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Les cours d' »anger management », pour ne pas tout casser quand on voit rouge

Le Vif

Quand ils se fâchent tout rouge, certains ont un peu plus de mal que d’autres à se maîtriser. Ils saccagent des chambres d’hôtel, arrêtent leur voiture au beau milieu de l’autoroute pour aller hurler sur un(e) automobiliste ou menacent leur coiffeur de lui faire la tête au carré.

A Los Angeles, où les embouteillages sont dantesques et le taux d’homicides parmi les plus élevés des Etats-Unis, l’épidémie de sang chaud fait rage et les stages d' »anger management », pour apprendre à contrôler sa colère, font fureur.

Le phénomène a déjà donné lieu à un film, « Anger Management« , avec Adam Sandler et Jack Nicholson, et à une série télévisée avec Charlie Sheen, réputé dans la vie pour ses accès de violence. De nombreuses célébrités ont été condamnées par la justice à suivre de tels cours: après avoir balancé un téléphone portable sur un assistant (Naomi Campbell), agressé des paparazzis (Sean Penn, Kanye West), jeté des oeufs sur la maison d’un voisin (Justin Bieber)…

Tous concernés

Parce que les coups de colère touchent toutes les couches de la société, on trouve pêle-mêle dans ces cours des camionneurs, des membres de gangs, des chirurgiens ou des cadres supérieurs envoyés par leur entreprise. Environ 70% sont des hommes. La moitié des patients viennent d’eux-mêmes, souvent poussés par leurs proches; l’autre, sur injonction des tribunaux.

Eric, cascadeur de 40 ans, a décidé de consulter après s’être retrouvé en quelques semaines dans une spirale infernale de disputes avec sa petite amie qui s’est terminée par une bagarre dans un bar, un affrontement avec son frère qui a failli en venir aux mains et un détour par une cellule de commissariat.

Bernard, lui, a payé le prix fort pour sa rage: il a passé 26 ans derrière les barreaux après avoir assassiné à 22 ans un dealer qui lui devait 400 dollars. « J’étais une personne très en colère« , raconte celui qui s’est reconverti en conseiller pour jeunes délinquants et spécialiste des violences conjugales.

Accès aux armes à feu

Aux Etats-Unis, près d’un adulte américain sur 10 « a un historique de comportement colérique et accès à des armes à feu« , selon une étude des universités Havard, Columbia et Duke. Et deux tiers des adolescents américains sont concernés par des montées de colère irrépressibles, selon une autre étude d’Harvard. Mais le phénomène est mondial. D’après le site angermanage.co.uk, un Britannique sur dix admet être sujet aux coups de sang.

En Californie, la demande pour des thérapies d' »anger management » est d’autant plus forte que « le seuil de tolérance est très bas » face à la violence, souligne Anita Avedian, fondatrice de l’association locale des thérapeutes de la colère (CAAMP). « Vous portez la main sur votre enfant ? vous êtes une personne colérique ? vous allez en prison. Vous tapez votre chien ? Vous allez en prison« , explique-t-elle.

Augmentation des demandes

Ces dernières années, la crise financière et la pression constante d’un mode de vie toujours plus frénétique accentué par les sollicitations permanentes liées aux appareils portables ont accéléré la demande pour ces cours d’apprentissage du contrôle de soi. « Notre clientèle augmente de 20% par an« , évalue George Anderson, un pionnier du secteur, qui à 78 ans dit avoir traité 17.000 personnes dans sa carrière.

Un « business » juteux: les sessions en groupe démarrent à 20 dollars de l’heure, mais les séances individuelles coûtent jusqu’à 350 dollars. Il y a des rechutes, mais selon George Anderson et Anita Avedian le taux de succès se situe entre 70 et 80%.

Identifier les déclencheurs

En groupe ou seul, les clients de ces stages apprennent à identifier leurs « déclencheurs« : « ma femme » revient très souvent, mais cela peut être également « le manque de respect » ou un supérieur qui harcèle. Chacun s’exerce à jauger sa colère de 1 à 10, avec pour objectif de ne jamais passer le cap fatidique du 7.

On apprend, à l’aide d’un manuel, à travers la discussion ou des techniques de visualisation, à « quitter le mode défensif« , car la colère vient du sentiment d’être attaqué, et à « passer en mode rationnel »: comprendre ce que veut et ressent votre interlocuteur, apprendre à exprimer calmement ses émotions, et surtout, à poser ses limites.

Rick, chirurgien ophtalmique, raconte avoir notamment perdu son sang-froid après qu’une infirmière eut trop rempli une seringue: « si je ne m’en étais pas rendu compte, l’injection aurait causé de grave dommages dans l’oeil du patient. Je dépends de beaucoup de gens pour opérer, mais au final je suis tenu pour responsable« , explique-t-il. Avec les cours, « j’ai appris à dire aux gens de mon équipe à quel point leur travail est important, à quel point je compte sur eux et qu’ils doivent vérifier leur matériel« .

La plupart des problèmes de colère sont liés à des traumatismes d’enfance, estiment des spécialistes. Cela peut être un père trop critique, des parents qui criaient, une mère qui vous a abandonné…

Arnold, camionneur de 51 ans, ex-membre de gangs et ex-détenu, a été battu toute son enfance. Au moindre signe de manque de respect, son sang ne fait qu’un tour. Mais il apprend progressivement à se retenir. « Une seconde d’égarement et je peux retourner derrière les barreaux« , dit-il.

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