A Wimbledon, le code vestimentaire est des plus strict: du blanc, rien que du blanc. (Ici, la joueuse allemande Sabine Lisicki). © REUTERS

Les menstruations, l’un des derniers tabous chez les sportives

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Mardi, à sa sortie de match, la tenniswoman britannique Heather Watson a mis sa mauvaise prestation sur le compte de ses menstruations. Pourtant, parler ouvertement de ses règles ne serait pas chose aisée dans le milieu, à en croire plusieurs sportives de haut niveau.

Mardi, à sa sortie de match, la tenniswoman britannique Heather Watson a mis sa mauvaise prestation lors de son match mardi à l’Open Australie sur le compte de ses menstruations. En évoquant de la sorte les « girl things », la joueuse a brisé un tabou dans l’univers féminin du tennis, et du sport en général, selon les dires de l’ancienne joueuse professionnelle Annabel Croft. « J’étais abasourdie », a-t-elle déclaré suite aux propos de Heather Watson, rapporte De Morgen sur son site.« Personne n’aborde jamais ce sujet », ajoute celle qui fut dans les années 80 parmi les meilleures joueuses de tennis. Annabel Croft se dit d’ailleurs contente qu’Heather Watson ai abordé le sujet d’une manière aussi naturelle. « On est très émotif dans cette période du mois et un match de tennis renforce cette émotivité ». Selon l’ex-joueuse, il est compréhensible que Watson n’ait pas réussi à jouer à son maximum. « On souffre d’horribles étourdissements, d’épuisements et on est émotif. C’est vraiment fâcheux qu’elle ait souffert de cela pendant un match si important. Il n’est pas possible de jouer son meilleur tennis. »

L’ancienne championne de saut en hauteur Tia Hellebaut abonde dans ce sens. « Je peux bien m’imaginer que de nombreuses femmes ont perdu une compétition pour cette simple raison« , a-t-elle déclaré mercredi sur les ondes de radio 1. L’ancienne joueuse de tennis belge Sabine Appelmans se souvient, de son côté, de moments pendant lesquels elle n’arrivait simplement pas à jouer, indique De Morgen. « Tout ce que je pouvais faire, c’était m’allonger sur mon lit, car j’avais trop mal mais cela s’est arrangé quand j’ai commencé à prendre la pilule » .

Selon l’ex-joueuse Dominique Monami, il existe toutefois un avantage à la contraception: le fait de pouvoir retarder ses règles. Elle confie ouvertement au quotidien flamand : « Lors de grands évènements, je continuais à prendre la pilule, car je savais très bien que cela serait néfaste si j’étais réglée juste à ce moment ».

Cependant, de nombreuses sportives ne veulent pas prendre la pilule car elles réagissent fortement aux hormones qu’elle diffuse dans leur organisme. « Un sportif, c’est très sensible », réagit Hellebaut.

« Ce n’est pas une bonne idée de dire à sa rivale qu’on est réglée »

A l’époque où Croft jouait encore dans le Top 100, personne ne parlait de menstruations: « C’était un sujet tabou. Je me souviens encore très bien de m’être retrouvée sur le court avec la tête qui tourne, désorientée et pleurnichant, pour me rendre compte, par après dans les vestiaires, que j’étais réglée. Je comprenais alors tout de suite pourquoi je me sentais aussi mal. »

Une des raisons pour lesquelles les menstruations sont encore un tabou dans le monde du sport, est dû, en partie, au grand nombre de coachs masculins, avance Appelmans. « On n’aborde pas facilement ce sujet avec son coach » . Et en parler à d’autres joueuses sur le circuit ne semblerait pas chose aisée non plus. « On a peu de vraies amies, et ce n’est pas une bonne idée de dire à sa rivale qu’on est réglée ».

Ce ne sont pas seulement les émotions et les hormones qui jouent un rôle mais aussi le fait que les joueuses de tennis ont l’habitude de porter des tenues très courtes et souvent de couleur blanche. C’est d’ailleurs la couleur obligatoire pour le tournoi de Wimbledon (il est seul tournoi du Grand Chelem à imposer un code vestimentaire aussi strict).

Croft, quand elle était ado, avoue qu’elle portait en cette période critique du mois des culottes spéciales pour « éviter les fuites ». Plus tard, la joueuse a d’ailleurs développé sa propre collection de sous-vêtements « antifuites ».

De son côté, Appelmans avoue aussi avoir eu une peur panique des taches. « Je me souviens encore de matchs lors desquels j’allais m’assoir et je vérifiais en catimini si tout était ok. La simple pensée de me retrouver dans cette jupe blanche et que l’on puisse deviner quoi que ce soit m’effrayait au plus haut point. Dans ces moments-là, il est impossible de se concentrer sur son match. » Tia Hellebaut est d’avis qu’il n’y a pourtant pas grand-chose à faire: « En tant que femme, il faut juste apprendre à vivre avec », conclut-elle.

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