Au Japon, on envisage de "créer" des porcelets dotés d'organes humains. © Getty Images

Créer un animal pour en faire un réservoir d’organes humains

Rosanne Mathot
Rosanne Mathot Journaliste

Créer un animal sans organes et remplacer ces derniers par des tissus 100 % humains, prêts à servir de greffons : c’est le rêve ultime de nombreux généticiens qui planchent sur le concept de « chimères animales-humaines », depuis les années 1990, afin de pallier le manque de dons d’organes humains.

C’est par analogie avec le mythe antique de la chimère – créature fantastique et composite – que les êtres nouveaux, possédant de l’ADN (et donc des caractères distinctifs) provenant de deux ou plusieurs individus de la même espèce ou d’espèces différentes, ont été nommés chimères. Dans le cas des chimères animales-humaines, il s’agit de créatures nées après l’implantation de cellules souches humaines reprogrammées (iPS) dans des embryons animaux.

Alors que, pour la première fois, des chimères humain-mouton viennent d’être créées à l’université de Stanford, aux Etats-Unis, le Japon a annoncé en mars dernier que les embryons chimères ne devront plus être détruits après 14 jours de développement in vitro. Ces créatures, en partie humaines et animales, pourront désormais être implantées dans des utérus d’animaux, afin qu’elles puissent y mener leur développement à terme.

Au Japon, les chercheurs pourront donc, par exemple, créer un embryon de porc doté d’un pancréas humain et le transplanter dans l’utérus d’une truie, ce qui pourrait donner naissance à un porcelet disposant d’un pancréas et de vaisseaux sanguins humains : exit le risque de rejet du greffon de la part du receveur. Ce changement de cap nippon est justifié par le ministère des Sciences et Technologies qui assure avoir conclu  » qu’il n’y avait techniquement aucun risque à produire un nouvel organisme mélangeant des éléments humains et animaux dans le cadre de la recherche « .

L’ensemble du monde scientifique ne partage toutefois pas l’enthousiasme japonais. Ainsi, le généticien John De Vos, responsable de l’unité de thérapie cellulaire du CHU de Montpellier, recommande la prudence : comment garantir que les cellules souches humaines, capables de se transformer en n’importe quel tissu, se contenteront de  » fabriquer  » ce qu’on leur a demandé (un pancréas, un foie… ) ? Comment éviter que ces cellules se transforment en neurones humains et colonisent le cerveau de l’animal, conférant ainsi à cette chimère une intelligence potentiellement humaine ?

En 2013, une expérience sur des chimères souris- humaines avait déjà montré que les rongeurs modifiés avec de l’ADN humain étaient plus intelligents que les souris standard. Et John De Vos de s’interroger :  » Que se passerait-il, si, par inadvertance, des scientifiques créaient un porc capable d’intellectualiser sa propre souffrance, un porc doté d’un sens d’injustice morale ? Si on peut accepter de tuer un animal pour prélever ses organes, il serait tout à fait monstrueux d’abattre un animal doté d’une conscience humaine, même pour le bien de l’humanité. « 

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