"Les gadgets du sommeil", sur smartphone ou sous forme d'objet connecté, ne profitent pas toujours à la qualité de notre sommeil. © Istock

Gadgets pour trouver le sommeil: efficacité prouvée ou vaste arnaque ?

Stagiaire Le Vif

Vous avez des difficultés à trouver le sommeil ? Les nouvelles technologies se vantent de pouvoir y remédier. Analyseur de ronflements, simulateur de crépuscule, voire comptage de moutons en ligne, les objets connectés et autres applis séduisent les consommateurs de plus en plus stressés à l’heure du coucher. Mais gare à leur utilité limitée, préviennent les spécialistes.

Deux heures. C’est le temps de sommeil moyen qu’un jeune adulte a perdu en l’espace d’un siècle. Toute considération statistique mise à part, la plupart des spécialistes s’accordent sur un fait indéniable ; nous dormons de moins en moins. Une diminution du repos nocturne dont les prémisses remontent à loin. « Les premiers troublent du sommeil datent en réalité de l’invention de l’électricité, raconte le Dr. Albert Lachman, Chef de département de Médecine du sommeil et de l’éveil aux Cliniques de l’Europe (Bruxelles). A cause d’elle, l’homme a commencé à prolonger ses activités diurnes pendant la nuit. Cela a commencé par le travail puis les activités de divertissement, en empiétant toujours plus sur son temps de détente. »

On a tendance à l’oublier, mais le sommeil est l’une des vertus les plus importantes à la base de notre fonctionnement, comme le rappelle le Dr. Lachman : « Le sommeil nous prend environ 1/3 de notre vie. Les huit heures que nous dormons en moyenne sont responsables de centaines de fonctions, à la fois sur le plan physique et psychologique. Le repos accordé à nos muscles, comme à notre mémoire et à nos autres capacités intellectuelles, est primordial dans l’entretien de notre personnalité. »

Trop-plein de connexion

La fatigue mise à part, le manque de sommeil prolongé se traduit par une série de symptômes comme, par exemple, l’augmentation de l’anxiété, le trouble des sens, voire la dépression. C’est ce que le professeur Lachman attribue à notre peur perpétuelle de la déconnexion. « On me demande souvent ; ‘de combien d’heures ai-je besoin par nuit ?’, confie-t-il. Je trouve que cette question illustre bien la tendance de notre époque qui veut qu’on dorme le moins possible pour être plus fonctionnel. Or, c’est là le noeud du problème ; on ne se déconnecte plus assez, au moment de dormir, d’avec le monde et la réalité extérieurs. »

Plus assez de sommeil, parce que trop connecté ? Le phénomène a pris une nouvelle tournure avec le développement massif des technologies de communication et l’accès quasi permanent à l’information. Au point qu’aujourd’hui, ils sont toujours plus nombreux à user du sacrosaint smartphone jusque sur l’oreiller. « Je pense que les technologies actuelles sont très péjoratives sur la qualité du sommeil, déplore le Dr. Lachman. Dans notre laboratoire, nous réalisons encore des tests de sommeil et l’on constate que plus aucune personne aujourd’hui ne s’endort spontanément sans un ordinateur, une tablette ou un GSM. » Ce contact prolongé avec un écran a un double effet néfaste. Non seulement l’attention de la personne est sollicitée encore plus longtemps que d’habitude, mais aussi la luminosité de l’écran, à moins d’être en partie atténuée, perturbe le comportement du cerveau qui retombe en mode journée. De quoi réduire drastiquement la zone tampon nécessaire entre l’état d’activité du jour et l’état de sommeil qui, selon les spécialistes, devrait être de minimum une heure avant de sombrer dans les songes.

Quelles solutions ?

