Main tendue

Nadia Geerts : « La beauté est peut-être la seule chose qui sauvera l’humanité »

Nadia Geerts, 49 ans, maître-assistante en philosophie, auteure et militante laïque et féministe.

Qu’est-ce qu’un beau geste ?

La notion de  » beau geste  » m’évoque une image de main gracieusement tendue vers quelqu’un, si le geste est beau dans tous les sens du terme, il est aussi gratuit, élégant et généreux.

Qu’avez-vous récemment fait pour vous-même ?

J’ai pris conscience assez tard dans ma vie de la nécessité de m’occuper de moi ; avant, je courais d’une tâche à l’autre sans être à l’écoute de mes besoins. Aujourd’hui, si je cours toujours, je le fais différemment. Comme un jogging avec mon chien !

Et pour votre entourage, privé ou professionnel ?

Après sa demande d’euthanasie, j’ai accompagné ma maman jusqu’à sa mort. En me permettant de vivre cela avec elle, elle a autant fait pour moi que je l’ai fait en l’accompagnant.

Et pour la société ?

Je lutte pour une vision universaliste de l’humanité en défendant notamment la laïcité et le féminisme car les discours  » communautaires  » qui fractionnent l’humanité en clans m’effraient. Je suis aussi végétarienne car je ne parviens pas à comprendre par quel mécanisme schizophrène on choie son chien et mange du cochon, alors que ces deux animaux sont tellement similaires.

Quel beau geste avez-vous posé pour des gens qui ne vous aiment pas ou que vous n’aimez pas ?

Plus que de beau geste, je parlerais d’une attitude générale qui fait que, face à des gens qui pensent différemment de moi, je suis moins mordante dans les débats qu’avant. Je respecte davantage mes adversaires car je pense que la critique des idées est non seulement permise mais salutaire.

Qu’avez-vous lu, vu ou entendu récemment qui vous réconcilie avec la nature humaine ?

Le livre de Françoise Héritier, Le Sel de la vie (éd. Odile Jacob, 2012), une sorte d’inventaire à la Prévert de tout ce qui fait la beauté de la vie. Je pense d’ailleurs que la beauté est peut-être la seule chose qui sauvera l’humanité pour peu que l’on apprenne à la voir partout où elle se trouve.

Quel est l’acte dont vous êtes le plus fière ?

Je suis devenue ce que je suis, pour reprendre la formule de Nietzsche. On a tous en nous une multitude de possibles et j’ai l’impression d’avoir réussi à en réaliser un maximum.

Quel geste avez-vous regretté de ne pas avoir posé ?

J’ai peu de regrets car, le plus souvent, j’essaie de rectifier le tir. Toutefois, j’ai regretté de ne pas avoir profité d’une émission relative à l’euthanasie pour remercier les médecins qui ont accompagné ma maman. Alors je le fais ici : merci du fond du coeur à eux, vraiment.

Quel acte a-t-on posé à votre égard qui a changé votre vie ?

Pour les dix ans de la mort du roi Baudouin, une maison d’édition a voulu faire appel au sociologue Claude Javeau pour dresser un bilan non apologétique de son règne. N’ayant pas le temps de l’écrire, il m’a proposé de le faire. Je ne le remercierai jamais assez, comme l’éditrice Marie-Paule Eskenazi.

Qui vous inspire ?

Pas de nom mais trois qualités qui m’épatent : la rigueur intellectuelle, l’humanisme et le sens de l’humour.

Selon vous, le monde irait mieux si…

Si tout le monde apprenait à penser par soi-même. Développer l’autonomie intellectuelle et affective à l’école qui, pour moi, est le seul rempart contre l’obscurantisme et les fléaux de ce monde.

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