Judith Levy Keller © DR

Vaincre le cancer en beauté

Le Vif

Soins, instituts, vêtements et accessoires adaptés… jamais le combat contre la maladie n’aura eu plus belle allure. Futile ? Au contraire : pour la Fondation contre le cancer, le développement de l’onco-esthétique est une priorité.

Cécile Van Parijs a la grâce de ceux qui ont frôlé la mort et s’en sont sortis plus vivants que jamais. Sourire lumineux, yeux rieurs, cette brune pétillante a dû faire face il y a quelques années à un cancer, qui lui a donné l’idée de fonder Oncobulle, un réseau d’espaces d’esthétique et de bien-être dédié aux personnes atteintes de la même maladie. Autant de bulles de douceur, comme pour oublier à quel point l’annonce de la découverte de sa tumeur a été brutale.

Vaincre le cancer en beauté

Trois minutes chrono dans le cabinet de sa gynécologue, à tenter d’assimiler des explications médicales alambiquées.  » N’y comprenant rien, j’en venais presque à douter que j’avais le cancer « , se souvient-elle.  » Complètement perdue, seule et sonnée « , il lui a fallu le reste de la journée pour retrouver ses esprits et partager la triste nouvelle avec ses proches. Un choc que comprend parfaitement Isabelle Guyomarch, la fondatrice d’Ozalys, une marque de cosmétiques pensée  » pour les femmes qui sont touchées par le cancer du sein mais ne renoncent ni à se battre, ni à rester belles et féminines « .  » A la tête de l’une des principales entreprises françaises de création de parfums et cosmétiques haut de gamme, j’ai dû mener un combat pour la vie, mais aussi pour sauver mon entreprise « , détaille celle qui apprenait en 2013 qu’elle était atteinte d’un cancer  » grade 3, agressif « . Lui vient alors, au coeur de l’adversité, une jolie idée :  » pallier les manques de l’offre traditionnelle cosmétique et dermocosmétique en lançant une gamme sur mesure pour les femmes touchées par le cancer « . Mais pourquoi sur mesure ?  » De la chimiothérapie à l’hormonothérapie, les traitements anticancéreux affectent particulièrement la peau, les muqueuses et les phanères ( NDLR : responsables de la production des poils, des cheveux, des ongles et des dents), détaille l’entrepreneuse. Pour mettre au point des soins qui protègent, hydratent et nettoient avec douceur, nos équipes ont travaillé trois ans durant, de la formulation de la gamme jusqu’au packaging.  »

Une approche similaire à celle de Même, une marque d’onco-cosmétique française dont les fondatrices ont, elles aussi, été confrontées à la maladie.  » Juliette et moi avons vécu un cancer parmi nos proches et avons rencontré les mêmes difficultés à les aider, confirme Judith Levy Keller. En voyant leur peau et leurs ongles s’abîmer sous l’effet des traitements, provoquant inconfort et des douleurs, nous avons cherché à les soulager.  » Quant au nom de la marque, il a été pensé parce que  » même malade, je m’aime et on m’aime, une petite phrase qui nous a accompagnées tout le long du développement des produits, jusqu’à devenir notre mantra « . Rien de futile là-dedans : prendre soin de soi et de son apparence fait partie intégrante du combat. A tel point que la Fondation contre le cancer elle-même a souligné l’importance de la démarche. Dans un mémorandum publié en 2018, on retrouvait d’ailleurs la présence de services d’onco-esthétique dans les centres de référence. Un sentiment partagé par Cécile Van Parijs, qui souligne que dans une société où l’image a une telle importance, l’onco-esthétique devient essentielle.  » D’autant que si certaines conséquences des traitements, dont la chute des cheveux, sont connues, d’autres le sont moins et arrivent comme autant de mauvaises surprises : hypersensibilité au soleil, fragilité des ongles, affections cutanées… Une qualité de vie dégradée, que peuvent pallier des soins spécifiques.  »

Catherine Barbier et Julie De Groot (ici), à l'origine du concept Toujours belle, et Judith Levy Keller : toutes cherchent à soulager les malades du cancer par le souci de l'apparence.
Catherine Barbier et Julie De Groot (ici), à l’origine du concept Toujours belle, et Judith Levy Keller : toutes cherchent à soulager les malades du cancer par le souci de l’apparence.

