Chauffage alternatif : les autorités publiques montrent l’exemple

Le Vif

Si les pouvoirs publics locaux explorent des modes alternatifs de chauffage, c’est pour des raisons économiques comme pour s’engager dans la lutte contre les changements climatiques. Les bâtiments jouent un rôle important dans ce domaine, mais le chauffage ne représente qu’un des leviers sur lesquels agir.

Si tous les bâtiments publics ne font pas preuve d’autant d’originalité que la future maison communale d’Uccle chauffée par les égouts ou le domaine royal de Laeken par l’incinérateur voisin, ils sont de plus en plus nombreux à intégrer des modes de chauffage alternatifs. Économiser de l’énergie et de l’argent tout en faisant un geste pour le climat : ce sont finalement les mêmes raisons qui poussent les propriétaires particuliers et publics à rénover leur installation de chauffage ou à se tourner vers des énergies alternatives. Qu’il s’agisse de logements, d’hôpitaux, d’écoles ou encore de bureaux, les bâtiments comptent en effet parmi les plus gros consommateurs d’énergie.

En Europe, ils arrivent en deuxième position derrière les transports et devant les secteurs de l’industrie et des services. Cela se traduit en chiffres par une proportion d’environ 40% des consommations d’énergie et 36% des émissions de CO2. Comme l’Europe et ses Etats membres se sont fixés plusieurs objectifs à différents termes (lire l’encadré plus bas) pour diminuer ces émissions et consommations, agir sur l’efficacité énergétique des bâtiments est devenu un impératif – y compris pour les édifices publics.

Ces derniers représentent à peine 12% du parc immobilier européen, mais ils revêtent malgré tout une importance clé. « L’Europe met beaucoup en avant le rôle d’exemple des autorités publiques », constate Marianne Duquesne, Conseiller Expert au sein de la Cellule Energie de l’Union des Villes et Communes de Wallonie (UVCW). « Cela fait partie de la bonne gestion des deniers publics. » Cette volonté européenne se traduit entre autres par l’obligation pour les Etats membres de faire en sorte que « 3% de la surface au sol totale des bâtiments chauffés et/ou refroidis appartenant au gouvernement central et occupés par celui-ci soient rénovés, ou que des économies annuelles équivalentes soient réalisées » (article 5, directive 2012/27/UE).

Par cette voie obligatoire ou au travers de divers incitants, il existe une réelle volonté de donner un coup de pouce bien nécessaire aux rénovations, car selon les instances européennes, 75% du parc immobilier (privé et public) est actuellement inefficace au niveau énergétique. Et si l’on n’augmente pas l’actuel taux annuel de rénovation (qui tourne autour des 1%), les objectifs européens en termes de réduction des émissions de dioxyde de carbone ne pourront pas être atteints à temps.

L’exemplarité n’est pas le seul argument qui justifie les efforts des autorités publiques. L’amélioration énergétique des bâtiments publics a beau être une démarche coûteuse, elle s’avère économiquement avantageuse sur le plus long terme. Le passage à un mode de chauffage alternatif peut par exemple permettre de moins dépendre de la fluctuation des prix de l’énergie, mais aussi et surtout de réaliser des économies substantielles à l’utilisation (généralement 20 à 25% d’énergie en moins). Cette diminution des coûts n’est pas négligeable car, selon des calculs réalisés par Belfius sur base des comptes communaux 2016, les dépenses d’énergie représentent près de 45% des frais de fonctionnement des bâtiments appartenant aux communes.

Sans oublier un élément collatéral important ; outre des économies, l’amélioration des performances énergétiques de ces édifices peut aussi contribuer à stimuler certaines filières et à stimuler l’emploi.

Un patrimoine ancien, voire vétuste

Et puis, dans de nombreux de cas, la nécessité de rénover les bâtiments publics se justifie aussi bien par des raisons d’efficience énergétique que de simple confort. En cause : l’ancienneté – voire la vétusté – de beaucoup de ces constructions. Selon une analyse de Belfius, 64% des bâtiments publics et 74% des bâtiments scolaires en Wallonie datent en effet d’avant 1945. La situation est assez similaire en Flandre, où 23% des édifices publics existent depuis avant 1930, 40% ont été construits ou rénovés entre 1930 et 1975 et seuls 4% ont été érigés après 2006. Travailler sur les performances énergétiques de ce parc immobilier est donc non seulement une nécessité, mais aussi une véritable opportunité en raison de leur potentiel d’amélioration. A elles seules, les communes wallonnes occupent quelque 11.000 bâtiments communaux, selon l’Union des Villes et des Communes de Wallonie.