De la voix de spécialiste ; exit les écrans et leur excitation au profit d’une activité plus apaisante, comme un jeu ou la lecture d’un livre. De la voix de citoyen, on optera davantage pour, paradoxalement, la technologie. Plutôt que de faire appel à des médecins ou conseillers, ils sont de plus en plus nombreux à s’en remettre aux gadgets du sommeil, qui séduisent par leur utilisation facile doublée d’une image très high-tech propre à notre société de consommation. « Etant encore aux études, j’ai parfois du mal à trouver le sommeil, témoigne Margot, 26 ans, étudiante en communication à Bruxelles. Je me sens stressée, je pense beaucoup à la journée du lendemain. J’ai déjà essayé plusieurs techniques, comme les somnifères ou la marche nocturne, mais ce qui fonctionne le mieux, ce sont les applis de smartphone. » Ainsi, Counting Sheep permet de compter les moutons de manière « tellement lente qu’au bout de quelques minutes, les yeux se ferment d’eux-mêmes », ou Deep Calm , créée pour diffuser dans la pièce une ambiance sereine teintée de musique et de sons, le tout programmable grâce à une banque de données.

Certaines applications offrent même une approche plus analytique de notre sommeil, à l’image des objets connectés. Justine, 24 ans, travaille au Luxembourg et porte en permanence un bracelet Fitbit, relié par Bluetooth à son téléphone ; « c’est un outil assez pratique qui analyse l’état de ton sommeil et t’envoie les données sur ton smartphone, explique-t-elle. Grâce à lui, je peux facilement connaitre le temps que je mets pour m’endormir, le nombre de fois où je me réveille, mon rythme respiratoire, etc. En fonction de ce qu’il sait, ‘Fitbit’ te propose des objectifs à atteindre pour corriger tes troubles. Je pense qu’à moyen terme, savoir ce genre d’info te permet de mieux préparer tes nuits. D’ailleurs, je dors mieux depuis que je l’ai. » (Fourchette de prix : de 25 à 50 €).

Gadgets pour trouver le sommeil: efficacité prouvée ou vaste arnaque ?
© Beddit Smart

Dans le même genre d’objet analytique, citons Beddit Smart, une ceinture à capteurs, placée entre le matelas et les draps du patient, qui décortique votre sommeil en distinguant les phases de ronflement, d’apnée, les mouvements ou le rythme respiratoire. Une quantité d’informations stockée ensuite sous forme de graphiques et disponible au réveil sur l’écran du GSM (coût de base : 150 €).

Gadgets pour trouver le sommeil: efficacité prouvée ou vaste arnaque ?
© Withings Smart

Enfin, des objets comme Withings Aura (189,95 €), pour le réveil, ou Dodow (50 €), pour l’endormissement, sont conçus pour plonger la personne dans un état zen en diffusant un halo de lumière bleutée dans la chambre.

Nous avons testé Dodow, « l’outil qui réveille le sommeil »

Une efficacité limitée

Si ces nouvelles trouvailles rencontrent souvent leur public, les avis sont plus nuancés pour le corps médical, qui ne voit pas d’un très bon oeil la sur-utilisation de la technologie en pareilles circonstances. « L’apparition de ces gadgets n’aide en rien à améliorer l’état de trouble, confirme Albert Lachman. Par exemple, les réveils qui projettent des halos de lumière au plafond sont tout sauf bénéfiques et représentent cette peur que l’on a d’être déconnecté. Or, la nuit est un temps pour la déconnexion, afin de se ressourcer en vue de la journée du lendemain. Selon moi, ce n’est pas le meilleur des cadeaux d’anniversaire. »

Autant donc réfléchir à deux fois avant d’investir, parfois lourdement, dans un gadget multifonction aux effets pas toujours garantis à plus long terme. Le sommeil reste en effet l’affaire de chacun et dépend d’une infinité de paramètres que, parfois, la technologie ne peut complètement maitriser. Un premier pas vers moins de stress et un sommeil plus réparateur s’apparente donc à moins de technologie, et moins d’écrans, une fois glissés sous la couette. Déjà bombardés au quotidien d’images et de sons agressifs, nos sens corporels ont plus que jamais besoin d’un temps mort une fois la nuit venue. De là à bouleverser du jour au lendemain nos nouvelles habitudes, c’est une autre histoire.

Guillaume Alvarez

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