Zoom sur la collection Lhoist

Guy Gilsoul Journaliste

Que vise le groupe industriel Lhoist quand il se fait collectionneur ? Réponse en deux volets au Musée de la photographie, à Charleroi.

Si le siège social de la société Lhoist est bien basé dans le Brabant wallon, son empire ne se limite pas à l’exploitation de carrières (chaux, chaux dolomie et calcaire) de Belgique mais se répartit sur 90 sites et 25 pays. Chiffre d’affaires annoncé : 2 milliards d’euros, gérés de manière très habile par une des familles les plus riches de Belgique. Depuis vingt-cinq ans, à la faveur de l’engouement mondial pour la photographie, la société s’est lancée dans une politique de mécénat et d’achats d’oeuvres d’art. Son objectif est double. D’une part, via des travaux de commande, renvoyer une image positive de l’entreprise. D’autre part, via des acquisitions de pièces historiques, rendre compte, de manière plus journalistique, des événements du monde entre les années 1930 et nos jours. Et ce, avec les meilleurs photographes du genre, dont ceux de l’agence Magnum.

La première partie de l’exposition réunit un échantillon d’images prises sur les sites de production en Europe et aux Etats-Unis. Sans surprise, le travail (étalé sur dix ans) de Bernd et Hilla Becher relève de l’inventaire. L’esthétique frontale et les tirages en grisés métamorphosent les sujets (les bâtiments actuels ou anciens) en objets atemporels et presque abstraits. Aucune silhouette humaine ne vient troubler ces imposantes présences. Tout au contraire, ce sont les travailleurs qu’Elliott Erwitt a fait poser devant l’objectif. De face et souvent en légère contre-plongée, ils déclinent fierté et sourire. Les ouvriers sont solidement arrimés au sol et posent leurs mains sur les hanches. Les cadres préfèrent mettre une main dans la poche. Mais le plus convaincant des six photographes réunis est sans conteste Josef Koudelka. On aurait pu s’attendre à des oeuvres évocatrices du travail et du destin humain de ces ouvriers des mines et des carrières. A leur place, on découvre de larges panoramiques en noir et blanc aussi nets que contrastés de paysages marqués par l’activité du groupe Lhoist. L’un d’eux, pris à Marche-les-Dames, est particulièrement saisissant.

Pour découvrir l’autre partie de l’exposition, il nous faut rejoindre les collections permanentes dans lesquelles les pièces de la collection Lhoist viennent combler çà et là quelques manques. On découvre par exemple une photographie de George Rodger prise le jour de la libération d’un camp de concentration ou celle prise par Robert Capa à l’heure de la guerre d’Espagne. Vient ensuite la vie à l’américaine des années 1950-1960. Entourés par les Robert Frank, William Klein et autres Louis Faurer de la collection permanente, voilà des clichés choisis de Werner Bischof, Bruce Davidson ou encore Elliott Erwitt (une petite merveille d’humour). La suite nous entraîne vers les figures marquantes des années 1960, Fidel Castro (par Burt Glinn), Allende (par Raymond Depardon) ou encore au coeur des conflits qui, du Vietnam (l’icône de Marc Riboud photographiant une jeune manifestante offrant une fleur à la police) à l’Irlande (Gilles Peress) en passant par l’Iran (Jean Gaumy), nous mènent peu à peu vers l’actualité présente mais toujours en gardant au coeur du propos la dimension humaine. Et sa beauté.

Commandes photographiques du groupe Lhoist, Musée de la photographie, à Charleroi. Jusqu’au 22 mai. www.museephoto.be

Guy Gilsoul

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