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Comment la pollution de l’air affecte nos intestins

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

L’air que nous respirons devient de plus en plus pollué. Cela impacte les bactéries présentes dans le corps, notamment dans les intestins.

Les intestins sont souvent considérés comme notre deuxième cerveau. Le microbiome intestinal est composé de milliards de bactéries et les scientifiques essaient toujours de comprendre exactement comment elles influencent notre santé. On ne sait pas exactement à quoi est censé ressembler un microbiome intestinal 100% sain, mais il est largement admis par la communauté scientifique que les facteurs environnementaux, comme l’alimentation, peuvent le modifier. Parmi les théories émergentes sur le sujet, on suggère que la pollution de l’air pourrait être l’un de ces facteurs et qu’elle pourrait jouer un rôle non négligeable dans le déclenchement de maladies.

Gènes et facteurs environnementaux

Si une grande partie de notre santé est définie au début de notre vie, ce n’est pas le cas des intestins : « Le microbiome est dynamique et peut changer au cours de la vie. Il y a beaucoup d’interactions entre l’intestin et ce à quoi nous sommes exposés », explique Marie Pedersen (Université de Copenhague). Ces expositions jouent notamment un rôle dans le déclenchement de maladies inflammatoires chronique intestinales (MCI), comme la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique. Ces deux maladies peuvent avoir des répercussions sur presque toutes les parties du corps, comme la digestion, les hormones, les niveaux d’énergie et la santé mentale. Ces maladies « sont causées par les gènes dont une personne a hérité et par une réaction anormale du système immunitaire à certaines bactéries présentes dans l’intestin, probablement déclenchée par quelque chose dans l’environnement », confirme Jaina Shah (Chron’s and Colitis UK).

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Selon Gilaad Kaplan (Université de Calgary), auteur de plusieurs études sur le lien entre intestin et pollution atmosphérique, les gènes et les facteurs environnementaux perturbent l’intestin de la même manière. « Plus de 200 gènes sont actuellement connus pour rendre une personne sensible aux MCI. Ces gènes sont liés à la paroi intestinale, et certains sont liés à la manière dont le système immunitaire combat les mauvaises bactéries. Les mutations génétiques peuvent interrompre les capacités de protection de la barrière intestinale, et les expositions environnementales peuvent avoir le même impact », développe-t-il à la BBC.

Différents polluants atmosphériques

Les modèles observés dans les cas de MCI ont amené les chercheurs à déterminer si la pollution de l’air faisait partie de ces déclencheurs environnementaux. L’analyse a révélé que les taux les plus élevés se trouvaient en Europe et en Amérique du Nord, régions très industrialisées, tandis que le nombre de cas dans les pays nouvellement industrialisés d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud étaient en constante augmentation. Dans une analyse de données, Kaplan a constaté que la maladie de Crohn était plus fréquente chez les jeunes qui étaient davantage exposés au dioxyde d’azote. Il a également observé des liens similaires entre la pollution atmosphérique et l’appendicite, ainsi qu’avec des douleurs abdominales. On pense dès lors que la pollution de l’air joue un rôle dans le développement des MCI en modifiant le microbiome intestinal, ce qui provoque une réaction immunitaire et une inflammation. Kaplan a notamment remarqué des parallèles avec la manière dont la pollution atmosphérique affecte le coeur, même si des études supplémentaires sont nécessaires pour comprendre les liens et mécanismes entre les différents facteurs.

La pollution atmosphérique se compose d’un certain nombre de substances (monoxyde de carbone, oxyde d’azote, dioxyde de soufre, particules fines…) qui peuvent augmenter les risques de maladies, notamment respiratoires et cardiaques, et de décès prématurés. Les scientifiques ne savent cependant pas encore quels sont les polluants à blâmer. « Le dioxyde d’azote est un indicateur de la pollution due à la circulation, celui que les villes mesurent, alors nous l’étudions et l’attribuons aux maladies. Cela ressemble à la manière dont nous étudions les effets de la nicotine dans les cigarettes, qui contiennent de nombreux produits chimiques. Il est difficile de trouver la source exacte ». En plus d’atteindre nos poumons, les polluants peuvent être ingérés via les aliments, également exposés à la pollution.

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Combinaison de facteurs

Durant des tests en laboratoire sur des souris, Kaplan et un groupe de chercheurs ont découvert que l’exposition aux particules fines pouvait déclencher l’apparition de maladies gastro-intestinales. Les résultats ont montré une modification des gènes immunitaires, des signes d’inflammation et une perméabilité accrue de l’intestin. « La paroi intestinale est conçue pour servir de barrière afin d’empêcher les mauvaises bactéries d’entrer dans le corps et de permettre aux bonnes bactéries de faire leur travail. Si quelque chose affecte l’intégrité de cette paroi, cela peut créer de petits trous où les microbes pathogènes peuvent se loger, déclenchant ainsi une réponse immunitaire », explique Kaplan. Les souris exposées pendant 35 jours présentaient également des signes d’inflammation du côlon et des changements dans leur microbiome intestinal. Cela peut aussi modifier la nature de la maladie.

Bien que des recherches plus approfondies soient nécessaires, on s’entend aujourd’hui pour dire que la pollution atmosphérique n’est pas l’une des principales causes des maladies intestinales, mais qu’elle pourrait être l’un des facteurs déclencheurs, ou aggravants. « Les MCI sont complexes et multicausales, et plusieurs facteurs peuvent influencer leur développement, comme l’exposition aux antibiotiques chez le nourrisson ou l’exposition à la fumée de cigarette ». Chaque facteur peut contribuer à fragiliser notre santé jusqu’à ce quelque chose se produise, sans que le facteur déclencheur en soit la seule cause.

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