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« Il est du devoir des parents de parler de sexe avec leurs enfants »

Sofie Mulders Journaliste Knack

Faire l’amour, envoyer des sextos, regarder du porno : les adolescents le font et leurs parents ne savent pas toujours comment y faire face. Mais il faut qu’ils en parlent.

Pour de nombreux parents, il est difficile de parler de sexualité à leurs enfants. Mais à présent que le sexe et l’Internet sont omniprésents, ils sont encore plus désemparés. Sarah Van Gysegem (44 ans) a écrit un livre dans lequel elle explique comment, pourquoi et quand il est préférable de parler de sexe avec les enfants et les adolescents.

« Je travaille pour le Gezinsbond (NDLR : l’équivalent flamand de la Ligue des familles) depuis dix-sept ans. Cette année, j’ai donné une cinquantaine de conférences sur les adolescents, la sexualité et les réseaux sociaux. Quand ces deux derniers se rencontrent, je constate que beaucoup de parents sont en pleine négation. Ils ne croient pas leur enfant capable d’envoyer une photo où il est dénudé ou de regarder du porno. C’est un réflexe logique : en tant que parent, vous ne voulez pas imaginer que votre enfant s’occupe de sexualité. Inversement non plus d’ailleurs. (rires) Mais si un adolescent du troisième degré sur cinq pratique le sexting, il y a de fortes chances que votre enfant le fasse aussi. »

Sarah Van Gysegem
Sarah Van Gysegem© Saskia Vanderstichele

Dans l’introduction de votre livre, vous demandez aux parents comment ils parlent à leurs enfants de sexualité : sans complexe et sans tabous, ou en bafouillant et en ayant honte. Est-ce que cela fait beaucoup de différence pour un enfant ?

Sarah Van Gysegem : Il est important de réaliser que tout être humain est un être sexuel. Les bébés, et les petits enfants recherchent déjà le contact, la peau et la chaleur. Ce besoin ne diminue pas chez les adolescents, bien au contraire. Et pourtant, il y a souvent de l’embarras quand on parle de sexe avec les enfants : ils gloussent, bredouillent, rougissent. Les enfants perçoivent très rapidement cette honte. Cependant, tous les experts s’accordent à dire qu’il est bon de ne pas en faire un tabou. Les études montrent que les adolescents informés passent à l’acte plus tard et de manière plus sûre que leurs congénères qui n’en parlent jamais à la maison.

Mais le sexe est-il toujours tabou ? Tout le monde semble parler constamment de sexe.

Nous sommes en effet inondés de sexe par les médias et internet. Mais les conversations entre un parent et un enfant sont souvent difficiles.

Récemment, une mère me racontait qu’elle fuyait à la cuisine quand une émission à caractère sexuel passait à la télévision. C’est exactement ce qu’il ne faut pas faire. Restez assis et parlez-en avec votre enfant. Même s’il est probable que votre enfant ait déjà trouvé des douzaines de positions sexuelles sur internet dont vous n’avez jamais entendu parler, la première fois l’inquiète autant qu’il y a trente ans. Il a besoin d’un parent. De quelqu’un d’expérimenté et de sage.

Vous dites très clairement aux parents: il est de votre devoir de parler de sexe à votre enfant.

Je pense que oui. On ne peut pas éviter cette partie de l’éducation. Moi-même, je n’ai jamais pu parler à mes parents de sexe et de relations. Ce n’était pas dans l’air du temps, et je ne les en blâme absolument pas. Mais en quelques décennies, Internet et les réseaux sociaux ont beaucoup changé. Et maintenant que nous connaissons les conséquences de rendre la sexualité taboue, je pense que les parents devraient assumer cette responsabilité.

Mais je comprends que c’est difficile. Je ne peux le faire que parce que j’ai lu tant de livres dans le cadre de mon travail et que j’ai parlé à des experts. Quand mon fils avait six ans, il m’a lancé: « J’ai entendu dire que toi et papa aviez eu des rapports sexuels. » Si j’avais sorti une phrase de ce genre à mes parents, ils auraient tout de suite commencé à parler de la météo. J’ai dit à mon fils : « Oui, c’est vrai, on a couché ensemble. Qu’est-ce que tu voulais me demander à ce sujet ? »

La sexualité peut-elle aussi rester dans la sphère privée ?

