Le CityTree, un mur végétal aussi efficace que 275 arbres pour purifier l'air ambiant. © DR

Des arbres artificiels pour dépolluer nos villes

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Ils promettent de purifier l’air comme le ferait un hectare de forêt. Les arbres artificiels peuvent-ils conquérir nos villes ? Si les premières expériences sont parfois mitigées, la technologie progresse à toute vitesse.

C’est littéralement l’arbre qui cache la forêt. Un banc, un mur ou un poteau, capables de libérer autant d’oxygène que plusieurs centaines d’arbres. Ce n’est pas de la science-fiction. L’essor des biotechnologies permet aujourd’hui d’envisager une solution innovante pour purifier l’air des villes, où chaque espace est compté : les arbres artificiels. La technologie reste encore peu abordable et perfectible, mais elle est opérationnelle. De Mexico à Hong Kong en passant par Londres et Berlin, plusieurs dizaines de grandes villes ont déjà acquis une ou plusieurs de ces unités, dont les locations ou les ventes sont en forte croissance depuis ces deux dernières années. Il ne s’agit pas d’un remède miracle, mais bien d’un appoint précieux pour améliorer la qualité de l’air dans des zones problématiques. L’enjeu est environnemental, mais aussi sanitaire : la pollution serait responsable de près de 800 000 morts par an en Europe et de 8,8 millions dans le monde, d’après une étude publiée en mars dernier dans le European Heart Journal.

La firme allemande Green City Solutions est un précurseur dans le domaine des filtres biotechnologiques. Créée en mars 2014, elle commercialise un an plus tard son premier CityTree : un mur végétal composé de mousse, adossé à deux bancs afin de l’insérer utilement dans l’espace public. Le dispositif de première génération, censé faire le job de 275 arbres, capte l’air ambiant par des fentes latérales et le filtre à travers la mousse, qui le purifie d’une partie de ses particules fines et des polluants majeurs.  » C’est une plante fascinante, souligne Felix Mann, directeur du marketing pour Green City Solutions. Elle peut filtrer les particules en suspension dans l’air et les transformer en biomasse, de telle sorte qu’elle s’en nourrit littéralement.  » Le CityTree possède différents capteurs connectés pour mesurer la qualité de l’air environnante en temps réel et attester l’efficacité du mur végétal.

Dans un premier temps, plusieurs villes ont opté pour une expérience temporaire, vu le prix d’achat du CityTree de première génération (40 000 euros). C’est le cas de la Ville de Bruxelles. En mai 2017, elle avait loué une unité placée sur le Mont des Arts, pour une période-test de trois mois. Mais le bilan s’est avéré plutôt mitigé. Design, compacité, autonomie électrique, lutte contre les îlots de chaleur… Tels sont les atouts recensés par Régis Callens, technicien énergie à la Ville de Bruxelles.  » En revanche, la mousse s’est desséchée rapidement après quelques jours de forte chaleur, alors que le mur végétal était censé s’irriguer de façon autonome, raconte-t-il. Le concepteur a toutefois été très réactif sur ce point.  » L’écueil principal concerne la précision et l’exhaustivité des données récoltées par le CityTree.  » Il a fallu trois mois avant d’obtenir un historique partiel, afin de les comparer avec nos propres outils de mesure de qualité de l’air. Quant au compteur calculant le gain en équivalent CO2, il devait s’agir d’un simple algorithme : il avait continué à tourner plusieurs jours après le démontage du module.  »

Une mousse qui se nourrit de particules en suspension.
Une mousse qui se nourrit de particules en suspension.© dr

Une seconde génération dix fois plus performante

Même si la Ville n’a pas poursuivi l’expérience, l’analyse environnementale s’est avérée globalement positive, dans les limites des seules données disponibles. De son côté, Green City Solutions semble avoir retenu les leçons de ces premiers essais.  » Les nombreux retours que nous avons reçus nous confirment que c’est une bonne idée et une technologie formidable, mais la première génération nécessitait des améliorations techniques », résume Felix Mann. La société allemande s’apprête ainsi à commercialiser un CityTree de seconde génération. Plus cher (60 000 euros environ), mais beaucoup plus fiable et performant, promet-elle.  » Le nouveau produit, qui sera commercialisé au début de l’année prochaine, constitue un bond technologique, poursuit le directeur du marketing. Il est conçu pour une production en série, avec une efficacité cinq à dix fois supérieure au modèle précédent.  » D’où l’ambition de vendre une centaine d’unités en 2020, et environ 600 à l’horizon 2024.

Cette année, Green City Solutions a décroché un financement de 1,2 million d’euros – sur une enveloppe totale de 1,8 million – pour son mur végétal, dans le cadre d’Horizon 2020, le plus grand programme de recherche et d’innovation jamais créé par l’Union européenne.  » D’ici à 2020, nos filtres à air biotechnologiques seront installés dans des zones sensibles du trafic et de la pollution à Berlin « , indique Felix Mann.

Depuis quelques mois, la société mexicaine BiomiTech, déjà couronnée de plusieurs prix, se profile comme une concurrente d’autant plus sérieuse qu’elle souhaite aussi conquérir le marché européen. Son produit phare, le BioUrban 2.0, ressemble à un arbre tout de cercles métalliques vêtus, au centre duquel trône un mystérieux cylindre contenant 500 litres vert fluorescent. Il s’agit en fait de micro-algues capables de reproduire le processus de photosynthèse équivalant à celui de 368 jeunes arbres, ou d’un hectare de forêt. D’après sa fiche technique, cet arbre artificiel de quatre mètres de haut peut capter plus de 13 millions de m3 d’air par an, pour en nettoyer jusqu’à 99,7 % des particules fines. Coût de l’unité : 50 000 dollars (environ 45 000 euros).  » Ce système ne prétend pas en finir avec la pollution, précisait Jaime Ferrer, cofondateur de BiomiTech, à l’AFP en août dernier. Il vient en soutien pour remédier au problème de pollution des intersections ou des sites de grande affluence.  » Trois BioUrban sont opérationnels à ce jour : à Puebla, l’une des grandes villes du Mexique, en Colombie et au Panama.

Comme c’est le cas pour beaucoup de technologies naissantes, les arbres artificiels doivent encore faire leurs preuves. Gadget ou révolution ? Au-delà de l’effet de marketing que suscite leur présence dans une ville, la diminution des coûts sera le facteur clé pour conquérir les villes.  » C’est l’un de nos principaux objectifs « , acquiesce Felix Mann. Mais si l’air pur semble avoir désormais un coût, l’ombre d’un bon vieux chêne, elle, n’a pas de prix.

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