C’est d’ailleurs pour cette raison que la plupart des autorités belges « n’ont pas attendu les impératifs européens pour encourager la rénovation et imposer des normes énergétiques dans les bâtiments publics », souligne Marianne Duquesne. « Dans les années 1990, les communes wallonnes pouvaient par exemple déjà profiter des subventions de l’AGEBA (Appel pour la Gestion Energetique des BAtiments) pour des travaux d’isolation, l’intégration d’énergies renouvelables, etc. »

Aujourd’hui, cette aide a été remplacée par les subventions UREBA et d’autres mécanismes d’incitation ou d’encadrement ont vu le jour en Wallonie. C’est par exemple le cas de RenoWatt, qui fournit un accompagnement global aux entités publiques souhaitant se lancer dans une transition énergétique de leur patrimoine immobilier. Son principe repose sur des Contrats de Performance Energétique (CPE) dont le rôle est d’améliorer la performance énergétique des entités publiques – notamment via une maintenance externe des bâtiments. RenoWatt travaille en rassemblant diverses autorités publiques afin d’agir comme une centrale d’achats qui permet entre autres de diminuer les coûts des démarches.

Il existe aussi des initiatives similaires à Bruxelles, parmi lesquelles le Plan Local d’Action pour la Gestion Energétique (PLAGE) lancé en 2006 pour aider les gestionnaires immobiliers à diminuer la consommation d’énergie dans leurs bâtiments grâce à une meilleure gestion. D’abord proposé sur base volontaire, il est devenu obligatoire en juillet 2019 pour les occupants et propriétaires de grands parcs immobiliers (écoles, hôpitaux, bureaux, centres culturels ou commerciaux…). Mis en oeuvre via Sibelga, NRClick offre quant à lui un soutien et un suivi lors de travaux améliorateurs d’efficacité énergétique. Il met aussi à disposition des communes un outil de suivi de leurs consommations.

Agir plus globalement

Comme le mettent en évidence ces différents programmes, le chauffage n’est qu’un levier parmi d’autres (isolation, production d’électricité…) en matière d’efficience énergétique. « L’idéal est d’isoler l’enveloppe du bâtiment avant de remplacer le système de chauffage, afin que la chaudière soit bien dimensionnée par rapport aux besoins du bâtiment – ce qui est nécessaire pour garantir une consommation optimale », souligne Marianne Duquesne. Il n’est en effet plus question de simplement disposer d’unités de chauffage performantes, mais de concevoir les bâtiments globalement efficaces d’un point de vue énergétique.

Bruxelles impose ainsi depuis 2015 un standard passif à tous ses nouveaux bâtiments. La Wallonie a quant à elle appliqué début 2019 la norme « Quasi Zéro Energie » (Q-ZEN) à tous les nouveaux bâtiments destinés aux bureaux et à l’enseignement (ainsi que certaines extensions et rénovations de grande ampleur). Ce standard sera ensuite appliqué à partir de 2021 à tous les types de constructions. Les bâtiments publics existants de plus de 250 m2, quant à eux, doivent désormais afficher leur certificat PEB à Bruxelles et en Wallonie. Une façon parmi d’autres d’en faire des exemples…

Par Marie-Eve Rebts

Objectifs européens à l’horizon 2030 (tous secteurs confondus) :

– une baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990

– une part d’au moins 32 % d’énergie renouvelable dans le mix énergétique

– une augmentation de 32,5 % de l’efficacité énergétique (consommation d’énergie primaire par rapport à 2007)

Pourquoi pas des projets intégrés ?

Plutôt que de concentrer leur… énergie sur la seule amélioration de l’efficacité énergétique de leurs bâtiments publics, certaines municipalités étrangères ont poussé la réflexion – et l’action – un cran plus loin. C’est le cas de la ville catalane de Viladecans, citée en exemple par www.renouvelle.be, qui scrute l’actualité de l’énergie durable en Belgique et dans le monde.

A travers le projet Vilawatt soutenu par le programme européen Urban Innovative Action (UIA), Viladecans entend développer une vision très innovante du partenariat public-privé-citoyen pour coordonner et mettre en oeuvre sa stratégie de transition énergétique. Une entité juridique composée de la Ville, d’entreprises locales et de citoyens a été créée pour mettre en place de nouveaux outils tels qu’un fournisseur d’énergie, une monnaie locale énergétique, une plateforme de rénovation des bâtiments et un opérateur de financement des grands projets de production d’énergie renouvelable, évoque renouvelle.be. Cette approche intégrée vise non seulement à favoriser l’accès à une énergie durable à un prix abordable, mais aussi à croiser des investissements très rentables à court terme – tels que les grandes installations photovoltaïques – avec des investissements de rénovation des bâtiments, moins rentables, pour obtenir un portefeuille d’investissements économiquement viable à moyen terme.

Par PhB.

Energies renouvelables : peut mieux faire

Si la Belgique a adopté la rénovation énergétique de son parc immobilier public depuis longtemps, elle a encore beaucoup de chemin à parcourir en termes d’énergies renouvelables. La part de celles-ci dans la consommation finale a bien évolué entre 2004 et 2017 en passant de 1,9 à 9,7% (source Eurostat 2019), mais le pays reste parmi les plus mauvais élèves en Europe avec les Pays-Bas (6,6% d’énergies renouvelables). Des voisins comme la France et l’Allemagne affichent quant à eux des parts de 16,3% et 15,5% pour 2017, tandis que la Suède culmine en tête avec 54,5% d’énergies renouvelables dans sa consommation finale. On note aussi de bons scores en Lettonie (39%), en Finlande (41%) et même en Roumanie (24,5%).

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