Bien sûr que oui. Ce n’est pas parce que mon enfant a appris que j’ai eu des relations sexuelles que je dois lui expliquer ce que je préfère que son père me fasse. (rires) Les enfants ne veulent pas entendre ça, et vous ne voulez pas leur raconter.

Le sexe est amusant aussi, dites-vous, et c’est pourquoi il n’est pas si incompréhensible que les adolescents envoient des photos à leur amoureux.

C’est excitant, à condition de ne pas en abuser. En tant que parents, nous avons plutôt le réflexe de signaler les dangers à nos enfants, surtout à nos filles. Pourtant, il ne faut pas oublier de leur dire d’en profiter.

La sexologue Goedele Liekens déclarait récemment que le porno a un effet néfaste sur les jeunes. Selon elle, certains garçons pensent que le sexe se termine toujours par l’éjaculation sur le visage de la fille. Qu’en pensez-vous ?

Selon les conclusions de Sensoa, Child Focus et le centre de connaissances Pimento, il ne faut pas être pessimiste. Apparemment, les jeunes peuvent faire la différence entre le porno fictif et la vie réelle. Mais ce qui est une conséquence de la pornographie – et de la sexualisation de la société en général – c’est l’incertitude croissante que les jeunes ont de leur corps. Les seins ronds et gonflés, et les tablettes de chocolat sont presque devenus la norme.

Pour beaucoup de jeunes, le monde en ligne et le monde réel se mélangent constamment, mais connaissent-ils la différence entre le porno en ligne et le vrai sexe ?

Oui, parce qu’ils ont aussi des modèles dans la vie réelle. Leurs parents, par exemple, qui n’ont pas nécessairement de tablettes de chocolat ou un corps parfaitement épilé et qui ont des rapports sexuels. (rires)

Un jeune qui se développe de façon moyenne et reste en contact avec la réalité peut vraiment faire la différence. Pour les adolescents qui se ferment au monde et concentrent leur vie presque exclusivement sur les réseaux sociaux, ce sera néanmoins un problème.

Vos enfants auront quand même des relations sexuelles, dites-vous aux parents, que vous le vouliez ou non. C’est donc une bonne idée de mettre une boîte de préservatifs dans la salle de bains.

À condition de ne pas compter les préservatifs tous les jours et de devenir fou s’il en manque un. (rires) Tous les experts recommandent de faire en sorte que votre adolescent le fasse en toute sécurité. Beaucoup de parents pensent que c’est aller trop loin : il ne faut pas tenter le diable. Pourtant, les préservatifs dans la maison n’affecteront pas le développement sexuel de votre enfant. Entre le premier baiser et les premiers rapports sexuels avec pénétration, il y a quatre ans en moyenne. La plupart des enfants ne passent à l’étape suivante que lorsqu’ils sont prêts. Et quand mon enfant est prêt, je préfère qu’il le fasse à la maison plutôt que de manière non protégée dans une voiture ou une forêt sombre.

Il n’est pas juste d’éviter de parler à ses enfants des réseaux sociaux, de l’alcool, des drogues ou de la sexualité, et se mettre en colère quand quelque chose tourne mal. Vous devez les informer. Et dites aussi : si quelque chose tourne mal, je ne me fâcherai pas, mais j’écouterai ton histoire et je te donnerai des conseils.

Bref, en tant que parent, vous devez parler beaucoup de sexe avec votre enfant, ne jamais vous fâcher et ne rien interdire.

(Réfléchit) Oui, mais, il faut évidemment fixer des limites. Il y a quelque temps, j’ai entendu dire que mon fils aîné voyait régulièrement des photos d’anciennes petites amies dénudées de ses amis sur Messenger. Des filles qu’il rencontre parfois en ville. Pense aux torts que cela peut causer à ces jeunes filles, lui ai-je dit. Je lui ai également dit que s’il recevait une photo qui ne lui est pas destinée et qu’il la transférait, non seulement il est punissable depuis 2016, mais il est aussi responsable de ce quelqu’un sera très mal dans sa peau.

Finalement, il a dit à ses amis d’arrêter. Il a eu du mal, mais il l’a fait. Personne d’autre de ses amis n’en avait parlé à la maison, m’a-t-il dit après coup.

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