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L’avortement sous confinement : possible, mais plus compliqué

Mélanie Geelkens
Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

La plupart des hôpitaux et des centres de planning familial continuent à pratiquer les avortements, en cette période de quarantaine. Mais en privilégiant, tant que possible, les IVG médicamenteuses à domicile. Au détriment, parfois, du confort des femmes. Le personnel des centres, considéré comme non prioritaire, est quant à lui contraint de travailler sans protection adaptée.

Une grossesse non-désirée tombe toujours mal. Et encore plus en temps de quarantaine. L’avortement sous confinement reste toujours possible, mais devient plus compliqué.

Les hôpitaux, contraints de se réorganiser pour faire face à un afflux de patients atteints du Covid-19, ont annulé ou reporté des interventions considérées comme non-urgentes ou non-indispensables. Concernant les IVG, l’appréciation est laissée à chaque établissement. Erasme, à Bruxelles, n’en pratique par exemple plus que sous anesthésie générale. Les femmes souhaitant une anesthésie locale sont enjointes de se rendre dans un centre de planning familial, « pour minimiser le risque qu’elles soient en contact avec le coronavirus », explique Elise Dubuisson, responsable de la communication.

D’autres hôpitaux (CHU Ambroise Paré à Mons, La Citadelle à Liège, CHU Saint-Pierre à Bruxelles…) n’ont pas modifié leur prise en charge. « Nous continuons à considérer ça comme une urgence, détaille Yannick Manigart, chef de clinique gynécologie-obstétrique à Saint-Pierre. Comme, d’ailleurs, la pose de stérilets, pour celles qui souhaitent maintenir leur rendez-vous, étant donné que l’on peut s’attendre à une hausse des rapports sexuels. »

La difficulté, pour les hôpitaux, porte sur les salles de réveil, qui doivent être réservées prioritairement aux patients infectés par le coronavirus. Le CHU bruxellois essaie de favoriser, tant que possible, les avortements médicamenteux à la maison, pour les grossesses à maximum huit semaines d’aménorrhée (d’absence de règles). « Pour éviter au maximum les contacts, en amont, nous ne procédons plus qu’à une consultation au lieu de deux, auparavant. Au plus tôt cela peut se faire, au mieux c’est pour les patientes, poursuit le médecin. Le jour où l’expulsion est provoquée, nous donnons nos coordonnées pour qu’elles puissent être en contact, si besoin, avec nous-mêmes ou les infirmières sociales. »

Les centres de planning familial, de leur côté, ont certes dû adapter leurs activités, mais continuent tous à pratiquer des IVG. « Ainsi que les consultations urgentes, comme celles concernant la pilule du lendemain », précise Eloïse Malcourant, chargée de communication de la Fédération des centres de planning familial des Femmes prévoyantes socialistes.

Mais les conditions de travail des centres ne sont pas optimales : n’étant pas considérés comme prioritaires, ils manquent de matériel de protection. « Nous utilisons des masques en tissu, fabriqués par la population », décrit le docteur Isabelle Bomboir, administratrice du Gacehpa (Groupe d’action des centres extrahospitaliers pratiquant l’avortement).

Une situation qui angoisse une partie du personnel, qui craint pour sa propre santé et préfère dès lors ne pas venir travailler. Distanciation sociale oblige, il n’est plus possible que des accompagnantes puissent tenir les mains des patientes lors des interventions.

« Avant, nous essayions que nos centres soient des cocons pour les femmes, mais cela devient plus compliqué », épingle Isabelle Bomboir. Lorsque c’est envisageable, les plannings familiaux conseillent les IVG médicamenteuses, à domicile, mais continuent à pratiquer les avortements sous anesthésie, par « aspiration ».

Isabelle Bomboir ne remarque pour l’instant pas de diminution de la demande. Mais constate, par contre, certaines difficultés des femmes à se déplacer. « Surtout pour de jeunes filles, qui n’ont plus beaucoup d’occasions de prétexter une sortie. Cette situation limite la confidentialité. Nous avons aussi des cas d’épouses de maris violents, qui sont dans l’impossibilité de quitter leur domicile. »

Plus le confinement se prolonge, plus certains avortements risquent de devenir problématiques. Quid des patientes qui présenteraient des symptômes du Covid-19 ? Quid des femmes confinées qui n’auront pas réalisé leur grossesse endéans le délais légal (de douze semaines, la loi sur l’allongement à 18 semaines n’ayant toujours pas été voté) ou qui n’auront pas pu se déplacer plus tôt ? Quid du boom possible des demandes d’IVG après la quarantaine, celle-ci étant propice aux rapports sexuels non-protégés et aux violences conjugales ? « On est évidemment en train de réfléchir à tout ça, et il faudra sans doute régler chaque situation au cas par cas », conclut Isabelle Bomboir.

En Belgique, en 2017 (dernière année de statistiques disponibles), 17 257 avortements ont été effectués. Soit 1 438 par mois. 47 par jour.

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