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Bromance: Pourquoi les hommes ont du mal avec les amitiés intimes

Stefanie Van den Broeck Journaliste Knack

La « bromance » est tendance depuis des années, mais il reste encore difficile pour beaucoup d’hommes de forger des amitiés intimes. « Dès leur plus jeune âge, les garçons reçoivent le message que les vrais hommes ne parlent pas, mais font. »

Hommes, attention ! Si vous êtes toujours à la recherche d’une activité pour le deuxième week-end de septembre, vous pouvez vous rendre à Sint-Joris-Weert, où se tient le MannenFestival, soit le festival pour les hommes. De « hommes, osez être vulnérable » à un « rituel masculin de feu druidique », toutes sortes d’ateliers sont programme.

Selon les organisateurs, ce festival vous offre de nombreuses occasions de découvrir à quel point il est merveilleux et précieux de se réunir entre hommes pour s’écouter, parler du fond du coeur et de se soutenir mutuellement. Une occasion unique pour se sentir « connecté » pendant trois jours et de rentrer chez soi inspiré et nourri. Le menu est alléchant, mais pourquoi faut-il aller à Sint-Joris-Weert pour ça? Le pub local n’est-il pas le meilleur endroit pour nouer de profondes et sincères amitiés ? Apparemment, c’est loin d’être évident pour beaucoup de messieurs, dit le sexologue Wim Slabbinck (pourquoi les hommes n’achètent pas de livres sexuels).

« Dans ma pratique, je vois beaucoup d’hommes qui se sentent seuls et qui ont du mal à se faire des amis. Souvent, ils ont des amis « d’activité », avec qui ils vont faire du vélo ou regarder le football, par exemple. Mais une amitié dite de tête-à-tête, et que l’on ose appeler ainsi, est, pour beaucoup d’hommes, une tout autre paire de manches. Cela n’a pourtant rien à voir avec des différences biologiques entre les hommes et les femmes, selon Slabbinck. « Nous parlons tous autant que nous sommes: une moyenne de 16 000 mots par jour. Et dans ma pratique, je vois que les hommes sont tout aussi capables que les femmes d’avoir une conversation profonde et émotionnelle. Mais il y a cependant une différence notable entre les deux : pour se lancer, les hommes doivent se sentir en sécurité. C’est bien sûr le cas dans une relation thérapeutique, mais pas toujours dans une amitié. Il suffit qu’un seul des potes rigole des émotions de l’autre pour que l’on passe rapidement aux bières. »

De tels espaces de sécurités sont donc très importants, et un festival masculin peut-être l’un de ces endroits. Mais la société a elle aussi un rôle à jouer. Et tout commence par l’éducation. Des études montrent que les futurs parents parlent plus à leur enfant à naître quand ils savent que c’est une fille. Et à partir de l’âge de douze, treize ans, les garçons ont souvent le message implicite qu’ils doivent prendre une certaine distance émotionnelle. Ils ne doivent pas trop discuter, mais agir. Le gouvernement joue également un rôle crucial: il investit beaucoup pour la féminisation des branches scientifiques, mais ne fait rien ou presque pour motiver les hommes à rejoindre le secteur soignant.

Atmosphère inconfortable

Le Néerlandais Jens van Tricht, directeur d’Emancipator (une organisation pour l’émancipation des hommes) et auteur de Pourquoi le féminisme est bon pour les hommes, pense qu’un changement de mentalité est nécessaire. « J’ai eu beaucoup de camarades masculins avec lesquels j’ai ressenti un lien profond. Mais quand j’ai montré que j’avais peur, que j’étais peu sure de moi ou, par exemple, quand je me débattais avec des questions relationnelles, l’ambiance devenait rapidement inconfortable. »

Cela a beaucoup à voir avec l’éducation: on n’apprend pas aux garçons à donner une profondeur à leurs amitiés. Ils reçoivent dès le plus jeune âge le message qu’ils ne doivent pas être trop « féminins », quoi que cela puisse signifier. Il y a du coup peu de place pour la vulnérabilité, l’insécurité et l’intimité entre les hommes. Malheureusement, il n’y a pas de solutions simples, selon Van Tricht. « En tant que parents, on ne peut se contenter de dire que son enfant peut être sensible. Vous devez montrer l’exemple en montrant vos émotions en tant que père. Et la société doit faciliter cela, par exemple en prolongeant d’autant le congé de paternité. De cette façon, les hommes peuvent mieux développer ce rôle de soutien. Une qualité qu’ils peuvent aussi appliquer dans d’autres contextes, comme l’amitié.

« Graduellement, la situation évolue cependant », estime Van Tricht. De plus en plus d’hommes jouent un rôle actif dans leur paternité, ont une relation d’égale à égale avec leur partenaire et introduisent davantage de profondeur dans leurs amitiés. « Bien que je remarque aussi un retour à la « masculinité traditionnelle ». De plus en plus d’espaces réservés aux hommes émergents, tels que des barbiers. Ce n’est pas une mauvaise chose, car ceux-ci peuvent être des endroits où les hommes parlent de leurs sentiments et où ils apprennent à mieux prendre soin d’eux-mêmes et des autres. Mais nous ne souhaitons pas pour autant le retour des anciens clubs masculins façon « olds boys ».

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