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Les bambins, ces petits êtres pleins de préjugés

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

Une étude vient de confirmer qu’au-delà d’être adorables avec leur petit nez retroussé, leur regard naïf et leurs petites joues à croquer, les bambins de trois ans sont aussi capables de porter un jugement sur votre personne après un simple regard, rapporte le Time.

Les jeunes enfants, comme tous les autres humains, regardent d’abord le visage d’une nouvelle personne pour savoir si elle est gentille, disponible et même intelligente.

Toutefois, selon une nouvelle étude menée par un groupe de chercheurs de l’Université de Harvard, et publiée dans la revue Developmental Psychology, le fait de scruter et de juger les gens commence plus tôt et est beaucoup plus subtil qu’on ne le pensait.

« Nous pensons à tort que les enfants sont des vases vides dans lesquels la culture se déverse lentement à mesure qu’ils mûrissent », a déclaré le psychologue Mahzarin Banaji, co-auteur de l’étude, dans un communiqué. « Cette recherche montre que les préjugés sur les gens émergent tôt chez les humains. »

Dans la première partie d’une étude qui en compte quatre, les enquêteurs ont réuni un groupe de 99 enfants âgés de 3 à 11 ans. Ils leur ont montré des photos d’un visage masculin manipulé par ordinateur pour donner un aspect digne de confiance ou non digne de confiance (expression détendue ou de grands yeux et un regard persan), dominant ou soumis (un faible froncement de sourcils et des lèvres serrées ou un front et une bouche légèrement baissés) et compétent ou incompétent (des yeux bien concentrés et des lèvres droites ou un regard perdu et une bouche sans expression).

Les enfants regardaient les visages sur un écran d’ordinateur et étaient priés d’indiquer ceux qui étaient « gentils » ou « méchants ». Presque universellement, les enfants ont attribué le descriptif « gentil » à des visages dignes de confiance, soumis et compétents, et « méchants » aux autres. Même dès l’âge de trois ans, 84% des enfants ont fait cette distinction, ce taux allant jusqu’à 97% chez les plus âgés.

Les résultats se compliquaient lorsque les enfants étaient interrogés sur les comportements qu’ils pouvaient déduire à partir des images. Pour les visages compétents ou incompétents, on leur a demandé laquelle des personnes « sait chanter beaucoup de chansons différentes » ou « peut dessiner des images qui ressemblent à la vraie vie ». Pour les visages dominants ou soumis, les questions posées étaient de savoir si les gens pourraient « ramasser des choses très lourdes » ou « toujours savoir à quel jeu jouer ». Et pour les visages dignes ou indignes de confiance, ils ont demandé si cette personne « aidait les autres quand ils ont des problèmes » ou si elle « aimait partager ».

Les plus jeunes enfants ont eu des difficultés avec cette partie, ne faisant guère mieux que le hasard. Cela est peut-être dû en partie au fait que les idées de bien et de mal se sont un peu embrouillées – les enfants ont choisi le visage dominant ou méchant, par exemple, comme celui qui a le plus de chances de pouvoir porter des choses lourdes et savoir à quel jeu jouer. À l’âge de cinq ans, les enfants maîtrisaient mieux ces concepts, établissant des liens appropriés entre le visage et le comportement environ 75% du temps.

La deuxième étude était identique à la première, à ceci près que les images des visages étaient manipulées de sorte que les différences dans les expressions soient un peu plus subtiles et, du moins en théorie, plus difficiles à lire. Mais les enfants les lisaient presque aussi bien que lors de l’étude précédente.

Dans la troisième étude, des images de visages plus extrêmes, moins subtils, dominants ou soumis, dignes de confiance ou indignes de confiance ont été montrées aux enfants, ainsi qu’une sélection d’images d’objets désirables – biscuits, bonbons, une banane, un chocolat, un cadeau. On leur a ensuite montré les visages et leur a dit: « Voici Edgar et voici Martin. Si vous n’aviez qu’un seul biscuit [ou banane ou cadeau], à qui le donneriez-vous?

Globalement, 68% des enfants ont choisi de récompenser les visages soumis et dignes de confiance, même si les plus jeunes ont fait baisser la moyenne, ne faisant pas mieux que le hasard. « Le fait de faire des cadeaux à des visages « plus jolis » semble émerger vers cinq ans, mais pas avant », ont écrit les chercheurs.

La dernière étude combinait les précédentes en demandant aux enfants d’identifier les visages présentant les traits les plus positifs et de choisir ceux qui devaient recevoir les cadeaux. Dans ce cas, les chercheurs cherchaient ce qu’ils appelaient une « concordance », les personnalités les plus désirables étant récompensées par des cadeaux. Encore une fois, la capacité de relier ces points s’améliorait avec l’âge, sans concordance significative entre les plus jeunes enfants et 91% parmi les plus âgés.

L’étude montre clairement que les enfants sont perspicaces et même impitoyables. Ils savent ce qu’ils aiment et qui ils aiment. Ils prennent des décisions rapidement et agissent en conséquence – et ils s’améliorent à mesure qu’ils grandissent.

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