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Le bulletin de santé de nos ados

Le Vif

Nos ados mangent des fruits et légumes, boivent de l’eau, fument modérément, mais sautent les petits déjeuners et succombent aux fast foods et à la sédentarité face aux écrans. Une enquête de l’ULB a sondé dans le détail les habitudes et comportements de notre peuple ado, globalement heureux.

C’est une brique de 320 pages. Et une mine d’infos sur nos ados et leurs habitudes alimentaires, la qualité de leur sommeil, leur vie sexuelle, leur relation à l’école et aux amis, leur conso de tabac, d’alcool, de drogues…Le Service d’Information Promotion Education Santé (SIPES) de l’ULB a rendu publics ce mardi les résultats de cette enquête réalisée en 2014 auprès de 14.000 adolescents scolarisés de la 5e primaire à la dernière année du secondaire en Fédération Wallonie-Bruxelles. Au centre de la réflexion, leur santé et l’influence de leurs habitudes et comportements sur celle-ci. En 2014 ? Est-ce toujours valide ? « 2014 correspond à la collecte des données. Ensuite il faut les traiter. Ce travail prend beaucoup de temps vu la masse de résultats recueillis. Quant à la validité des résultats, on est sur des thèmes et des comportements qui n’évoluent que peu et lentement. Donc, l’écart de 4 ans entre les enquêtes est jugé raisonnable pour commencer à déceler variations et évolutions », juge Katia Castetbon qui a supervisé l’enquête. La professeur et Directrice du Sipes nous guide au coeur de la vie de nos ados et de leur bulletin de santé. Avec ses + et ses – (voir ci-dessous.

Sur base des résultats, quel portrait-robot dresser de l’ado francophone belge ?

Il n’est pas en mauvaise posture, car ses comportements ne sont pas trop défavorables à sa santé. Surtout comparé aux 40 autres pays participants à l’enquête internationale HBSC (Health Behaviour in School-Aged Children). Des indicateurs emblématiques comme la consommation de fruits et légumes par les ados placent la Belgique francophone dans les meilleurs élèves. Le tabagisme reste aussi limité chez nos jeunes. Plus de 80% d’entre eux sont satisfaits de leur vie et ils aiment l’école. En revanche, il reste des marges de progrès et certains résultats montrent une tendance inquiétante, telle que les consommations de boissons sucrées, comparativement parmi les plus élevées en Europe. Recommandée « exceptionnelle », leur conso se révèle souvent quotidienne.

Hors consommation alimentaire, y a-t-il d’autres signaux inquiétants ?

L’ado belge francophone se montre très sujet au stress en général et par rapport à l’école en particulier. Il y a une perception de vie à l’école, de réussite scolaire et de stress par rapport au travail qui est plus marqué. Un autre volet fait aussi apparaître un point d’attention sur l’expérimentation du cannabis. 15% des enfants de 15 ans y ont déjà touché ! Ce qui est le double de ce qu’on observe au niveau international. Cela pose question sur l’accessibilité du produit, sur l’image du cannabis et de sa dangerosité par vraiment intégrée chez les ados.

Votre enquête pointe-t-elle des spécificités typiquement belges ?

Il y a des spécificités propres à Bruxelles, d’autres à la Wallonie. A Bruxelles, les origines extrêmement variées des enfants ont une répercussion dans les comportements. Comparés à la Wallonie, en matière de tabagisme et de consommation d’alcool les taux bruxellois sont très inférieurs. A l’inverse, Bruxelles enregistre une des consommations régulières de fast food des plus fortes. En Wallonie, ce recours au fast food est moins « immédiat ». Autre contraste, l’expérimentation de l’alcool en Wallonie se révèle précoce et non négligeable. Alors qu’à Bruxelles, le poids culturel ou religieux a son influence. Dernier constat, la sédentarité et le temps passé devant les écrans (télévision, ordis, smartphones… ) mangent bien plus de temps aux jeunes bruxellois qu’aux Wallons.

Où se situent les différences entre les filles et les garçons ?

Côté comportements positifs pour leur santé, les filles sont dans une situation plus favorable, sauf en matière d’activités physiques, plus pratiquées par les garçons. Ce souci globalement plus marqué pour la santé va de pair avec une attitude plus inquiète par rapport à leur vie, leur épanouissement, leur bien-être, le stress en milieu scolaire et, très nettement, leur image corporelle. Côté santé et bien-être, elles sont donc plus sérieuses, mais aussi plus anxieuses que les garçons.

Quels sont d’après vous les enseignements phares à tirer de votre étude?

De manière positive, depuis 2010, la conso de fruits et légumes continue d’augmenter. Cela souligne l’efficience des campagnes et de l’info générale faite autour de ce thème au sein des écoles et à travers les médias. Mais il ne faut pas relâcher la pression.

