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La psychologie du nettoyage

Muriel Lefevre

Lorsqu’on s’attèle au ménage, nous le faisons principalement pour nous et non plus pour les autres. Parce qu’en réalité, quand c’est vraiment sale, cela ne se voit pas. Ou autrement dit, la crasse dangereuse est invisible. De quoi réviser ses standards sur la propreté.

Jusque dans les années 1960, chaque ménagère avait une mission dans la vie. Avoir un chez-soi propre et que cela se voit. Des normes sociales encadraient fermement ce qui était considéré comme une maison propre et présentable. Ces dernières décennies, celles-ci ont légèrement changé. Aujourd’hui, on nettoie principalement pour des raisons d’hygiène et non plus pour la galerie. Quoique.

Ce qui est propre n’est plus strictement normé et donc la propreté semble désormais laissée à l’appréciation personnelle. Du même coup, les habitudes de nettoyage peuvent varier fortement d’une personne à l’autre. Ce qui n’empêche pas, selon la sociologue Rineke van Daalen de l’Université d’Amsterdam interviewé par De Standaard, que nous exprimions toujours notre identité par la manière dont nous présentons notre maison au monde extérieur. C’est une question de déco, mais aussi de nettoyage de la maison. Certaines personnes ont une maison propre et rangée, avec seulement des choses modernes. Ce faisant, ils mettent l’accent sur un certain statut et un certain mode de vie. Mais même avec une maison un peu en désordre vous faites passer un message. À savoir qu’on est quelqu’un qui n’est pas intéressé que par l’ordre et la propreté.

La décence d’aujourd’hui, c’est d’être durable

Si au 17e siècle la « propreté » était associée à la décence plutôt qu’à la santé -et qu’une maison aux vitres étincelante était surtout le symbole d’une moralité sans tâche bien plus que d’une maison propre – le lien entre  » propre  » et  » décence  » existe toujours bien pour van Daalen. Bien que « décent » soit aujourd’hui principalement synonyme de « durable ». Exit donc le chlore et les lingettes.

Aujourd’hui, il existe une constante: on veut surtout avoir « l’impression » que cela est propre, pas que cela le soit forcément. Ainsi, la manière dont nous nettoyons notre maison n’a que peu à voir avec les règles d’hygiènes.

Selon le médecin-microbiologiste Dries Budding cela ne veut pas dire que l’on doit nettoyer plus, ce serait même le contraire. Bien que l’introduction d’une meilleure hygiène a considérablement augmenté notre espérance de vie, de nombreux médecins et microbiologistes pensent aujourd’hui qu’un excès peut aussi être préjudiciable. Ainsi, « nous transportons en moyenne un kilo et demi de bactéries avec nous », dit Budding toujours dans De Standaard.

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La plupart de celles-ci se trouvent dans nos intestins et sont indispensables à un bon fonctionnement de notre système immunitaire. L’éradication de certaines d’entre elles à cause d’une trop grande hygiène peut être à l’origine de l’apparition de pathologie comme la maladie de Crohn.

Ne pas confondre hygiène et propreté

Selon un rapport de la Royal Society for Public Health (RSPH), les microbes les plus nuisibles ne se cachent pas forcément aux endroits que l’on estime les plus sales. Il est donc important de ne pas confondre hygiène et propreté. Les deux ne sont pas forcément liées. Une bonne hygiène n’est pas nécessairement liée au nettoyage et à la propreté. Le nettoyage consiste à éliminer la saleté et les microbes et l’hygiène vise à briser la chaîne de l’infection. Comme virus et bactéries ne se voient pas, la saleté n’est pas forcément gage de gros risque infectieux, tout comme une surface immaculée ne garantit pas l’hygiène.

Malgré ce constat, on ne fait par contre jamais preuve de trop d’hygiène. Et avec des bactéries de plus en plus résistantes, la prévention joue un rôle de plus en plus crucial. Le danger microbien pour un individu vient de lui-même, des personnes qu’il rencontre et tout ce qu’elles ont touché.

Les 8 moments potentiellement dangereux pour l’hygiène

On doit être particulièrement vigilant lorsqu’on :

  • prépare et manipule des aliments
  • mange avec les doigts
  • manipule et lave le linge
  • s’occupe des animaux de compagnie
  • prend soin d’un membre de la famille atteint d’une infection
  • manipule et sort la poubelle

Mais aussi :

  • Après avoir été aux toilettes
  • Et lorsque les gens toussent, éternuent et se mouchent

Néanmoins, une bonne hygiène ne passe pas forcément par une désinfection à tout crin. Plutôt que de récurer à fond certains endroits, il est plus judicieux de se concentrer sur le nettoyage à des moments et lieux précis (même si ceux-ci ont l’air propres).

Le ménage comme développement personnel

Si beaucoup détestent faire le ménage, certains aiment ça et y trouvent même une certaine forme d’épanouissement. Et ce pour plusieurs raisons. Faire le ménage recèle en effet des plaisirs secrets qu’on aurait tort d’ignorer. Ainsi lors du ménage, tout le corps est sollicité. Or notre cerveau est conditionné pour affronter des efforts physiques importants, et ceux-ci seraient nécessaires à notre équilibre mental. Nettoyer libère des endorphines qui procurent apaisement et bien-être.

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Ensuite, cela aurait également un impact formidable sur le moral et leur routine laisse l’esprit s’évader. Le ménage en dit long sur celui qui le fait. Un excès est une « tentative de s’assurer que rien n’est désordonné du point de vue moral ». La tentation inverse est de « molester cet ordre moral, en laissant libre cours aux affects et aux pulsions inconscientes ». « Le ménage, selon les psys, met en jeu l’ordre des choses, sa place dans sa famille, les éventuelles confusions de rôles. »

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