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La viande rouge au pilori ?

Le Vif

Si le steak, la saucisse et l’américain sont cancérigènes, que peut-on encore manger ? Et en quelles quantités ?

Le rapport de l’Organisation mondiale de la santé sur la viande rouge et la charcuterie, fin octobre, a fait l’effet d’une bombe : le Centre International de Recherche contre le Cancer (CIRC) classait la charcuterie parmi les cancérogènes avérés, et la viande rouge parmi les cancérogènes probables. * Dans la presse, la viande transformée a ainsi été mise sur le même pied que l’asbeste et le tabac, ces trois éléments faisant partie de la catégorie des cancérogènes avérés. Ce que le CIRC a regretté lui-même par la suite.

Un message qui sème la confusion

C’est pourtant le CIRC qui est en grande partie responsable du tintouin observé dans les médias : un bureau de presse avait annoncé à sa demande qu’un rapport contenant des informations très importantes allait être publié deux jours plus tard. Ce qui en a gonflé l’importance, alors qu’il ne comportait en réalité pas grand-chose de nouveau. Le lien entre le cancer colorectal et une consommation élevée de viande rouge et de viande préparée, comme la charcuterie, est en effet connu depuis longtemps. En Belgique, le Conseil supérieur de la santé répète depuis 2013 que nous ferions mieux de ne pas manger plus de 500 grammes de viande rouge et de charcuterie par semaine, car le risque de cancer est de 10 % à 20 % plus élevé chez les personnes qui en consomment davantage.

La seule véritable nouvelle est que la viande rouge et la charcuterie sont désormais reprises dans le classement du CIRC. Il est dommage que les journalistes ne prennent pas la peine de vérifier ce genre d’info avant de la diffuser tous azimuts. Certains médias se fichent pas mal de créer la panique avec des articles sans nuance sur la santé. Résultat : après avoir reçu ce genre de messages trompeurs, les gens ne savent plus ce qu’ils peuvent manger et en quelle quantité.

Degré de certitude

La fameuse catégorie 1 du classement CIRC, où s’est retrouvée la charcuterie, contient pour le moment 117 substances considérées comme certainement cancérogènes, dont l’asbeste, l’alcool et les cigarettes. La catégorie 2 contient 74 substances probablement cancérogènes, dont désormais aussi la viande rouge. Les catégories ne reflètent pas la dangerosité relative des cancérogènes mais le degré de certitude scientifique à un moment précis. Ainsi, nous savons avec 100 % de certitude qu’une consommation élevée de viande transformée augmente le risque de cancer colorectal, tout comme nous savons avec certitude que fumer peut provoquer le cancer du poumon. La comparaison entre les deux ne va pas plus loin ! Il est clair que la cigarette est beaucoup plus cancérogène qu’une tartine de salami. La viande rouge a été reprise dans la catégorie 2, celle des « carcinogènes probables », en raison d’un niveau de preuve inférieur.

Les études montrent que le gros mangeur de viande rouge vit aussi moins sainement : il bouge moins, fume plus, mange moins de fruits et légumes et boit davantage d’alcool ; il est aussi souvent moins qualifié. Il est dès lors très difficile de cerner l’impact de ces différents éléments, raison pour laquelle les experts de l’OMS n’osent pas se prononcer avec certitude sur le lien entre viande rouge et cancer colorectal. Concernant la viande transformée en revanche, à laquelle on ajoute des substances chimiques telles que nitrite et nitrosamines, le lien est plus clair. Le message le plus important est et reste néanmoins que nous ferions mieux de ne pas consommer trop de viande rouge et de charcuterie.

20 vs 900 %

En Belgique, quelque 8000 personnes reçoivent le diagnostic de cancer colorectal chaque année. Ce cancer est associé à divers facteurs de risque. Si nous sommes impuissants face à certains d’entre eux (prédisposition génétique, risque familial), nous pouvons néanmoins influer sur d’autres, notamment sur cinq facteurs à l’effet similaire : surpoids, tabagisme, inactivité, alcool et viande rouge. Chacun de ces facteurs augmenterait le risque de cancer colorectal d’environ 20 %. À titre de comparaison, le tabagisme augmente le risque de cancer du poumon de 900 %. Une augmentation de 20 % est donc relativement faible et ne dit rien des individus puisqu’elle concerne l’ensemble de la population. D’après les calculs des scientifiques, si tout le monde s’en tenait à maximum 500 g de viande rouge et de charcuterie par semaine, il y aurait 10 à 20 % de cas de cancers colorectaux en moins. Pour notre pays, cela correspond à une diminution de 1200 diagnostics par an. Dans un article du Standaard, le professeur en nutrition Martijn Katan (Université d’Amsterdam) a nuancé les chiffres comme suit : « La chance que vous ne contractiez jamais de cancer colorectal est de 94 % avec de la viande et 95 % sans. »

Quelle viande et en quelle quantité ?

Les scientifiques distinguent trois sortes de viandes : la viande rouge, la viande blanche et la viande transformée.

La viande rouge est rouge avant que vous ne la prépariez : viande de boeuf, mouton, agneau, porc et autres espèces animales (gibier, kangourou…). La viande blanche provient de la volaille (poulet et dindonneau) et du poisson, selon certains. Une consommation élevée de viande blanche n’est pas un facteur de risque, cela a été prouvé. La viande transformée est la viande qui a subi l’une ou l’autre transformation avant d’être vendue : fumée, mélangée à des herbes ou des sauces… La charcuterie, le hachis, les fricadelles, la saucisse en sont des exemples.

Si vous mangez deux tartines de salami le matin, un sandwich au jambon à midi et un spaghetti bolognaise le soir, vous ingurgitez en un jour quelque 200 g de viande transformée, autrement dit presque la moitié de la quantité à ne pas dépasser par semaine, selon le Conseil supérieur de la santé. Introduisez de la variété au menu avec de la volaille, du poisson, des oeufs et des alternatives végétales.

* Le CIRC, créé par l’OMS, coordonne la recherche sur les causes du cancer et effectue à cet effet des études épidémiologiques et toxicologiques. La classification des substances cancérigènes en 4 catégories (de cancérogène avéré à probablement non cancérogène pour l’homme) fait référence dans le monde entier.

Valeur nutritive de la viande

La viande est une denrée alimentaire précieuse, à intégrer dans un régime alimentaire sain, en raison des protéines, des vitamines et des minéraux qu’elle contient. La viande peut certes contenir beaucoup de graisses saturées, sauf dans ses variantes maigres. Il n’est pas indispensable de manger de la viande, à condition de la remplacer par d’autres produits. Mais il n’y a pas non de plus de raison de la rayer du menu, si vous aimez en manger. La viande est donc bonne pour la santé, pour autant que vous la consommiez avec modération.

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