Ronaldo © getty

Le jeune homme spornosexuel, ce Narcisse moderne

Muriel Lefevre

Il n’y a pas que les femmes qui vivent sous le joug d’un idéal de beauté. Les jeunes hommes aussi subissent la pression du corps parfait. Or, si s’entretenir est une bonne chose, ce n’est jamais bon quand cela vire à l’obsession.

Une nouvelle tendance inquiétante semble monter en puissance parmi les jeunes hommes. Ils ont souvent entre 16 et 25 ans et n’ont qu’une obsession : afficher un corps parfait aux muscles ultras dessinés et avec les tablette de chocolat de rigueur. Ils ont pour idoles athlètes, dieux du fitness ou autres hommes aux corps si parfaitement musclés qu’ils semblent irréels. Des hommes pour qui les plus beaux atours ne sont plus des vêtements couteux, mais un corps d’apollon.

Dans toutes les grandes villes d’Europe, on observe que les salles de sport sont remplies d’hommes, souvent très jeunes, qui s’entraînent de plus en plus fanatiquement. Avec une discipline presque martiale, ils enchaînent les séances, surveillent leur alimentation et bronzent leur corps. « Pour eux, pour leurs photos d’Instagram, pour leur profil Tinder » dit encore De Morgen.

De métrosexuel à spornosexuel

Dans les années 1990, on a vu apparaître ce que l’on a appelé les métrosexuels, soit des hommes hétéros qui dépensaient des sommes folles en vêtements et en soins esthétiques. David Beckham en était l’absolue égérie. Rapidement le terme va entrer dans les moeurs, voire percoler, dans une version plus diluée certes, vers les autres hommes. Ceux-ci sont en effet aujourd’hui de plus en plus nombreux à prendre soin de leur apparence et à acheter des produits dits de beauté comme des crèmes de jour. À cause des réseaux sociaux, la pression pour paraître à son avantage n’a cependant fait qu’augmenter. Depuis 5 ans, on assiste à une nouvelle tendance où ce n’est pas les vêtements qui sont mis en avant, encore moins un esprit brillant, mais le corps qui les portent. L’une de leurs idoles incontestées est Lazar Angelov avec ses 6 millions d’adeptes sur Instagram ou encore le footballeur, Cristiano Ronaldo.

1.0lazar_angelov_officialhttps://www.instagram.com/lazar_angelov_official3040937162021993352997088608_304093716Instagramhttps://www.instagram.comrich658

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Anorexie athlétique ou hypergymnasie

S’entraîner et s’alimenter de façon à obtenir un corps affuté n’est en soi pas une mauvaise chose. Mais, comme souvent, l’excès nuit en tout. Lorsque cela devient malsain et compulsif, on finit par endommager son corps en le forçant à se conformer à une image. C’est un peu comme l’anorexie : il est bon de surveiller sa ligne, mais ne plus manger est dangereux. Dans ce cas aussi leur image d’eux-mêmes est déformée et ils ne se trouvent jamais assez secs et musclés. Ce qui les pousse à mal se nourrir, à consommer des substances dangereuses et à faire trop de sport.

Pour ces hommes obsédés par leur corps, Simpson journaliste au The Daily Telegraph a même inventé un nouveau terme : les spornosexuel. Un joli mot valise qui contient sport et porno. Ce serait la variante masculine du diktat de l’impossible idéal de beauté féminin vanté par les pornos qui pour rappel prône un corps aux attributs sexuels exacerbés , sans plis et sans poils. Avec les mêmes contraintes que pour les femmes, car pouvoir parader avec un tel corps est du domaine de l’impossible, surtout quand on n’est pas un sportif professionnel et qu’il se trouve quand on a un travail de bureau.

Le jeune homme spornosexuel, ce Narcisse moderne
© getty

Un tel corps est celui d’un champion de natation de niveau olympique et simplement s’entraîner chaque jour dans sa salle de sport ne suffit pas. Il faut prendre des suppléments et on ne parle pas ici d’une simple boisson protéinée. Dans leur soupe colorée, ils mélangent souvent gaiement de la taurine, de la créatine, de la carnitine ou encore de la citruline. « Autant de substances qui vous permettent de soulever des poids plus importants, d’augmenter votre température corporelle, d’accélérer votre métabolisme et de stimuler votre combustion des graisses », dit encore De Morgen.

Cette nouvelle mode explique aussi en partie la hausse spectaculaire des ventes de suppléments alimentaires destinés aux sportifs. Le marché des compléments sportifs aux États-Unis en 2016 s’élevait à 26 milliards de dollars (23 milliards d’euros) et devrait passer à 45 milliards de dollars (40 milliards d’euros) d’ici 2022. D’ici trois ans, le marché mondial des compléments sportifs devrait s’élever à environ 200 milliards d’euros.

Et ça, c’est quand ils ne se font pas carrément des piqûres d’anabolisants. Au Royaume-Uni, le problème semble déjà bien installé puisqu’un million de personnes consommeraient des stéroïdes anabolisants, rapporte The Guardian. De nombreux gymnases ont même des poubelles séparées pour les aiguilles. On ne parle pas ici de culturistes professionnels, mais de sportifs amateurs devenus des junkies capables de dépenser 220 euros par mois pour des produits. Cela, sans compter les effets secondaires souvent extrêmes comme des problèmes érectiles et des comportements agressifs. Ou, comme le résume De Morgen, les femmes qui ont succombé à ce corps parfait se retrouvent souvent avec un conjoint impuissant, colérique et qui risque de mourir avant 50 ans d’une crise cardiaque. De quoi regarder un petit bourrelet avec les yeux de l’amour.

Perte de repère en ce qui concerne la masculinité

L’un des déclencheurs de cette tendance pourrait être, en simplifiant très fortement, que de nombreux hommes sont perdus dans un monde qui malgré tout se féminise et où pourtant les stéréotypes de genre ont la vie dure. Avant, pour montrer qu’on était un homme, un vrai, on pouvait compter sur ces attributs masculins classiques que son une profession, voire une voiture. Sauf que de plus en plus de femmes occupent des fonctions en vue et se payent de belles voitures. Resterait donc aux hommes, perdus dans leur masculinité, que leur corps. Un corps qu’ils forgeraient comme une armure. Un peu comme si la taille de leur masse musculaire pouvait les protéger des nouvelles incertitudes qui entourent le fait d’être un homme. On notera que le retour de barbe pourrait aussi être vu dans cette optique.

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