques préfèrent les souris mâles, les femmes en paient le prix

Stagiaire Le Vif

Les souris de laboratoire mâles sont majoritairement utilisées par les chercheurs pour mener leurs expérimentations. Leurs homologues femelles sont laissées pour compte. Or, une récente étude tempère ce parti pris scientifique puisqu’elle établit que femmes et hommes réagissent différents aux médicaments.

Le débat sur l’égalité des sexes s’invite dans nos labos. Pas question ici d’examiner la parité hommes-femmes chez les scientifiques, mais bien d’interroger l’exploitation majoritaire de souris mâles dans la recherche pharmaceutique. Une récente étude, publiée le 26 juin dans la revue Nature Communications et reprise par Mashable, s’est penchée sur 234 traits physiques des souris afin d’étudier les différences entre les spécimens mâles et femelles. La densité osseuse, la forme de la tête, la couleur des yeux… Tout a été passé au crible par les scientifiques qui ont fini par conclure à des différences inhérentes au sexe. Ainsi, 57% des traits dits quantitatifs et 10% des traits qualitatifs présentent des divergences.

Jusqu’ici, cela relève de l’évidence. Et pourtant, la science a semblé vouloir l’ignorer. En effet, pour tester un médicament, les scientifiques font majoritairement le choix d’exploiter des souris mâles plutôt que leurs homologues du sexe opposé. Le constat n’est pas neuf. En 2011 déjà, une étude avait conclu que les expériences en laboratoire utilisaient cinq fois plus de mâles que de femelles. Observation similaire en 2014 où, sur 2.347 articles scientifiques examinés, 80% des études s’appuyaient uniquement sur des spécimens mâles. Cette pratique entraîne une zone d’ombre médicale puisqu’elle empêche de connaître les effets que peut avoir un médicament sur les spécimens femelles.

L’étude de Nature Communication illustre « à quel point le sexe joue un rôle dans les traits caractéristiques des individus, là où l’on aurait tendance à supposer qu’ils sont identiques chez l’homme comme la femme », souligne Judith Manka, reprise par Mashable. La généticienne de la University College London renchérit : « Le sexe d’une souris peut influencer jusqu’à une modification génétique. Cela veut dire qu’étudier uniquement les mâles ne donne qu’une moitié de résultat sur toute une espèce ».

LA TRADITION DES SOURIS MÂLES

Francis Collins, directeur de l’Institut national de la santé (NIH) américain, partage cette analyse. En 2014 déjà, il établissait, dans une tribune publiée sur le site de la revue Nature reprise par Le Monde, qu’en « utilisant trop d’animaux mâles, on ne tient pas compte des différences-clés liées au sexe et qui ont des implications sur la recherche. Et cela peut devenir dangereux : les femmes ont par exemple un taux de résistances à l’effet des médicaments plus élevé. »

Ce parti pris scientifique est ancien. Les chercheurs ont toujours préféré avoir recours à des animaux mâles. Cette tradition vient du fait que ces spécimens sont moins soumis aux fluctuations hormonales – dont l’oestrogène – qui modifieraient le résultat de leurs expérimentations. Chiffres à l’appui, cette théorie, qui gomme du coup les spécificités liées au sexe féminin, avait été remise en cause par Francis Collins.

D’ailleurs, pour confirmer cette carence scientifique, il suffit de consulter le document issu de l’organisme d’enquête du Congrès des États-Unis (GAO). Les chiffres sont clairs : entre 1997 et 2001, 80% des médicaments retirés du marché américain le sont à cause d’effets secondaires sur les femmes. L’une des raisons ? L’absence de tests sur les souris femelles.

Et, comme le remarque Futura Sciences, un médicament qui fonctionnerait mieux chez une femme que chez un homme passerait à la trappe. Logique, faute de recherches sur les spécimens de sexe féminin, personne ne serait au courant.

Rodrigue Jamin

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