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« Guérison » du sida : « Il faut rester très prudent »

Le Vif

Une semaine après la « guérison » d’un bébé séropositif aux Etats-Unis, une équipe de virologues français a annoncé avoir réussi cette prouesse sur 14 adultes. Décryptage avec Olivier Schwartz, directeur départemental de virologie de l’Institut Pasteur à Paris.

Une semaine après l’annonce de guérison « fonctionnelle » d’un enfant atteint du sida aux Etats-Unis, une équipe de virologues français a annoncé la « guérison » de 14 patients séropositifs. Ces derniers, mis rapidement sous antirétroviraux (dix semaines après l’infection), continuent sept ans et demi après avoir cessé de prendre ces médicaments de contenir naturellement leur infection. Dans les deux cas, le virus n’a pas été totalement éradiqué mais sa présence est tellement faible que le système immunitaire de l’organisme peut le contrôler sans thérapie anti-virale. Décryptage avec Olivier Schwartz, directeur départemental de virologie de l’Institut Pasteur à Paris.

Pouvez-vous nous expliquer ce phénomène?
Cet événement médical n’est pas nécessairement étonnant, et il s’explique. Les patients ont été soumis au traitement classique contre le virus du sida. Il s’agit d’un cocktail de médicaments antirétroviraux qui bloquent les enzymes du virus et ainsi la multiplication virale dans l’organisme.

Ce traitement est efficace, mais il reste toujours ce que nous appelons un « réservoir viral ». Autrement dit: pendant toute la durée du traitement, une faible fraction du virus reste « endormi ». Il est présent dans l’organisme et n’est pas sensible aux médicaments, qui agissent uniquement sur les virus « eveillés » qui se multiplient. Ce réservoir est susceptible de se réactiver lorsque le patient arrête ses médicaments. Or, cela n’a pas été le cas pour le nouveau-né. Le virus pour l’instant ne s’est pas reveillé à l’arrêt du traitement antirétroviral. Il semble que la quantité du virus soit tellement faible que le système immunitaire de son organisme parvient à le contrôler sans traitement antirétroviral.

La « guérison » des quatorze adultes et celle du nourrisson américain sont-ils identiques?

Il s’agit effectivement de cas similaires. Cette rémission réside-t-elle dans le fait qu’ils aient tous été traités au maximum dix semaines après leur infection? Dans les deux cas, cela laisse à penser que plus les patients sont mis rapidement sous antirétroviraux, plus ils ont de chance de contrôler le virus.

La guérison des adultes est très prometteuse car ils ont été traités dans les 10 semaines et non pas dès leur infection. De plus, ce n’est pas seulement six mois après avoir cessé de prendre leurs médicaments qu’ils contiennent naturellement le virus, mais sept ans et demi plus tard. En revanche, ces patients « contrôleurs » sont rarissimes. La suppression de la charge virale du VIH sans traitement chez les adultes infectés, est observée dans moins de 0,5% des cas. En d’autres termes, il faut continuer à prendre les traitements antirétroviraux!

Ces découvertes sont-elles prometteuses?
Potentiellement, oui, mais il faut rester très prudent sur cette question. En effet, on ne sait pas encore si c’est le traitement précoce qui a permis ce phénomène, ou si les patients auraient réagi de la même façon avec un traitement administré plus tardivement. De plus, rien ne permet d’affirmer qu’ils sont totalement guéris. Comme décrit précédemment, il n’est pas impossible qu’un jour le virus se « réveille ».

Oriane Dieulot

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