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« Les femmes aussi trompent pour des raisons purement sexuelles »

Kristof Dalle Journaliste Knack

Sur le plan sexuel, les hommes ne sont pas du tout plus libérés que les femmes. La libido féminine est aussi grande que la libido masculine. Et les relations à long terme sont particulièrement funestes pour la libido féminine. Dans son livre Untrue, Wednesday Martin explique pourquoi il est urgent de revoir certains mythes sur la sexualité féminine.

« Pourquoi presque tout ce que nous croyons sur les femmes, le désir et l’infidélité est faux et comment la nouvelle science peut nous libérer. » C’est là le sous-titre du dernier livre de Wednesday Martin intitulé en anglais Untrue: Why Nearly Everything We Believe About Women, Lust, and Infidelity Is Wrong and How the New Science Can Set Us Free. Pour son livre précédent, Primates of Park Avenue, Wednesday Martin s’est plongée dans l’univers des femmes de la haute bourgeoisie new-yorkaise. Cette fois, l’écrivain américain de 52 ans espère apporter un éclairage différent sur la sexualité féminine en 2018. À l’aide de chiffres, de témoignages et de plus d’une trentaine d’interviews avec des sociologues, des sexologues et des biologistes.

Martin constate que les femmes, du moins aux États-Unis, ont rattrapé les hommes en termes de libertinage. Depuis un moment, en fait. « Alors que la probabilité d’infidélité masculine en 2013 était stable par rapport à 1990, les femmes ont connu une augmentation de 40% », dit-elle. « Les journalistes étaient émoustillés par ces chiffres de l’American General Social Survey, alors qu’au fond ils ne sont guère surprenants. Si vous incluez les études plus anciennes, vous constatez que les femmes comblent l’écart depuis au moins trente ans. »

Dans dix ans, les femmes dépasseront-elles les hommes en matière d’infidélité?

Wednesday Martin: C’est déjà le cas chez les 18-29 ans : les jeunes femmes sont déjà plus adultères que les jeunes hommes, même si l’écart est encore léger. Nous savons aussi que ces mêmes femmes sont sexuellement plus libres que les hommes de moins de 30 ans. À en croire une étude de 2017, il y a autant de chances que vous les rencontriez en trio, et presque deux fois plus de chances que vous les trouviez dans une cave bdsm ou une soirée échangiste. La sexualité féminine est souvent considérée dans une perspective très masculine. C’est la raison pour laquelle je souhaite apporter un nouvel éclairage. Se pourrait-il que les jeunes femmes soient simplement plus aventureuses? Et qu’elles le « désapprennent » plus tard dans leur vie sous la pression de la société ? Ou n’osent plus l’admettre ? Je ne dis pas que j’ai toutes les réponses. C’est exactement ce qui est intéressant à notre époque : nous commençons seulement à étudier convenablement le fonctionnement de la sexualité féminine.

Sur le plan évolutionnaire, la liberté sexuelle féminine a-t-elle autant de sens que la liberté masculine ?

La monogamie n’a que 10 à 12 000 ans, ce qui en fait un concept relativement nouveau. Entre-temps, il est clair que la liberté sexuelle était la stratégie de reproduction la plus intelligente dans certaines conditions écologiques précises, mais pas inhabituelles. En fait, c’était même un inconvénient de rester monogame. Un plus grand nombre de partenaires signifiait une plus grande chance d’avoir du sperme de bonne qualité et les assurait que les mâles avec qui elles avaient accouplé prendraient soin de leur progéniture.

Les hommes ne sont pas, par nature, plus aventureux que les femmes. Aujourd’hui, nous le savons. Entre-temps, les femmes paient tous les jours le prix de revendiquer ce qui était autrefois un privilège purement masculin. De la stigmatisation à la violence domestique ou même au meurtre.

Vous écrivez que la libido féminine diminue aussi beaucoup plus rapidement dans une relation.

Les relations à long terme affectent principalement le désir féminin, selon Marta Meana, chercheuse américaine spécialisée en sexualité. Ce qui est en contradiction avec ce que j’ai toujours appris : les femmes préfèrent avant tout l’intimité et la familiarité. Deux études menées par le psychologue Dietrich Klusmann auprès de 2500 hétérosexuels ayant de longues relations montrent que la libido masculine diminue doucement pendant dix ans, tandis que la libido féminine plonge à l’extrême dans les quatre ans. La monogamie semble plus vite ennuyer les femmes que les hommes.

Les hommes trompent pour des raisons sexuelles, lit-on souvent, les femmes parce qu’elles sont à la recherche d’une intimité émotionnelle. C’est tout à fait faux, dites-vous.

Les femmes aussi trompent pour des raisons purement sexuelles. J’ai parlé à la sociologue Alicia Walker, qui avait interviewé des femmes hétérosexuelles ayant un profil sur le site de rencontres extraconjugales AshleyMadison.com. Presque toutes les femmes à qui elle parlait cherchaient uniquement des rapports sexuels extraconjugaux. La plupart d’entre elles qualifiaient leur mariage d’heureux à très heureux, sauf dans la chambre à coucher. Elles étaient motivées par le pragmatisme : elles voulaient rester mariées, mais en même temps avoir une vie sexuelle satisfaisante. Quitte à aller la chercher à l’extérieur de manière calculée.

Calculée ?

Elles organisent des auditions. Elles envoient des courriels pour demander  » quelle est la taille de ton pénis ? », « que penses-tu du sexe oral » ou « combien de fois par jour as-tu envie de sexe? ». Et si un homme ne leur plaît pas, elles n’ont aucun problème à le laisser tomber. Les plus grands tue-l’amour ? Les hommes trop dépendants, ou pire, ayant envie d’une relation. (rires)

Vous citez également le travail de la sexologue Meredith Chivers. On peut en déduire qu’au niveau de l’appétit sexuel, les hommes sont des êtres simples.

Je vous laisse interpréter. L’une des choses qu’elle a observées, c’est que les femmes réagissent aussi fortement que les hommes aux images explicites. Du moins, si vous mesurez correctement et que vous vous concentrez sur l’irritation sanguine des organes génitaux. Elle a également vu que le corps d’une femme réagit à un spectre beaucoup plus large de stimuli. Les hommes hétérosexuels réagissaient aux images de rapports sexuels hétérosexuels et lesbiens, tandis que les femmes hétérosexuelles réagissaient à presque tout ce qui leur était montré. Un homme avec une femme. Un homme avec un homme. Une femme avec une femme. Même à des images de bonobos qui s’accouplent.

Finalement, vous appelez la réévaluation de certaines certitudes concernant les hommes et les femmes « la Grande Correction ». Ça a l’air bien, mais comment voyez-vous le monde après la Grande Correction ?

Comme tout le contraire de La Servante écarlate. La sexualité féminine est liée à l’autodétermination féminine : partout où les femmes ont une réelle autonomie, elles ont aussi une autonomie sexuelle. Et dès que nous embrasserons ces nouvelles idées, les relations entre les hommes et les femmes ne feront que s’améliorer. La monogamie n’est pas encore à l’agonie. Beaucoup de gens y sont encore attachés, car c’est un arrangement très confortable et agréable. Ce à quoi je m’attends, c’est que plus la situation économique et politique des femmes s’améliore, plus les relations traditionnelles seront sous pression. Si les femmes, sans risque de stigmatisation ou de violence, ont le choix de rejeter la monogamie, elles le feront aussi souvent que les hommes.

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