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Elle court pour ceux qui manquent de souffle

Le Vif

Charlotte fait le deuil de son bébé atteint de mucoviscidose en organisant des événements sportifs. Elle-même relève certains défis pour récolter des fonds et soutenir la lutte contre cette maladie incurable. Si elle se dépasse physiquement et transcende la douleur, c’est pour que son drame serve à quelque chose. A d’autres.

« Lorsque l’on fait face à une telle situation, on est capable de trouver des forces intérieures cachées, parce que finalement on n’a pas le choix. Cela nous tombe dessus et on doit prendre des décisions, aller de l’avant, car la situation est là et qu’elle est bien réelle, malheureusement. » Quand ils apprennent que le troisième bébé que Charlotte Van Strydonck porte dans son ventre est atteint de la mucoviscidose, le couple consulte gynécologues, psychologues, spécialistes de cette maladie incurable qui affecte les voies respiratoires. Ils s’écoutent, s’épaulent, se soutiennent. Et Charlotte interrompt sa grossesse à sept mois. « J’ai pris la décision la plus difficile de ma vie. » Ils l’ont accueillie, reconnue et laissé s’envoler. Elle s’appelle Colombe.

Quand j’ai compris que je devais continuer à vivre, j’ai décidé d’avancer avec elle et pour elle.

Sidération, anéantissement, tristesse. Puis vient la colère. Alors Charlotte pleure, Charlotte partage, Charlotte parle, Charlotte court dans les bois seule face à elle-même, elle se fait mal, hurle et crie. Elle s’isole, elle s’entoure aussi, elle se cherche et se recherche. Rien ne sera plus jamais comme avant, elle le sait. « Quand j’ai compris que je devais continuer à vivre, j’ai décidé d’avancer avec elle et pour elle. Ne pas lui donner sa place dans la famille n’était pas acceptable pour moi. Je veux qu’on parle d’elle pour ne pas l’oublier. Je lui ai fait une promesse que je veux respecter plus que tout : continuer à me battre pour elle, mais aussi pour les autres atteints de cette maladie, pour que notre histoire et ce qu’elle a vécu serve à quelque chose. Moi je suis vivante, moi j’ai du souffle, alors je vais t’aider. Courir pour la bonne cause était la solution. » Etre plus forte que le malheur, au lieu d’être prisonnière du passé. Après un traumatisme, soit on y reste enfermé – et on ne s’en sort pas. Soit on se débat pour se reconstruire autrement. C’est la résilience.

Elle court pour ceux qui manquent de souffle
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Le sport comme outil de résilience

Le concept de résilience développé par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik désigne la capacité de se reprendre, rebondir, aller de l’avant, et parfois même se dépasser. Le sport appelle justement au dépassement de soi : c’est en surmontant l’adversité et les difficultés que champions et amateurs se dépassent. C’est donc un moyen presque thérapeutique de redémarrer après un drame, la maladie, un échec personnel. Le sport a sauvé la vie de Thierry Corbalan, le « dauphin corse », amputé des deux membres supérieurs qui traverse en cette mi-septembre la Méditerranée à la nage : « Il faut vivre avec ce qu’on a, ce qu’on est maintenant et non avec ce qu’on n’a pas. Car même si elle ne vous a pas fait de cadeau, la vie a le mérite de vous permettre de rebondir si vous restez enthousiaste », déclare-t-il.

Comme une transcendance qui s’opère presque chimiquement dans le corps, Charlotte a tissé un lien par-dessus les nuages avec sa petite Colombe. « Je cours pour elle car je lui montre indirectement que je pense toujours à elle, qu’elle est en moi et que, grâce à elle, je me surpasse. Notre histoire a servi à quelque chose puisque je récolte des fonds pour les personnes qui ont la même maladie qu’elle. »

Dans sa pratique, les circonstances confrontent le sportif à des situations inattendues, qui s’ajoutent aux efforts répétés, à la motivation et au désir de progression. Tout comme ce qui se met en oeuvre dans le processus de résilience. S’entraîner, c’est aussi s’engager, être écouté et observé avec le soutien psychologique d’un coach, de l’équipe, ou de la famille. Dans cet échange verbal, il y a la formulation, autre élément clé de la résilience, avec l’altruisme. Aisling D’Hooghe, joueuse des Red Panthers, atteinte de sclérose en plaques depuis l’âge de 6 ans, reconnaît que si le sport de haut niveau est difficile, le fait de le vivre en équipe facilite la chose. « Le hockey m’a donné un objectif de vie, une rigueur. Et la faculté de ne pas juste accepter l’étiquette que cette maladie donne d’emblée. »

On se fait des idées sur ce qu’on pense être capable de faire, ou pas, mais tout est possible !

Connaissance de soi

Le sport développe aussi la connaissance de soi. Pour Benoît Thieffry, accro au sport malgré une arthrodèse de la cheville et une prothèse du genou, la fonction crée l’organe : « La douleur m’a appris à connaître mes limites pour les dépasser avec positivisme. Les blessures, l’âge et les apparences ne sont que des idées. Il faut les accepter, les dompter, s’écouter et parfois on trouve des forces inouïes dans ce qui devrait être des handicaps. » Parce qu’en plus, l’activité musculaire développe le cerveau beaucoup plus que ce que l’on croit, toujours selon Boris Cyrulnik.

« On se fait des idées sur ce qu’on pense être capable de faire, ou pas, mais tout est possible ! Parce que quand tu as la force et la motivation et quand ce que tu entreprends fait sens pour toi, tu te sens capable de décrocher la lune », conclut Charlotte qui prépare un trail de trois jours en itinérance dans les Vosges.

Se dépasser, c’est bien. Se dépasser pour les autres, en donnant du sens à sa sueur, c’est encore mieux. Parce qu’on utilise l’effort pour mobiliser, informer, financer ou attirer l’attention sur une cause, se dépasser par solidarité insuffle une dimension supplémentaire tant à l’entraînement qu’à la compétition. Et s’il était possible que chaque événement sportif se charge de récolter quelques sous pour la recherche médicale au lieu d’enrichir les sponsors ? Ainsi Mucolombe, l’association fondée par Charlotte, a récolté quelque 10.000 euros au profit de l’association Muco pour aider financièrement des familles de patients atteints de mucoviscidose, encourager des enfants à pratiquer une activité sportive régulière grâce à une intervention et les aider à réaliser leur rêve.

Incurable mucoviscidose

Dans notre pays, environ 1.300 personnes souffrent de mucoviscidose. Presque chaque semaine, un enfant atteint de la maladie voit le jour. La mucoviscidose est toujours incurable, mais il existe différents traitements pour en soulager les symptômes. Le test BeGecs permet aux couples désirant avoir un enfant d’être dépistés pour 1 200 anomalies génétiques, dont la mucoviscidose, et de pouvoir choisir en connaissance de cause.

Elle court pour ceux qui manquent de souffle
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Par Cilou De Bruyn.

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