"Big Brother is watching you" : la technologie de reconnaissance faciale de Clearview soulève de nombreuses questions éthiques. © GETTY IMAGES

La reconnaissance faciale de Clearview marque-t-elle la fin de l’anonymat public ?

Le Vif

Début mars, l’actualité de Clearview, qui a développé une méthode de reconnaissance faciale particulièrement efficace, faisait grand bruit.

La start-up américaine, spécialisée dans l’identification de personnes à partir d’une photo ou d’une vidéo, a toujours certifié n’avoir mis son appli qu’à disposition des autorités du pays, dans le but de leur faciliter la traque des criminels. Mais pourtant, aux Etats-Unis, plus de six cents organismes liés au respect de l’ordre public y recourent déjà. C’est le cas dans l’Indiana, où le succès fut d’emblée au rendez-vous.

Imaginez la scène : deux malfrats se disputent un sac, l’un tire sur l’autre et le tue. Un témoin remet à la police la vidéo du crime, saisie avec son smartphone. Le visage du tireur y apparaît furtivement. En moins de vingt minutes, l’intelligence artificielle permettra de l’identifier, alors qu’il n’a pas d’antécédents et n’est donc pas fiché. La concordance entre les traits de son visage sur la vidéo et sur une vieille photo publiée sur les réseaux sociaux, mentionnant ses nom et prénom, aura suffi. Or, Clearview possède une base de données de plus de trois milliards d’images, récupérées sur Facebook, YouTube, Venmo et des millions d’autres sites Web.

Si l’outil a jusqu’à présent aidé à résoudre bien des enquêtes criminelles, il pourrait désormais tomber dans le domaine civil, faisant craindre que la dystopie imaginée par George Orwell dans 1984, et son fameux  » Big Brother is watching you « , deviennent réalité. Le langage de programmation de Clearview est en effet conçu pour fonctionner également avec des lunettes de réalité augmentée. Un quidam qui les chausserait serait dès lors en mesure d’identifier chaque personne qu’il croiserait. Un coup de foudre sur le quai de gare au même titre qu’un participant à une manifestation. Outre son nom, il en connaîtrait l’adresse, l’activité et l’ entourage. Fini l’anonymat public.

Kashmir Hill, journaliste au New York Times, a rencontré Toan Ton-That, l’inventeur du logiciel.  » Il m’a prise en photo avec son application, raconte-t-elle. Celle-ci a trouvé de nombreuses correspondances, remontant parfois à une décennie, y compris des photos de moi que je n’avais jamais vues auparavant. Il a ensuite pris une seconde photo, où une main couvrait mon nez et le bas de mon visage. Malgré cela, l’application a affiché sept correspondances correctes !  » Avec des liens Web renvoyant à des sites permettant de retrouver les informations associées.

La force de Clearview, c’est sa capacité à utiliser des photos imparfaites. Ainsi, son intelligence artificielle décompose les visages en vecteurs, par le biais de formules mathématiques. Elle mesure, par exemple, la distance entre les yeux et regroupe les photos avec une valeur identique, ce qui permet au système d’utiliser un panel d’images bien plus large que celui des outils policiers traditionnels. Pour le meilleur et pour le pire.

Par Laetitia Theunis.

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