Un marché en plein essor

Au-delà de la cosmétique, un tas d’accessoires permettent aujourd’hui aux patientes de préserver leur féminité, qu’il s’agisse de turbans, perruques, lingerie ou maillots adaptés. Toujours belle en propose une large sélection, via un e-shop et quatre enseignes à Bruxelles, Anvers, Louvain et Zele. L’offre va des compléments capillaires aux prothèses mammaires en passant par les vêtements de sport avec soutien-gorge intégré,  » parce qu’il n’y a rien de tel pour lutter contre le manque d’énergie que la pratique régulière d’un sport « , affirme Catherine Barbier, à l’origine du concept et convaincue d’exercer  » un des plus beaux métiers du monde « .  » Nous redonnons le sourire aux malades. Souvent, elles arrivent angoissées par cette future perte de féminité, mais repartent rassurées et confiantes « . D’autant que, afin d’éviter la stigmatisation, les boutiques de Toujours belle ont été pensées pour que rien ne les distingue des autres. D’ailleurs, celle de Bruxelles propose également des vêtements de nuit et de la lingerie pour jeunes mamans, afin de permettre à toutes les femmes de se côtoyer sans, pour certaines, se sentir écartées. Chez Même aussi, une attention particulière a été apportée au packaging et à la communication, avec, à la clé, des produits spécifiques mais pas  » médicalisés  » à outrance, afin que tous, malades ou non, puissent s’en servir avec un plaisir identique.  » Et aujourd’hui, nous sommes très heureuses de constater que beaucoup de personnes en bonne santé les ont adoptés, se réjouit Judith Levy Keller. Isabelle Guyomarch met également en avant cette non-stigmatisation. Ozalys, affirme-t-elle, a bien été pensée pour satisfaire aux besoins des malades mais il s’agit d’une marque  » d’un luxe nouveau, qui répond aux manques de l’offre dermocosmétique traditionnelle « . A l’heure de la conscientisation aux risques de certains ingrédients cosmétiques, ces gammes développées pour respecter les systèmes immunitaires fragilisés séduisent en effet un public toujours plus large. D’où une progression remarquable sur ce segment du marché : en 2014, déjà, L’Oréal pointait une croissance mondiale avoisinant les 4,8 %, contre 3,8 % pour le marché global de la beauté.

Vaincre le cancer en beauté

Reste que le besoin d’accompagnement ne s’arrête pas une fois la rémission annoncée. Au contraire. Cécile Van Parijs confie avoir subi à ce moment-là une deuxième onde de choc.  » Pendant mes traitements, j’ai été merveilleusement bien accompagnée. Mais à l’annonce de ma  » guérison « , toute cette empathie et cette bienveillance ont rapidement disparu. Une nouvelle ère commence, celle de la reconstruction. Et dans cette période, vous êtes seule.  » Pourtant, les conséquences de la maladie et des traitements persistent, entre  » perte de l’estime de soi, relation non harmonieuse à son corps, fatigue et système immunitaire affaibli « . C’est pour compenser cet entre-deux compliqué que Cécile a créé ses Oncobulles, des bulles beauté et de bien-être situées en dehors des hôpitaux et spécialisées dans la reconnexion à l’image de soi,  » garante d’une réintégration sociale et professionnelle réussie « . Isabelle Guyomarch abonde dans son sens :  » Des soins sur mesure permettent aux femmes de se réconcilier avec ce corps qui les a  » trahies  » et de se relever après le cancer.  » En beauté.

Par Kathleen Wuyard.

Isabelle Guyomarch, fondatrice d'Ozalys.
Isabelle Guyomarch, fondatrice d’Ozalys.

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