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Comment la peur du coronavirus affecte notre manière de penser

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

La menace et la peur de la maladie n’ont jamais été aussi élevées. Cela se répercute, souvent inconsciemment, sur notre manière de penser, de réagir et de fonctionner.

Depuis plusieurs semaines, nous sommes confrontés à un flot d’informations et de sollicitations concernant la pandémie de coronavirus : journaux télévisés en édition spéciale, notifications de média en ligne, articles partagés en masse sur les réseaux sociaux, graphiques aux courbes inquiétantes, conseils pratico-pratiques et même publications humoristiques sur le Covid-19. Ce flux constant alimente notre réflexion en continu et peut entraîner de l’anxiété et affecter de manière directe la santé mentale. Ce sentiment constant de menace, d’insécurité, peut avoir des effets plus insidieux sur notre psychologie, explique la BBC.

Une première étude menée par des chercheurs de l’UCLouvain et de l’université d’Anvers tenté de mesurer les risques du confinement pour la santé mentale des Belges. Les premiers résultats de leur enquête, menée auprès de 25.000 répondants, démontrent qu’un Belge sur deux en souffre. En temps normal, 18% des Belges déclarent être en situation de mal-être psychologique. Durant la première semaine du confinement, ce niveau a pratiquement triplé. Une statistique encore plus importante chez les personnes vivant de très près la maladie (famille ou soi-même infecté).

Perte de contrôle et crédulité face aux fake news

Malgré des informations omniprésentes, il y a encore énormément de choses que nous ignorons sur le coronavirus. Et cette incertitude crée de l’angoisse et de la peur. Cela altère notre perception de risque, et donc nos émotions. Notre connaissance de la maladie, et donc de son risque réel, étant faibles, nous ressentons une perte de contrôle. « Que peut-on réellement faire pour se protéger contre ce virus », se demande-t-on. Nous sommes calibrés pour répondre aux menaces, nous protéger, mais il est difficile de le jauger contre un virus encore inconnu il y a trois mois. C’est ce qui provoque un changement chez les gens et commence à leur faire adopter des comportements inhabituels, voire irrationnels, comme acheter des stocks impressionnants de papier toilette, ou de farine.

L’incertitude nous rend également plus vulnérables aux fake news, notamment parce que nous ne prenons pas le temps, ou ne savons pas comment, vérifier correctement les faits. Mais aussi parce que nos souvenirs nous jouent des tours : notre mémoire, pétrie par la peur, nous pousse à croire des choses que nous lisons à répétition, nous incite à chercher des informations qui valident nos croyances préexistantes.

Eviter instinctivement la contagion

Au fil de notre évolution, et encore aujourd’hui avec la crise du coronavirus, nous avons développé un ensemble de réponses psychologiques inconscientes pour agir comme première ligne de défense afin de réduire notre contact avec des agents pathogènes potentiels. C’est ce que certains scientifiques appellent le « système immunitaire comportemental ». C’est ce qui explique que, instinctivement, nous évitons un aliment qui sent mauvais, qui semble impropre à la consommation. Ou que la suggestion d’avoir ingéré quelque chose de malsain nous donne la nausée avant même qu’une infection se produise.

Comme nous vivons en communauté, cela affecte également notre rapport aux autres. Si la personne est mal informée ou influencée par des détails non pertinents, cela peut altérer sa prise de décision morale sur des questions qui n’ont rien à avoir avec la menace actuelle. Dans le cas de la peur du coronavirus, la crainte de la contagion nous amènerait ainsi à devenir plus conformiste et à moins accepter l’excentricité et la rébellion. Nos jugements moraux et nos attitudes sociales deviennent plus dures et conservatrices. Le renforcement du racisme au début du coronavirus, notamment envers la population d’origine asiatique, en sont un exemple.

Rentrer dans le rang

Nous devenons ainsi plus respectueux des règles et des conventions sociales lorsque nous ressentons la menace d’une maladie. Selon une étude menée par Mark Schaller (University of British Columbia, Vancouver), dans une situation de peur liée à la maladie, les participants étaient influencés par les autres, même si cela allait à contre-courant de leur opinion. De manière générale, tout signe de libre arbitre était moins valorisé par le groupe lorsque le risque de contagion était présent.

D’autres études ont également montré que, lorsqu’on craint la contagion, nous avons tendance à juger plus sévèrement un manque de loyauté et quelqu’un qui ne respecte par l’autorité. Cela peut expliquer notamment la virulence des messages circulant sur les réseaux sociaux contre ceux qui ne respectent pas le confinement, ou qui prennent davantage de risques. De la même manière, la majorité d’entre nous se désinfecte régulièrement les mains, ou tousse naturellement dans son coude alors qu’il ne l’avait jamais fait ni envisagé avant. Nombreux aussi sont ceux qui, en confinement, se sont mis à appeler régulièrement des proches de qui ils n’avaient plus pris de nouvelles en période « normale ».

L’instauration de nouvelles habitudes, le changement dans la manière de penser ou encore d’agir varie cependant d’un individu à l’autre. Certains sont naturellement beaucoup plus sensibles à la perception des risques, sanitaires ou autres. Si les études concernant nos réactions psychologiques face à la crise du coronavirus n’en sont qu’à leurs balbutiements, une question plane : les nouvelles habitudes ou manières de réfléchir vont-elles persister après cette période ?

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