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Cancer : gare à l’obésité!

On connaît des facteurs de risque classiques de certains cancers : alcool pour celui du foie, tabagisme pour celui du poumon. Pourtant, d’autres facteurs ont un rôle majeur, notamment l’obésité.

Le cancer est largement favorisé soit par l’hérédité, soit par une  » fragilité » familiale. Mais saviez-vous que le surpoids et l’obésité jouent leur rôle ? Ils sont accusés de favoriser l’émergence des cancers, de les rendre plus agressifs, de favoriser leur récidive et de rendre les traitements moins efficaces.

Plus qu’on ne croit

Cela peut paraître difficile à croire, mais la liste des cancers liés à un excès de poids et à la présence de graisse abdominale est longue : cancers du sein, du côlon, du rectum, du rein, du pancréas, de l’endomètre, de la vésicule biliaire, de l’oesophage, ainsi que le myélome multiple, les leucémies et les lymphomes non hodgkiniens. (1,2) Pourtant, cette relation varie selon les cancers, ce qui laisse penser que les explications sont multiples.

Par exemple, selon l’Institut National du Cancer français, une augmentation de l’indice de masse corporelle (IMC*) de 5 kg/m² augmente de 12 à 13 % le risque de cancer du sein après la ménopause par rapport aux femmes de poids normal (1). Étrangement, a contrario, le surpoids (mais pas l’obésité) protègerait les femmes plus jeunes (avant la ménopause) du cancer du sein (3,4) : une femme présentant un IMC supérieur de 5kg/m² avant la ménopause présente un risque diminué de 7 % par rapport aux femmes de poids normal (3,4,5). Ce qui n’ouvre pas la porte à tous les excès ! Car prendre beaucoup de poids (plus de 25 kg) après 18 ans augmente pour sa part aussi le risque de cancer du sein de 45 %. (6)

Et lorsque le cancer du sein s’est déclaré, il est établi que l’obésité est clairement associée à un pronostic plus négatif de la maladie : tumeurs plus agressives, risque de récidive plus important, moindre efficacité de la chimiothérapie et de la radiothérapie et mortalité plus élevée. (7,8,9)

Pas d’explication claire

Actuellement, plusieurs pistes d’explications sont avancées. (10) La première hypothèse repose sur l’hyperinsulinémie et l’augmentation des taux d’IGF-I (Insulin-like Growth Factor-I). « L’obésité s’accompagne, dans la majorité des cas, d’une insulinorésistance : pour maintenir un équilibre glycémique, le pancréas doit compenser par une plus grande sécrétion d’insuline. Parallèlement, on assiste à une augmentation de la biodisponibilité de l’IGF-I, découlant de l’hyperinsulinémie. Ces deux facteurs – insuline et IGF-I – favorisent la prolifération des cellules cancéreuses et diminuent leur apoptose, c’est-à-dire l’autodestruction des cellules qui ne sont plus saines « , explique le Pr Jean-Paul Thissen, du Service d’Endocrinologie et Nutrition aux Cliniques universitaires St-Luc – UCL.

La deuxième hypothèse accuse des taux élevés de cholestérol total, de triglycérides, de cholestérol HDL et d’apolipoprotéines A d’être associés à un risque accru de cancer. (11) « Ce lien avec l’hypercholestérolémie n’est pas encore expliqué. Très récemment, des chercheurs ont montré chez la souris que l’augmentation du cholestérol s’accompagne de la production d’une enzyme qui pourrait jouer sur les récepteurs d’un métabolite du cholestérol (27-hydroxycholesterol ) qui imite les oestrogènes et favorise le développement du cancer du sein. » (12)

Rôle des graisses ?

 » L’obésité est attribuée à une plus grande consommation d’aliments gras et sucrés et l’on a vu que les rongeurs qui mangent plus gras sont plus touchés par le cancer du sein. Si l’association entre les deux est claire, il est plus difficile d’établir un lien de cause à effet. Ainsi, dans une étude d’intervention, on a demandé à des femmes de manger moins de graisses et plus de fruits et légumes ; 10 ans plus tard, on ne constatait pas de diminution du taux de cancers du sein… », poursuit le Pr Thissen.

On en vient alors à une troisième hypothèse, qui accuse le tissu adipeux dont les adipocytes (les cellules graisseuses) sont connues pour fabriquer des oestrogènes. Plus il est dense, plus on dispose de ces usines à oestrogènes que sont ces adipocytes ! Et l’on connaît aujourd’hui l’implication de l’excès de ces hormones dans la genèse des cancers du sein hormonodépendants, les plus nombreux…

Ce tissu adipeux, reconnu désormais comme une glande endocrine à part entière, sécrète également des adipokines, molécules qui contrôlent le processus d’inflammation. (13) Parmi celles-ci, il y a la leptine, mise en évidence lors des recherches sur l’obésité : elle joue un rôle dans la sensation de satiété et le contrôle de l’appétit, la thermogenèse ou encore la dépense d’énergie. Plus le tissu adipeux est abondant, plus elle est produite. Et bon nombre d’études la soupçonnent de favoriser l’extension des tumeurs ainsi que leur prolifération. (14)

Perdre du poids

Toutes ces pistes expliquant la relation entre obésité et cancer du sein ne peuvent qu’inciter à favoriser un poids normal, en particulier à l’arrivée de la ménopause. Le but étant de normaliser la production d’insuline, de réduire le tissu adipeux et de contrôler son cholestérol. Cette mesure vaut aussi bien en prévention d’un premier cancer, qu’après avoir déjà développé un cancer pour diminuer le risque de récidive.

Notons enfin que la localisation de la graisse est importante. D’après une récente étude (15), la graisse abdominale expose davantage au risque de cancer. L’IMC ne suffit pas : il faut aussi se munir de son mètre ruban pour mesurer le tour de taille ! (16)

L’une des pistes est donc la perte de poids pour réduire le risque de cancer, mais comment ? « Des études montrent que la chirurgie bariatrique divise le risque par 2, mais uniquement chez les femmes ! Relation qui n’a pas été constatée chez les hommes qui ont subi cette intervention…  » Pour eux, si l’on en croit les études sur les rongeurs, c’est le régime (par restriction calorique) qui fait diminuer le risque de cancer en général, alors qu’il ne joue pas de rôle chez la femme… (17)

Quoi qu’il en soit, le surpoids et en particulier l’obésité devraient faire l’objet d’une plus grande mobilisation.

Par Carine Maillard

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