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Des articulations douloureuses et gonflées ? C’est peut-être la goutte

Le Vif

Moyennant un bon traitement, une alimentation adaptée et un mode de vie sain, les personnes qui souffrent de la goutte peuvent éviter définitivement la survenue de nouvelles crises.

En Belgique, on estime qu’environ 40.000 personnes souffrent de la goutte ; 2 à 2,5 % des hommes et 0,6 à 1 % des femmes y seront confrontés à un moment ou l’autre de leur vie. La bonne nouvelle, c’est que si la goutte est la plus douloureuse des inflammations articulaires, c’est aussi celle qui se soigne le mieux… au point qu’un patient correctement traité peut parfaitement passer le reste de sa vie sans la moindre crise. « Malheureusement, plus de la moitié des malades ne sont pas traités de manière optimale, voire pas du tout, en Belgique et dans les autres pays d’Europe », déplore le rhumatologue Johan Waes, rhumatologue président fondateur de la ligue flamande des rhumatismes qui a rédigé des recommandations claires à l’usage des patients et de ceux qui les soignent. Mais pourquoi ? Et que peuvent faire les patients eux-mêmes pour remédier à cette situation ?

Cristaux d’urate

Un traitement adéquat n’est évidemment possible qu’à condition d’avoir d’abord posé le juste diagnostic. « Des articulations douloureuses, rouges, gonflées et chaudes au toucher peuvent survenir en cas de goutte mais aussi dans d’autres maladies, voire chez des sujets en bonne santé, explique Johan Waes. La signature spécifique de la goutte, c’est la présence de cristaux d’urate dans le liquide synovial des articulations. Il n’est toutefois pas toujours évident de réaliser une ponction dans une petite articulation, sans compter que l’identification des cristaux au microscope demande également une certaine expérience. En cas de doute quant au diagnostic, il est donc toujours utile de demander l’avis d’un rhumatologue. »

Mais quelle est l’origine de ces cristaux d’urate ? « Notre matériel cellulaire est renouvelé en permanence, poursuit Johan Waes. Sa destruction produit des purines qui seront dégradées en acide urique, qui aboutira à son tour dans le sang et le liquide articulaire principalement sous la forme d’un sel, l’urate. Sous l’effet d’une combinaison de facteurs génétiques et alimentaires, d’habitudes de vie et de troubles métaboliques, l’urate atteint parfois des concentrations telles qu’il ne peut plus rester entièrement dissous. L’excédent se déposera alors dans le liquide synovial sous la forme de cristaux, déclenchant une réaction inflammatoire extrêmement douloureuse : c’est la fameuse crise de goutte. »

En moyenne, les hommes présentent leur première crise entre 35 et 40 ans. Les femmes restent généralement épargnées jusqu’après la ménopause. Typiquement, la maladie touche préférentiellement les pieds mais aussi les chevilles, les genoux, les poignets et les mains. En l’absence d’un traitement adéquat, le patient pourra développer au fil du temps des nodules caractéristiques et les crises se feront de plus en plus fréquentes et de plus en plus violentes. Ceci débouche in fine sur de graves malformations assorties d’une perte de fonction des articulations. Les patients goutteux présentent également un risque accru de souffrir d’une fonction rénale réduite, de calculs et de troubles érectiles.

Manque de compliance

Après une première crise de goutte, adapter l’alimentation et le mode de vie pourra contribuer à prévenir les nouvelles exacerbations ou à tout le moins à en limiter le nombre. « Plus le patient est lourd, plus il fabriquera de produits de dégradation et donc d’acide urique. Une première mesure importante est donc de se débarrasser des kilos superflus, souligne Johan Waes. Attention aussi à l’alcool, car des boissons qui contiennent de fortes concentrations de purines, comme la bière, augmentent le risque de crise de goutte. En outre, l’excrétion de l’acide urique tend à se ralentir chez les gros buveurs. »

D’autres mesures que le patient peut prendre lui-même ? « Limitez votre consommation d’abats, de gibier et de fruits de mer, très riches en purines, mais n’attendez pas monts et merveilles de ce régime : 10 à 15 % seulement des purines présentes dans l’organisme proviennent de notre alimentation. »

La majorité des patients devront également prendre leur vie durant des médicaments destinés à abaisser le taux d’acide urique, qui ont (généralement) pour effet soit de freiner sa production, soit d’accroître son excrétion. « Très efficaces, ces médicaments sont en mesure de faire disparaître définitivement les crises chez n’importe quel patient. Pourtant, un quart seulement des goutteux bénéficient d’un traitement optimal, vraisemblablement à cause de tous les problèmes susceptibles de survenir lors de l’introduction des médicaments. Un traitement par inhibiteurs de l’acide urique doit notamment être débuté à des doses très faibles qui seront augmentées de façon extrêmement progressive sur une période d’au moins trois mois, car une diminution trop rapide du taux d’acide urique peut en effet déjà suffire à déclencher une crise. En attendant d’atteindre la dose optimale, le patient devra également prendre des médicaments pour prévenir la survenue de nouvelles flambées pendant au moins les trois mois qui suivent le dernier épisode ; par exemple de la colchicine, une substance active tirée du colchique. Si ces règles ne sont pas strictement suivies, le patient risque de souffrir au cours des premiers mois de crises plus fréquentes et plus violentes qu’avant le début du traitement. Cet état de fait explique probablement pour une très large part que certains décrochent prématurément… »

Une autre raison qui explique la mauvaise compliance des patients goutteux est que, à partir du moment où les crises ont disparu, la maladie ne se remarque plus du tout. « Certains oublient alors de temps en temps de prendre leur pilule quotidienne ou interrompent purement et simplement le traitement, ce qui se solde inévitablement par une rechute. Les patients relativement jeunes et les hommes, en particulier, semblent moins bien se tenir à leur traitement que les femmes et les personnes âgées. »

Signal d’alarme

De nombreux sujets goutteux présentent également des problèmes de surpoids, d’hypertension, de diabète ou hypercholestérolémie. Ces troubles du métabolisme sont regroupés sous le terme de « syndrome métabolique ». Trois quarts des patients en présentent un ou plusieurs signes, ce qui non seulement aggrave leur goutte mais accroît aussi leur risque de maladies cardiovasculaires. « Ces dernières peuvent être mortelles, souligne Johan Waes. À l’heure actuelle, plus de la moitié des patients goutteux meurent d’un infarctus cardiaque ou cérébral ou d’une hémorragie cérébrale. Lorsqu’est posé un diagnostic de goutte, il convient donc également de dépister et de traiter les signes d’un éventuel syndrome métabolique. C’est ce qui explique que la plupart des personnes qui souffrent de goutte doivent également prendre d’autres médicaments et suivre des recommandations concernant leur mode de vie et leur alimentation. »

Par exemple ? « Limitez votre consommation de sucres rapides raffinés et de graisses saturées, principalement d’origine animale, mangez abondance de fruits, légumes et céréales et bougez beaucoup. Bref, des conseils qui bénéficient à tout un chacun… mais tout particulièrement aux personnes qui présentent des signes du redoutable syndrome métabolique ! »

La goutte et l’alcool

– La bière (même sans alcool !)

1 verre suffit à multiplier par deux le risque de crise

– Alcools forts

1 unité accroît le risque de crise de 25 %

– Vin rouge

* 1 verre abaisse le risque de crise de 20 %

* 2 verres n’ont pas d’effet sur le risque

* 3 verres augmentent le risque de crise de 20 %

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