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« La communication est beaucoup trop sous-estimée dans la relation soignant-patient »

Un soignant détient-il le pouvoir sur son patient, qui est souvent dans une position de dépendance ? Faut-il rééquilibrer la relation ?

« Les prestataires de soins de santé doivent non seulement fournir les meilleurs soins, mais aussi veiller à ce que leurs patients sentent qu’ils conservent le contrôle de leur vie « , déclare le Pr Edgard Eeckman, responsable de la communication à l’UZ Brussel et professeur (invité) d’autonomisation des patients à l’Université Erasmus.

Jusqu’à présent,  » l’empowerment (ou autonomisation) du patient  » reste un concept plutôt vague, dont chaque soignant a sa propre interprétation. Pour les uns, il implique que le patient doit rechercher activement des informations, tandis que pour d’autres, ce terme signifie que les patients décident de la manière dont ils veulent être traités. Les deux points de vue ne sont que partiellement corrects.  » L’autonomisation du patient ne signifie pas que le patient a systématiquement son mot à dire, encore moins qu’il a toujours raison, précise Edgard Eeckman. Elle signifie qu’un patient a le contrôle ou le sentiment de contrôler le processus de santé qu’il subit. Le soignant n’impose pas la prise en charge, mais la partage avec son patient. Pour cela, deux valeurs sont essentielles : le respect et la collaboration.  »

La communication est beaucoup trop sous-estimée dans la relation soignant-patient. Edgard Eeckman, responsable de la communication à l’UZ Brussel

Pouvoir contre devoir

Un professionnel de la santé possède en quelque sorte un ascendant sur ses patients car il détient les connaissances nécessaires pour orienter le traitement : les compétences scientifiques ou techniques (par exemple, il peut effectuer l’opération), le temps, l’empathie et même un pouvoir légal comme, par exemple, lorsqu’il peut décider ou non d’accorder un congé de maladie. Certes le patient peut être informé, mais il sera confronté à des limites.  » Un patient peut s’informer sur Internet, mais il ne sait généralement pas comment interpréter ces informations. La collecte d’informations n’est pas nécessairement synonyme d’acquisition de connaissances. Un patient reste dès lors dépendant de l’interprétation de son médecin.  »

D’autres facteurs peuvent renforcer, directement ou indirectement, la position de dépendance du patient.  » Par exemple, l’incompréhension face à une plainte : par exemple, ‘il y a du sang dans mon urine, que se passe-t-il ? ‘ ; l’impression d’avoir une maladie grave : ‘je sens que j’ai un cancer. J’espère que mon médecin pourra me guérir’ ; la perception d’un risque : ‘J’espère que ce scanner ne va pas m’envoyer de trop hautes doses de radiations’ ; ou encore la confiance : ‘Je dois faire confiance à mon chirurgien’…  »

Le charisme d’un médecin peut aussi impressionner ; il aura alors toute latitude pour prendre les décisions qui seront suivies à la lettre. Ce type d’éléments indirects renforcent la position de dépendance du patient. Néanmoins, celui-ci détient également un certain nombre d’atouts qui rendent le médecin dépendant : la connaissance qu’il a de lui-même et de ses réactions, la confiance qu’il accorde à son médecin, la réputation qu’il peut lui faire auprès de ses autres patients, le revenu qu’il lui procure…

Expliquer pour impliquer

Le rapport de force entre médecin et patient n’est pas souvent équilibré. Les prestataires de soins de santé qui veulent que leurs patients s’impliquent dans leur traitement doivent expliquer clairement ce qu’ils font et pourquoi ils le font.  » Imaginez que votre médecin vous prescrive un médicament sans expliquer son action et pourquoi il est important que vous le preniez. Pourquoi le prendriez-vous ? Pour qu’un patient accepter son traitement, ce qui confère une autonomie, il est essentiel qu’il en comprenne les effets bénéfiques et l’importance de le suivre correctement.  »

Mais ce n’est pas tout :  » Un médecin connaît souvent le meilleur traitement pour son patient, mais c’est ce dernier qui devra en supporter les effets secondaires ! Prenez le cas d’une femme atteinte d’un cancer du sein qui doit suivre une hormonothérapie pendant plusieurs années. Il faudra préalablement l’informer correctement de l’impact de ce traitement sur sa vie quotidienne, des effets secondaires possibles et du bénéfice qu’elle pourra tirer du traitement, afin de lui permettre de décider elle-même si elle le suivra ou non. Une explication claire sur les effets secondaires est déterminante sur l’adhésion au traitement. En cela, la communication est beaucoup trop sous-estimée dans la relation soignant-patient.  »

Mais comment renforcer cette relation ? Edgard Eeckman donne une piste :  » La manière dont les informations sont échangées entre le prestataire de soins de santé et le patient est cruciale. Et j’utilise bien le terme ‘échanger’, ce qui implique une discussion dans les deux sens : alors que le médecin peut apporter son savoir théorique, il doit aussi écouter ce que sait déjà le patient, connaître ses croyances, et lui donner les informations nécessaires pour lui permettre de maîtriser sa santé. Dans un tel échange, le médecin devra apporter l’argumentation adaptée à chaque patient : qu’est-ce qui est important pour lui ? Que veut-il ? Qu’est qu’il ne peut pas faire ? Qu’est-ce qui est réalisable ? Grâce à ce type de discussion, il doit ensuite être possible d’aboutir à une décision commune.  » Et comme la décision a été prise de concert, le patient se sentira plus impliqué et de là, plus enclin à suivre les recommandations de traitement. Il sera alors un patient plus autonome…

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