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Le « droit d’essayer » des traitements expérimentaux veut avancer aux Etats-Unis

Le Vif

Face à une mort certaine, qu’ont à perdre des patients à essayer des médicaments expérimentaux, non encore autorisés?

Ce peut être un enfant atteint d’une forme rare de dystrophie musculaire. Une jeune femme rongée par un cancer du colon. Ou encore un patient condamné par l’incurable maladie de Charcot.

Les médicaments déjà autorisés, quand ils existent, sont pour eux sans effet, et l’espoir de ces patients est de participer à un essai clinique de traitements expérimentaux par les laboratoires. Mais soit parce qu’ils sont trop malades, trop jeunes, trop vieux ou trop loin, ils n’ont pas été retenus.

C’est cette population désespérée que depuis quatre ans, des élus des deux partis, dans 38 des 50 Etats américains, ont voulu réconforter en adoptant des lois sur le « droit à essayer » des traitements expérimentaux, hors essais cliniques.

La cause est si populaire que le président Donald Trump et son vice-président Mike Pence ont mis tout leur poids derrière une proposition de loi soumise à un vote de la Chambre des représentants mardi à Washington dans le but d’établir un « droit à essayer » national (le Sénat a adopté une version différente).

Mais les élus démocrates se sont majoritairement opposés, empêchant de peu le texte d’atteindre la barre des deux tiers de voix qui était requise selon la procédure accélérée choisie par la majorité républicaine. Le chef de la majorité a toutefois promis de recommencer, et de réussir.

Des médecins et associations de patients atteints de maladies rares ont dénoncé une loi démagogique créatrice de « faux espoirs » pour les patients, et qui ne changera rien en réalité.

Aujourd’hui, les médecins peuvent déjà demander aux compagnies pharmaceutiques de donner un médicament expérimental à leur patient de façon dérogatoire, à condition que le traitement ait passé la première étape des tests cliniques, c’est-à-dire la phase sommaire où le médicament a été testé sur une vingtaine de personnes en bonne santé pour vérifier qu’il n’est pas toxique.

Si les laboratoires acceptent (on manque de chiffres sur leur taux de réponse), les autorités sanitaires américaines (FDA) approuvent ensuite la demande dans plus de 99% des cas, en général en quelques jours, et recommandant parfois des ajustements.

Chaque année, un millier de patients profitent de cette voie d’accès « étendue ».

« Cela en aide quelques-uns, mais c’est rare. La plupart des médicaments en phase de recherche échouent », dit toutefois à l’AFP le professeur Arthur Caplan, directeur de l’éthique médicale à l’école de médecine de l’université de New York.

– Les labos hésitent –

La nouvelle loi, en fait, ne créerait pas de « droit »: les laboratoires resteront les seuls à décider de partager ou non leurs molécules.

La différence, au grand dam des opposants dont Arthur Caplan fait partie, est que la FDA n’aura plus de droit de regard et sera simplement informée, notamment en cas d’effet négatif grave.

« Ils parlent du droit à essayer, mais on a déjà un droit à essayer (…) Les gens réclament déjà tout le temps aux laboratoires », note Arthur Caplan.

L’organisation nationale pour les maladies rares (NORD) est aussi opposée, craignant que la loi n’engendre « confusion » et « faux espoirs ».

Sans compter qu’un traitement expérimental peut, selon Arthur Caplan, « vous faire mourir plus vite ».

Tous s’accordent cependant à dire que les compagnies n’en font pas assez.

Les petits laboratoires, moteurs de l’innovation thérapeutique, n’ont souvent pas les moyens de gérer des demandes individuelles de médicaments en plus de leurs essais cliniques.

Quant aux grandes entreprises, elles craignent que le décès d’un patient – même très malade – ne crée de mauvais titres de presse, ou des obstacles à l’approbation du médicament par les autorités sanitaires.

La nouvelle loi veut les inciter à participer: elle leur donnerait une immunité juridique renforcée, et stipule que la FDA ne pourra pas bloquer la mise sur le marché d’un médicament en raison du décès d’un patient hors essais cliniques.

« Nous voulons donner aux entreprises un degré de clarté et d’assurance pour qu’elles puissent aider quelqu’un dans le cadre du droit à essayer, sans risquer de voir leurs essais cliniques suspendus par la FDA si une personne meurt », explique à l’AFP Starlee Coleman, de l’Institut Goldwater, un think tank libertarien à l’origine de ces lois.

Pour preuve des dysfonctionnements américains, elle souligne que le système français est plus avancé pour les utilisations exceptionnelles et dérogatoires de médicaments sans autorisation de mise sur le marché.

Selon le dernier rapport de l’Agence française de sécurité du médicament (ANSM), près de 20.000 patients ont profité d’une autorisation individuelle en 2016 en France. Vingt fois plus qu’aux Etats-Unis.

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