De manière plus négative, l’augmentation de la sédentarité marquée par un temps accru passé devant les écrans est inquiétante. Pas celui consacré à la télévision dont la conso reste stable, mais bien l’inflation du temps passé devant internet via ordi, smartphone,… Reste à déterminer quelle en est la finalité exacte. Si ce nouveau temps sédentaire s’est substitué à un temps plus actif, il faut s’inquiéter. En effet, le temps passé à ce type d’activités sédentaires est une dépense énergétique proche de zéro avec des conséquences réelles sur la santé.

Il ressort aussi de votre enquête un lien entre les disparités sociales et la santé de certains ados…

Exact. C’est aussi un élément phare. L’enquête relève nettement des inégalités sociales extrêmement fortes en termes de comportements et d’état de santé. Ce n’est pas neuf, mais cela se marque très fort et cet indicateur social traverse tous les domaines. On a des disparités assez fortes en termes de tabagisme, de conso d’alcool, de corpulence. Sur le volet fast food, sur le saut du petit déjeuner, sur les temps sédentaires, sur le bien-être, les catégories sociales les plus défavorisées sont en mauvaise posture. Pour x raisons de problèmes économiques et familiaux, la relation de ces ados à la santé est différente. Là il y a urgence à agir de manière ciblée et adaptée.

Etudes, vie familiale, sport, conso médias, alimentation, vie affective, tout semble sociologiquement lié et impactant en bien ou en mal sur la santé. C’est la réalité ?

Absolument… Un enfant attentif et soucieux de ce qu’il mange ne va logiquement pas fumer, fera du sport et sera moins sédentaire. Chaque individu concentre un groupement de comportements favorables ou défavorables possibles face à la santé. Craquer pour un plaisir immédiat ? Ou anticiper un bénéfice santé à long terme? Raisonner un ado sur les risques d’un cancer à 60 ans n’aura pas d’effet. Il faut donc d’autres leviers pour l’amener à changer ses comportements avec des effets positifs immédiats sur sa santé. Pour créer une dynamique générale, on va privilégier des campagnes de sensibilisation qui intègrent plusieurs dimensions plutôt que de les cibler individuellement. Montrer les liens entre les comportements entraîne une meilleure compréhension globale des phénomènes ayant un impact sur la santé.

Quel est le rôle de l’école pour améliorer la santé des ados ?

Enorme ! Les enfants passent beaucoup de temps à l’école, complémentaire du temps passé en milieu familial ou avec ses amis. Cependant, l’école peut être source de stress et peser sur le bien-être psycho-social. Ensuite, l’école est un média puissant pour faire passer des infos sur la santé et les comportements favorables. Un programme Evras (Education à la vie relationnelle, affective et sexuelle) a été intégré il y a presque quatre ans au cursus secondaire via les cours de bio, de sport, etc. On verra en 2018 si cela a amorcé une évolution, par exemple, sur une valorisation chez les filles de leur perception corporelle ou sur l’importance positive du sport.

Faut-il être optimiste pour les jeunes générations présentes et futures?

Les tendances sont favorables. La baisse du tabagisme est nette et contenue, ils boivent beaucoup d’eau. Mais il reste de vrais points d’attention: sur la disparité sociale, sur la sédentarité, sur la relation à l’école comme facteur de réussite et de bien-être… On a aussi des évolutions peu favorables en matière de qualité du sommeil alors qu’il est un déterminant très fort de la santé. Nos résultats attestent d’une vraie dégradation de la qualité du sommeil chez la génération ado actuelle. Avec des difficultés à s’endormir et une durée de sommeil qui se réduit. Dormir bien et longtemps est un facteur de bonne santé au même titre que manger équilibré et faire du sport.

Fernand Letist

5 POINTS VERTS

FRUITS ET LEGUMES

La raison de se réjouir est que la moitié des élèves en fin de primaire et en secondaire, scolarisés en FWB, consomment des fruits et des légumes au moins une fois par jour. 47% pour les fruits, 57% pour les légumes. En proportion plus de filles que de garçons. Les chiffres sont en augmentation constante depuis 15 ans. Comparés aux 40 autres pays participant à l’enquête internationale, nos ados font partie des plus grands consommateurs quotidiens de fruits et légumes. Cependant cette conso quotidienne est plus fréquemment observée chez les jeunes vivant dans une aisance matérielle élevée.

PRODUITS LAITIERS

80 % des élèves sondés ingurgitent des produits laitiers au moins une fois par jour, et davantage de garçons que de filles. Mais quid des 20% restants alors que cette denrée est la première source de calcium chez les jeunes ?

TABAGISME

26,6 % des jeunes disent avoir déjà fume? du tabac au moins un jour dans leur vie.

