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Epilation par lumière pulsée en institut, un projet qui hérisse les « dermatos »

Le Vif

Les esthéticiennes seront bientôt officiellement autorisées à pratiquer l’épilation par lumière pulsée, une décision dénoncée par les dermatologues qui jugent que l’utilisation de ces appareils par des non-médecins fait courir des risques aux patients.

« Il ne faut pas laisser des actes médicaux entre les mains de personnes qui ne sont pas formées pour ça », a déclaré à l’AFP Luc Sulimovic, président du Syndicat national des dermatologues-vénéréologues (SNDV).

Jusqu’ici, la pratique de l’épilation était encadrée par un arrêté de 1962 qui l’inclut parmi les actes qui « ne peuvent être pratiqués que par les docteurs en médecine », à l’exception des « épilations à la pince ou à la cire ».

En réalité, depuis une dizaine d’années, de nombreux centres de beauté ont développé une offre d’épilation à la lumière pulsée, méthode censée freiner la repousse du poil à moyen, voire long terme.

Selon un projet d’arrêté consulté par l’AFP, prévu pour entrer en vigueur le 1er juillet, le ministère de la Santé s’apprête à ajouter la « lumière pulsée intense » aux techniques d’épilation autorisées hors des cabinets médicaux.

Les professionnels utilisant cette technologie devront disposer d’une « attestation de compétence », valable cinq ans, délivrée à l’issue d’une formation portant notamment sur les « effets biologiques » et les « risques sanitaires » liés aux rayonnements émis par ces appareils, précise le projet de décret accompagnant l’arrêté.

Le programme et la durée de cette formation, qui seront précisés dans un autre arrêté, « varient selon le niveau de formation initiale des professionnels » concernés, infirmiers, esthéticiens ou professionnels paramédicaux exerçant sous l’autorité d’un médecin, souligne le texte.

L’épilation par lumière pulsée, ou lampes flash, consiste à envoyer un faisceau concentré de lumière dont la chaleur détruit le bulbe du poil afin de le faire tomber.

Les appareils utilisés professionnellement diffèrent de ceux vendus au grand public, dont la puissance est limitée à un niveau beaucoup plus faible.

Ils se distinguent aussi de l’épilation au laser, qui envoie une lumière sur une seule longueur d’ondes et est pratiquée uniquement par les dermatologues.

– « Exercice illégal de la médecine » –

Le SNDV attaque régulièrement en justice les instituts pratiquant l’épilation par lumière pulsée, y voyant un « exercice illégal de la médecine ». Plusieurs condamnations ont été prononcées entre 2009 et 2016.

Alors que le ministère de la Santé veut désormais légaliser cette pratique, le syndicat s’insurge: « Les technologies fondées sur la lumière, qu’elles soient utilisées à des fins médicales ou esthétiques, ont des actions thérapeutiques en profondeur sur les cellules et les tissus », plaide-t-il.

« A ce titre, un diagnostic doit être posé avant toute utilisation d’un appareil à rayonnement optique et doit rester dans un cadre médical », ajoute le SNDV.

Selon le Dr Sulimovic, l’utilisation de cette technique en institut représente un risque de « retard de diagnostic », car un oeil « non médecin » ne sera pas à même de déceler un mélanome ou une hyperpilosité liée à une maladie endocrinienne.

Il souligne également « les contradictions » du texte que le ministère leur a soumis pour avis, puisque les professions paramédicales ne pourraient utiliser le dispositif que sous la supervision d’un médecin, en dépit de leur « formation médicale substantielle », ce qui n’est pas le cas des esthéticiennes.

Sollicitée par l’AFP, la co-présidente de la Confédération nationale artisanale des instituts de beauté (CNAIB) Michèle Lamoureux a dit ne pas souhaiter commenter « un décret qui n’est qu’un projet », soulignant que plusieurs projets de ce type ces dernières années n’ont finalement « pas abouti ».

Elle a toutefois réfuté l’argument des dermatologues sur la formation insuffisante des esthéticiennes, soulignant que lors des différentes consultations sur le sujet au ministère de la Santé, la CNAIB avait proposé que les esthéticiennes habilitées à manipuler la lumière pulsée disposent d’une spécialisation du niveau du bac professionnel, soit une année d’études en plus du CAP esthétique.

Elle estime par ailleurs que la position des dermatologues est davantage motivée par « une question économique » que par un souci de santé publique, ce que dément le SNDV.

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