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Ebola : l’épidémie de la peur

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

En Afrique de l’Ouest, le nombre de victimes du virus Ebola ne cesse d’augmenter. Aux États-Unis et en Europe, où les premiers cas de contagion ont fait leur apparition, la peur se répand plus vite que le virus.

Il s’agit de la pire épidémie d’Ebola de l’histoire. À ce jour, la fièvre hémorragique a fait 3.439 morts en Afrique de l’Ouest sur 7.478 cas, selon l’OMS. La maladie se répand rapidement, mais moins que la peur qui contamine la population occidentale.

La semaine dernière, un premier cas de contagion a fait son apparition aux États-Unis. L’homme contaminé venait du Libéria. Ce patient, le premier à avoir été diagnostiqué hors d’Afrique, est décédé mercredi à Dallas où il était soigné. La Maison-Blanche a annoncé, peu après, la mise en place de contrôles renforcés dans cinq aéroports des États-Unis: JFK (New York), Newark (New Jersey), Dulles (Washington), et les aéroports internationaux d’Atlanta et de Chicago. Après tout, c’est une étude américaine qui a prédit que la contagion arriverait inévitablement en Occident via les voies aériennes d’ici quelques semaines.

En Espagne, une aide-soignante a été contaminée alors qu’elle s’était occupée de deux religieux espagnols contaminés par le virus en Afrique et décédés respectivement le 12 août et le 25 septembre. Depuis, sept personnes ont été placées en isolement à Madrid. Par la suite, de nombreuses personnes ont manifesté, réclamant la démission de ministre de la Santé espagnol pour manque de prévoyance.

Partout en Occident, les autorités affirment qu’elles sont prêtes à faire face au virus si un cas se présente. À moins d’entrer en contact direct avec les fluides d’un malade, il n’y a aucun risque d’attraper Ebola. Pourtant, la peur se repend plus vite que le virus au sein de la population. Comme le soulignait il y a quelques jours The Washington Post, relayé par le Courrier International, « c’est une épidémie à la fois biologique et psychologique, et la peur peut se répandre encore plus vite que le virus ».

Pourquoi Ebola nous fait-il si peur ? Les médias ne seraient pas étrangers au problème. Il suffit de constater l’ampleur de la couverture médiatique de l’épidémie à travers le monde. Le Courrier International cite l’exemple d’un célèbre médecin américain, le Dr OZ, qui a affirmé que l’épidémie risquait de bouleverser le monde, profitant de l’occasion pour agiter le spectre d’une mutation du virus qui lui permettrait d’être transmissible dans l’air, comme une simple grippe. Or, cette théorie, si elle est possible, est très peu probable, selon de nombreux spécialistes.

Si Ebola nous fait si peur, c’est également parce qu’il nous procure une impression de déjà-vu. L’épidémie qui sévit actuellement nous fait penser à un scénario de film catastrophe : mise en quarantaine, renforcement des contrôles dans les aéroports, symptômes terrifiants…

Il s’agit donc aussi de cela : mourir d’Ebola fait peur. On entend parler de liquéfaction des organes, d’yeux qui saignent et de douleurs atroces. En cas de pneumonie pourtant, « entendre dire que quelqu’un a les poumons emplis de fluide, ça ne nous fait pas peur », constate Priscilla Wald, auteur de Contagion : cultures et vecteurs au temps des épidémies.

Autre élément effrayant, le malade atteint d’Ebola est immédiatement isolé de ses proches et se retrouve condamné à mourir seul et loin des siens, s’il succombe à la maladie. Inversement, les parents et les proches du malade sont privés de tout contact avec lui et, impuissants, sont contraints de le voir souffrir.

Ebola aurait donc réveillé nos peurs collectives et les archétypes d’une mort atrocement douloureuse, comme dans nos pires cauchemars ou les meilleurs films de sciences fiction. Et l’imagination fait le reste…

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