7,5 % des e?le?ves déclarent fumer du tabac tous les jours. Cette proportion est en diminution constante depuis 1998.

ALCOOL ET DROGUES

Même si 55 % des jeunes disent avoir déjà bu de l’alcool au moins un jour dans leur vie, niveau qui, en fin de secondaire, monte à 81,9%. Même si, tous alcools confondus, 13,9% des élèves du secondaire consomment de l’alcool au moins une fois par semaine. Même si 32,7 % des ados du secondaire supérieur déclarent avoir consomme? du cannabis au moins une fois dans leur vie. Même si, toujours parmi eux, ils sont 8,2% à déclarer avoir expérimenté au moins une autre drogue que le cannabis… Il y a de l’espoir ! Car de vraies tendances à la baisse sont observées. Aujourd’hui, la conso hebdomadaire de cannabis chez nos ados serait inférieure à 10%.

BIEN-ETRE PSYCHOLOGIQUE

85 % des ados belges francophones rapportent e?tre très satisfaits de leur vie. Cette appréciation est positivement associée chez eux a? leur degre? de satisfaction vis-a?-vis de l’e?cole, au soutien qu’ils rec?oivent de leur famille et de leurs amis, ainsi qu’a? des facteurs e?motionnels (leur estime de soi, notamment), lie?s a? leur personnalite? et sociode?mographiques.

5 POINTS ROUGES

BOISSONS SUCREES

Plus d’un tiers – 37 % – des élèves en fin de primaire et en secondaire déclarent boire des boissons sucrées au moins une fois par jour. Un pourcentage en augmentation par rapport aux enquêtes précédentes. Davantage les garçons que les filles. Et moins les jeunes vivant avec leurs deux parents, qui plus est avec un niveau d’aisance matérielle élevé. Autre enseignement, près d’un quart des élèves consomment des boissons énergisantes au moins une fois par semaine. 7% boivent même quotidiennement.

FAST FOOD

Environ un quart – 23 % – des élèves en fin de primaire et en secondaire se rendent dans un fast-food au moins une fois par semaine. Par ailleurs, 15 % des jeunes indiquent consommer chaque jour des chips ou des frites, produits riches en graisses et en sel qui ne devraient être consommés qu’occasionnellement. En corollaire à cette consommation de boissons ou aliments trop riches, près d’un adolescent sur cinq indique suivre un régime ou une autre méthode visant a? perdre du poids.

PETIT DEJEUNER

Seuls 56 % des ados francophones belges prennent chaque jour un petit-déjeuner en semaine, proportion en baisse par rapport aux résultats de 2010. Alors que le petit-déjeuner est capital, la semaine comme le weekend pour couvrir les besoins nutritionnels quotidiens des ados. Plus rassurants sont les résultats concernant la prise du repas du soir en famille: 71 % des adolescents soupent chaque soir avec au moins l’un de leurs parents, un résultat parmi les plus élevés, comparés aux autres pays concernés par l’enquête HSBC.

SEDENTARITE

La majorité des jeunes scolarisés en FWB n’atteignent pas les recommandations relatives à l’activité physique. Seuls 15,8 % des jeunes font au moins ce minimum d’une heure d’activité physique tous les jours. 66,4 % des jeunes déclarent néanmoins pratiquer un sport au moins deux fois par semaine. Davantage de garçons que de filles. Ce faible taux d’activité physique pourrait en partie s’expliquer par la sédentarité engendrée par l’invasion des écrans dans le temps libre des ados. 57% des jeunes passent au moins deux heures par jour devant la télévision. Une habitude en hausse depuis 2010. Mais pas autant que le temps passé sur internet : au moins deux heures par jour, pour 52% des jeunes ! A cela s’ajoute que 43,8 % des ados passent au moins deux heures par jour à jouer à des jeux vidéo. Il est enfin observé que 31,7 % des jeunes restent entre 4 heures et 7 heures par jour devant les différents écrans et 31,9 % y passent plus de 7 heures quotidiennement!

SOMMEIL

Six jeunes sur dix rapportent dormir moins de 9 heures par nuit les jours d’école et un jeune sur trois dit éprouver des difficultés pour dormir plus d’une fois par semaine. Environ un garçon sur quatre (26,3 %) rapporte se coucher au plus tôt à 23h30 alors que c’est le cas pour environ une adolescente sur cinq (18,1 %). Par ailleurs, environ quatre garçons sur dix (42,0 %) rapportent se lever avant 7h00 alors que c’est le cas d’une ado sur deux (50,5 %). Il ressort aussi que le passage de l’enseignement primaire à l’enseignement secondaire se caractérise par une heure de coucher plus tardive, une heure du lever plus matinale et dès lors une diminution de la durée du sommeil.

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