Thierry Fiorilli

Coronalove| « Les voisins »: « Cloîtrés. Encerclés. Eh bien, on en a découvert, des choses »

Thierry Fiorilli Journaliste

S’aimer au temps d’un virus chinois. Episode 8 : les voisins.

On ne sait pas tout. Que pense celui du dessous (avec sa musique trop fort) ou celle d’en haut (qui garde tout le temps ses talons) ? Qu’on est des gens comme il faut ? Que nos peupliers, avec toutes ces feuilles, quelle plaie ? Que les gamins disent bien bonjour dans l’ascenseur ? Qu’on range la voiture trop près de leur garage ? Qu’un barbecue, ce n’est pas pour brûler des branches pendant des heures ? On ne sait pas. On ne connaît même pas leur nom. Le gars de la camionnette avec ses tuyaux sur le toit. La femme qui hurle sur ses gosses (ou sur son mari ? ). Celui qui ne sort jamais ses poubelles le bon jour. Ceux chez qui c’est plus un balcon mais un recyparc. Ceux au jardinet Dame Tartine. A quoi ils ressemblent ? Beuh. Nous, être à la maison = avoir la paix. Degré d’intégration au quartier, donc : moyen. Et puis paf : cloîtrés. Encerclés. Eh bien, on en a découvert, des choses.

Trois jardins plus loin, le type tousse comme un possédé. C’est le même qui fait du djembé, en fin d’après-midi.

Une autre a déposé un plant de camomille.  » Bien au soleil, mais un coin ombragé ça va aussi. Ça s’étend vite et on doit rien faire.  » En face, la petite qui a commencé médecine en septembre dernier étudie tout le temps (ses parents ont expliqué que c’était ça la lampe allumée très tôt jusque très tard).

Il y a eu un apéro, chacun devant chez soi, chacun sa bouteille : on était cinq (neuf mètres de distance).  » Les ministres  » ont dégusté, au contraire  » des Coréens « . Pour ménager les cordes vocales, on a applaudi à 20 heures (sinon, les cloches s’en chargent), pile quand une famille qui courait passait. Ils ont fait de grands sourires et la foulée, ça allait tout de suite mieux.

On a vu un gars nettoyer les joints de sa cour à la brosse à dents. Alors on a comblé, au mortier, les trous dans ceux de la nôtre. Enfin.

Ça joue beaucoup, derrière les haies. Au foot, aux boules, au badminton (6 volants retrouvés, pas tous champions hein ! ). Avec des papas et des mamans. Et ça rit, ça rit ! Les enfants tiennent le marquoir et rigolent parfois moins. Comme quand celui qui a gagné, c’est le monsieur qui parle dans une langue où on dirait qu’il est toujours fâché, mais là il avait l’air très content.

On entend des tondeuses, comme ailleurs les cigales. Le soir, rien (que les feuilles dans les peupliers), et ça sent bon.

Là où ça bardait, une seule crise (c’est bien sur le mari ; on dit pas espèce de gros connard à ses enfants, si ? ).

Un monsieur a pris en photo la glycine,  » la plus belle du quartier  » (en fait, c’est la seule, mais ça lui faisait plaisir).

Le couple qui ne salue jamais a demandé si tout allait. Et espère que  » les gens vivent plus intelligemment « .

La madame d’à côté a donné une balle pour le chien. Qui n’aboie plus toute la journée, puisqu’il n’est plus seul.

Le type qu’on voyait tout le temps devant chez lui, tout seul, on l’a vu une fois. Le soir de l’apéro. Il a fait signe depuis sa fenêtre. Avec les siens.

En apprenant que des voisins d’ailleurs se liguent pour qu’une infirmière quitte leur immeuble, on s’est désolé. En comparant avec ceux d’ici, on s’est consolé.

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