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Le « corps qui parle » des victimes d’agressions sexuelles

Le Vif

« Avez-vous été victime d’agression sexuelle? »: les médecins gagneraient à poser la question pour certaines pathologies -endométrioses, fibromyalgies, maladies de l’intestin – très présentes chez les victimes d’agressions sexuelles.

« On sait que les victimes d’agressions sexuelles présentent les symptômes psychiques du stress post-traumatiques (anxiété, insomnies, troubles du comportement, anorexie …) mais on a tendance à oublier qu’il y a aussi des atteintes physiques », souligne Violaine Guérin, médecin spécialiste en endocrinologie et gynécologie.

« Le corps parle », affirme Nathalie Regensberg de Andreis, généraliste spécialisée dans la prise en charge des douleurs chroniques, comme la fibromyalgie. « 80% de mes patientes m’ont parlé en consultation de violences sexuelles qu’elles ont subies, et pour les hommes c’est 100% », dit-elle.

La fibromyalgie, qui concerne 2 à 6% de la population selon les pays, touche 9 femmes pour un homme. Le syndrome se manifeste par des douleurs non expliquées au niveau des tendons et des muscles.

Or, le risque de développer une fibromyalgie est doublé chez les victimes de violences sexuelles, selon une méta-analyse de 18 études portant sur 13.000 sujets dont 1.682 atteints de fibromyalgie.

La fibromyalgie est difficile à traiter par voie médicamenteuse, et une mise à jour du traumatisme sexuel est d’autant plus précieuse pour soigner le patient. Mais les médecins abordent rarement la question de la douleur, et encore moins celle des violences sexuelles, déplore Nathalie Regensberg. « La question de la douleur est posée par le médecin moins d’une fois sur deux en consultation de médecine générale », relève-t-elle.

– Un enfant sur cinq victime de violence sexuelle –

L’endométriose, récemment encore tabou et mise en lumière par plusieurs vedettes (les chanteuses Lorie, Imany , l’actrice Laëtita Milot …) se caractérise par la colonisation d’autres organes par le tissu qui tapisse l’utérus (endomètre). Très douloureuse, la maladie est diagnostiquée souvent par hasard et avec un retard moyen de cinq ans. L’endométriose touche 1 femme sur 10 en âge de procréer et 30 à 40% des femmes atteintes connaissent des problèmes de fertilité.

Or, le risque de développer une endométriose est augmenté de 79% chez les femmes rapportant des agressions multiples et chroniques, notamment sexuelles, selon une étude réalisée auprès de 60.595 infirmières américaines (Nurses Health Study), relève Violaine Guérin.

La présidente de SVS appelle à réviser les recommandations de la Haute autorité de santé aux médecins généralistes pour l’endométriose, pour inclure systématiquement la question des violences sexuelles.

Une question que le chirurgien belge Guislain Devroede, spécialiste des pathologies colorectales, a appris à poser depuis sa rencontre en 1981 avec une patiente souffrant de constipation chronique aiguë (une selle tous les deux mois). Cette patiente, qui lui était adressée pour une chirurgie, a complètement guéri après avoir retrouvé lors d’une séance d’hypnose le souvenir des abus sexuels anaux commis par son père depuis l’enfance.

Le chirurgien a rencontré depuis de nombreux cas de troubles digestifs aigus liés à des violences sexuelles et a écrit plusieurs livres (« Ce que les maux de ventre disent de notre passé », « Ces enfants malades de leurs parents », Payot).

L’association Stop aux Violences sexuelles, créée en 2013 par 3 médecins, se donne pour objectif d’éradiquer ce qu’elle appelle une « épidémie », rappelant que selon le Conseil de l’Europe, un enfant sur cinq est victime de violence sexuelle, soit physiquement soit par le biais d’internet.

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