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L’amour durable, un rêve accessible ?

Bien qu’un tiers à la moitié des mariages se soldent par un échec, l’amour durable reste l’objectif ultime.

Une relation amoureuse de longue durée, basée sur la confiance et le respect mutuel, est une denrée rare dans notre culture du prêt-à-jeter. Pourtant, c’est ce dont nous rêvons presque tous. Sur quoi repose un tel amour et à quelles conditions répond-il ? Le psychiatre Dirk De Wachter a des idées : « L’amour durable est rare. Nous vivons dans une culture du prêt-à-jeter dominée par la fugacité et la superficialité. Un nombre croissant de personnes souffre de dépression et de solitude et se précipite chez un thérapeute. Le psychiatre est en fait un ‘médecin du chagrin’. »

La contrainte du « J’aime ! »

Lors d’une fête de mariage, personne n’en doute : cet amour rime avec toujours. Pourtant, de un tiers à la moitié des relations amoureuses échouent. « Parce que les attentes sont trop élevées dans une culture médiatisée où tout est présenté, à tort, sous un angle romantique », estime Dirk De Wachter. L’amour façon Hollywood est du pseudo-amour, une illusion. Nous savons que le taux de divorces chez les couples de stars est incroyablement élevé, ce qui ne nous empêche pas de nous repaître de leurs extravagances dans les médias populaires. L’amour des couples people est souvent un chemin de croix mais nous préférons l’ignorer. Nous voulons faire comme eux : réussir. Et cela devient accessible. Tout le monde peut désormais se marier avec un homme riche. L’instabilité relationnelle se démocratise. Se séparer, entretenir plusieurs relations, choisir une partenaire plus jeune et plus belle, nous imitons les célébrités ! L’absurdité de la culture de la publicité et du cinéma est profondément ancrée en nous, selon Dirk De Wachter. Nous ne nous contentons plus de l’ordinaire. Tout le monde est tenté par l’impossible. Nous pensons que le bonheur est à portée de main et lisons avidement les nombreux conseils qui circulent. Nous sommes obligés d’être heureux !

Cette pression est grande, comme en témoigne la contrainte du « J’aime » sur Facebook. Mais ce n’est pas faisable car une vie heureuse en permanence, cela n’existe pas. « La quête d’un état de bonheur individuel constant ne peut que rendre malheureux car elle est vouée à l’échec », insiste Dirk De Wachter. Il plaide pour le contraire : nous devons apprendre à être un peu malheureux. Quand nous mettons la barre moins haut et que nous nous contentons de ce que nous offre la vie avec ses limites, nous sentons disparaître cette pression qui ne fait rien d’autre que nous rendre malheureux.

Le bon côté de la vie

La société de consommation a changé nos normes, prévient le psychiatre. Et du coup aussi notre vision de l’amour : « L’amour doit atteindre des sommets paradisiaques tous les jours. Une relation où s’installe la routine, le quotidien, devient plus difficile à digérer. » Nous préférons une culture du ‘wow’, faite de stimulations et de défis constants. « Or, c’est en relevant la pédale des gaz qu’on évitera l’embardée dans le virage. Apprendre à se satisfaire de la vie normale ordinaire, c’est un message ennuyeux que l’on ne veut pas entendre en général. Nous sommes continuellement en quête du ‘bright sight of life’. La plus grande épreuve pour l’amour durable, c’est la ‘normalité’ ; le quotidien n’a rien de palpitant, mais c’est là justement que l’amour vrai peut faire ses preuves. »

De plus en plus de gens rencontrent leur partenaire via internet, ce que regrette aussi Dirk De Wachter : « Nous nous montrons dans le monde virtuel sous notre meilleur jour. Nous nous présentons mutuellement une image de soi idéalisée, peu réaliste. Cela conduit souvent à des déceptions. » Avant l’ère du numérique, l’amour prenait parfois un tour inverse : du banal au sublime. Internet inverse le processus : d’une image idéale, nous évoluons vers l’image banale… et la chute peut être dure.

Spécialistes de la rencontre

Les spécialistes de la rencontre qui dressent le profil de votre partenaire idéal, au besoin avec des garanties statistiques, Dirk De Wachter n’y croit pas. Une agence de rencontre qui prétend vous trouver le partenaire parfait, en comparant les profils, c’est défendable sur le plan d’une liaison, mais sur le plan de l’amour, c’est absurde. « Il est impossible de faire des prévisions concernant l’amour. L’amour, cela marche ou cela ne marche pas. L’amour vous prend au dépourvu et est très difficile à appréhender. C’est ce qui le rend justement si mystérieux. »

Il émet les mêmes critiques à l’égard des théories de l’attachement qui prédisent vos chances de réussite dans une relation.  » La personne qui, enfant, a été gravement atteinte sur le plan de l’attachement est parfois parfaitement en mesure de s’engager dans une relation amoureuse. Alors que d’autres, issues d’un foyer prétendument chaleureux, en sont incapables. » L’amour, ce n’est pas seulement une affaire de cerveau et de psyché, c’est aussi une affaire de philosophie, de sagesse de vie. Les thérapeutes trouveront toujours quelque chose dans votre passé pour expliquer vos problèmes relationnels. Ils veulent cartographier le problème, mais une bonne part de l’amour échappe à ce besoin de quantifier.

L’amour n’est pas un verbe

Les partenaires ne pourront vivre ensemble que s’ils maintiennent une distance suffisante. Vouloir déterminer ou contrôler le partenaire est mortel. Cela montre que vous ne pouvez pas supporter l’autre comme  » différent ». « On ne connaît jamais l’être aimé, selon Dirk De Wachter. Les gens qui s’aiment ne cessent d’essayer de mieux se connaître. C’est ce désir qui fait perdurer l’amour. Dans l’amour, la communication est cruciale, non pas par le biais de SMS ou de Twitter, mais en mots et en silences. La parole nourrit l’amour… tout autant que le silence. Pour s’aimer l’un l’autre, nul besoin d’un talent d’orateur. Pas besoin non plus d’être particulièrement disert pour bien pouvoir communiquer dans l’amour. Jacasser sans discontinuer, c’est mortel. »

Votre amour est dans l’impasse ? Sachez que ces périodes plus difficiles font inévitablement partie de la vie et qu’elles résultent parfois de notre vie agitée. L’amour est mis en péril par le manque de temps. Pour aimer, nous devons nous distancier de cette agitation. « Un couple incapable de rester assis sans rien faire a peut-être un problème, conclut Dirk De Wachter. Les couples qui traversent des jours gris peuvent, sans rien se dire, s’asseoir sur un banc pour regarder ensemble le coucher de soleil. C’est une expérience très forte qui peut porter des fruits inattendus. »

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